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mercredi, 02 octobre 2019

La Crimée: cinq années après les événements

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La Crimée: cinq années après les événements

Ex: https://www.zeit-fragen.ch

Développement – histoire – contexte

rt. Il y a cinq ans, en février 2014, la politique américaine d’encerclement de la Russie a culminé dans un coup d’Etat organisé sur le Maïdan à Kiev. L’objectif géostratégique d’intégrer l’Ukraine dans la sphère de pouvoir occidentale et, en même temps, de pouvoir stationner des troupes de l’OTAN directement à la frontière russe fut atteint grâce à cette opération clandestine. Peu après, la Crimée s’est séparée de l’Ukraine suite à un référendum pour rejoindre la Fédération de Russie.


Bien avant cela, la promesse de l’Occident – de ne pas avancer militairement davantage vers l’Est suite à l’effondrement du Pacte de Varsovie – fut rompue. Les opérations secrètes menées aux abords de la Russie et qualifiées de «révolutions de couleur», notamment celles ayant eu lieu à Tbilissi en 2003, à Kiev en 2004, à Bichkek en 2005 ou à Minsk en 2006, sont désormais clairement classées comme telles.


Comme nous le savons aujourd’hui, le coup d’Etat de Kiev en 2014, décrit dans les principaux médias occidentaux comme une protestation «justifiée», avait également été fomenté longtemps à l’avance. Ce n’est plus un secret que l’argent et le personnel de Washington ou des services alliés ont rendu ce coup d’Etat possible. Il est également largement connu que tout accord de paix entre l’Occident et la Russie est activement entravé et qu’on tente actuellement de mettre le pays à genoux par un boycott économique radical.


Dans les milieux d’affaires européens, il est rapidement apparu que le durcissement des sanctions économiques causent, d’une part, d’immenses dommages à l’économie européenne elle-même et, d’autre part, favorisent une coopération économique et militaire plus approfondie entre la Russie, la Chine et l’Inde – ce qui n’est pas vraiment dans l’intérêt de l’économie européenne.


La population de l’Ukraine est la grande perdante dans ce processus. Le bon fonctionnement du commerce avec la Russie a été interrompu, le transit lucratif de gaz de la Russie vers l’Europe occidentale a cessé, et le pays est appauvri par une politique corrompue dirigée par des oligarques, malgré sa richesse en matières premières et en bonnes terres arables.


Suite au coup d’Etat à Kiev, la Crimée s’est séparée et a rejoint la Russie. Ce détachement volontaire de l’Ukraine et le nouveau lien avec la Russie suite à un vote populaire (participation d’environ 80% des électeurs, accord de 95,5% des voix) sont toujours et encore présentés dans l’officiel langage occidental comme «annexion» par la Russie.


Le gouvernement russe ne pouvait accepter que la péninsule de Crimée «offerte» par  Khrouchtchev» à la République soviétique d’Ukraine en 1954, ne lui soit arrachée des forces occidentales. L’important port militaire de Sébastopol avec ses bâtiments de guerre, ses chantiers navals et son accès libre de glace fait partie de la zone centrale russe et demeure d’un intérêt vital pour le pays. Jusqu’à présent, la Russie avait été en mesure de continuer à exploiter le port maritime grâce à des contrats de location avec l’Ukraine. Mais déjà en 2013, avant le coup d’Etat du Maïdan, un département de la marine américain avait demandé des contrats de construction à Sébastopol – évidemment pas pour la construction de foyers pour enfants. Mais de l’avis des médias occidentaux, la Russie est toujours présentée comme la cause du conflit.


Les auteurs Ralf Rudolph et Uwe Markus ont publié l’ouvrage «Die Rettung der Krim» [Le sauvetage de la Crimée], une publication offrant une vision à la fois factuelle et fondée du prétendu «conflit de Crimée» et corrigeant l’image irréelle de la Russie.

 
 

rettungkrim.jpgLes auteurs accompagnent le lecteur à travers l’histoire de la sécession de la Crimée. On apprend un tas de choses sur les contextes historique, politique et économique de cette région. Comme les auteurs ont également de bonnes connaissances en histoire militaire, le lecteur est introduit dans les contextes géopolitiques. La constante politique d’encerclement de la Russie par les Etats-Unis, fortement guidée par leurs propres intérêts économiques, est présentée avec de nombreux faits, comme dans le différend sur les gazoducs dans la région de la mer Noire. Le bouleversement politique en Macédoine de 2016 apparaît soudainement sous un jour totalement nouveau. Le facteur décisif n’était pas les conflits internes, mais la construction prévue d’un gazoduc par un consortium dirigé par l’entreprise russe Gazprom via les Balkans vers l’Autriche.


Le lecteur apprend en détail comment le gouvernement russe a réussi, en quelques mois seulement, à approvisionner la Crimée malgré le blocus économique en violations du droit international imposé par l’Ukraine (interdiction des importations d’eau, de denrées alimentaires, de gaz, de pétrole et d’électricité). Il ne faut pas oublier que le boycott occidental initié par les Etats-Unis, toujours en vigueur, touche en premier lieu la population civile.


Dans un chapitre vers la fin du livre, le lecteur apprend que la Crimée est un lieu de vacances international très prisé avec de nombreux sites historiques.     •

Rudolph, Ralf; Markus, Uwe. Die Rettung der Krim. Phalanx. 2017. 237 p.; Contacts: www.phalanx-verlag.de ou markus-berlin@t-online.de

(Traduction Horizons et débats)

Le Moyen-Orient est littéralement en train d’exploser...

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Le Moyen-Orient est littéralement en train d’exploser...
 
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le Moyen-Orient est littéralement en train d’exploser : les Houthis ont porté un coup extrêmement efficace à la production de pétrole saoudienne qui, selon eux, a maintenant chuté de 50% avant de rebondir ; il y a des rumeurs persistantes selon lesquelles les Su-35S et S-400 russes ont menacé d’abattre un avion israélien attaquant la Syrie; le Liban a déclaré qu’il se défendrait contre les attaques israéliennes. Le Hezbollah a menacé de lancer des frappes paralysantes sur Israël et même contre des responsables israéliens; la Turquie a acheté des défenses anti-aériennes russes et affirme que si les États-Unis refusent de livrer leur F-35S, la Turquie envisagera les Su-35 et peut-être même les Su-57. Bibi Netanyahu a essayé d’utiliser Poutine pour sa campagne de réélection – enfin, il essaie vraiment désespérément d’éviter la prison – mais a dû rentrer chez lui les mains vides et, selon le Jerusalem Post, sa mission a été un échec.

Enfin, et pour nous assurer que les crises ne se limitent pas qu’au Moyen-Orient : les Polaks et la Cour européenne ont engagé des poursuites en justice pour tenter de contraindre la Russie à utiliser le transit de gaz par l’Ukraine; les États-Unis invoquent d’anciens traités pour menacer le Venezuela ; le Royaume-Uni va en enfer; L’Europe – eh bien, l’Allemagne – ne peut même pas faire plier les Polaks au sujet du pipeline North Stream 2 – bon, ils se plient bien sûr, mais pour Oncle Shmuel, pas pour Angela Merkel; L’Inde et le Pakistan se menacent l’un l’autre par Cachemire interposé. Ai-je oublié quelque chose ?

Ah oui, la RPDC lance de nouveaux missiles. Les États-Unis veulent blâmer l’Iran pour les attaques houthies; la Chine rejette catégoriquement ces accusations, tandis que la Russie continue d’annoncer de nouvelles armes révolutionnaires reposant sur de nouveaux principes et prévoit de déployer le «Prométhée» S-500, histoire de s’assurer que l’Empire n’aura pas d’idées stupides pour tenter de frapper la Russie, ou ses alliés, qui achèteront le S-500 en 2021, selon des sources officielles.

Je suis sûr que j’en ai oublié beaucoup. Vraiment, l’Empire s’effondre sur tous les fronts et, à son tour, cela signifie que les chances de voir les bas-de-plafond ignorants de la Maison-Blanche faire quelque chose de très stupide, augmentent de façon spectaculaire.

Oui, je sais, Bolton a été viré. Et j’applaudis cela, mais étant donné que je crois que Pompeo est encore plus délirant et diabolique que Bolton – sans parler de son arrogance fantastique – ce n’est guère une raison d’espérer. Je viens de lire que Robert C. O’Brien succèdera à Bolton, il était l’envoyé spécial du président pour les affaires d’otages au département d’État ; je me demande si cela signifie encore plus d’enlèvements de ressortissants russes dans le monde… ? Il y a tellement de choses à couvrir ici que je vais me limiter à quelques points sur le Moyen-Orient qui, à mon avis, sont importants.

Premièrement, la destruction partielle des principales installations pétrolières saoudiennes est un énorme embarras pour les États-Unis. Rappelez-vous que le royaume RAS [Arabie Saoudite] est vraiment le « quartier général » du CENTCOM et même la raison de son existence pour « protéger » l’Iran de l’URSS, et protéger officiellement le Shah, mais en réalité, cela faisait également partie d’un accord majeur entre les États-Unis et le RSA : « Vous n’accepterez que les paiements en dollars et nous vous protégerons contre tout le monde ». Bien sûr, il existe une longue liste de comparses occidentaux auxquels une promesse similaire a été faite, notamment Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, Manuel Noriega, Hosni Moubarak et bien d’autres ; la plupart sont maintenant morts, les autres en prison – si je me souviens bien. Maintenant, c’est au tour des Saoudiens, semble-t-il, non seulement les super Patriots «meilleurs que les S-300» n’ont pas arrêté les missiles des Houthis, mais toute la puissance combinée du CENTCOM a également échoué.

Deuxièmement, je ne peux qu’être d’accord avec ‘b’ l’auteur du blog Moon of Alabama – la guerre est terminée pour l’Arabie Saoudite. Qu’ils s’en rendent compte ou non ne fait aucune différence. D’accord, cela fera une différence dans le temps, mais dans le temps seulement. Les Saoudiens et leurs clients anglo-sionistes ont trois solutions :
  • Continuer plus ou moins comme avant : telle est la définition de la folie s’ils en attendent des résultats différents.
  • Escalader et frapper l’Iran, après quoi tout le Moyen-Orient va exploser avec des conséquences dramatiques.
  • Faire ce que les États-Unis font toujours : déclarer la victoire et partir.
De toute évidence, la troisième option est la seule raisonnable, mais qui a dit que Bibi, Trump ou Mohammed ben Salmane sont raisonnables ? Tulsi Gabbard s’est jointe à moi pour traiter Trump de pute, sauf que je dit que c’est une pute israélienne, alors que Gabbard pense pute saoudienne. Du pareil au même !

Il y a cependant un facteur restrictif : si Trump frappe l’Iran, il deviendra le «président jetable» des néo-conservateurs : l’Iran utilisera cette opportunité pour frapper Israël et Trump sera accusé pour cela – les néo-conservateurs ont, après tout, le contrôle total du Parti Démocrate et de nombreux comités clés du Congrès.

Donc, tout se résumera à éreinter Trump et à savoir s’il a les informations et les neurones nécessaires pour se rendre compte, d’abord qu’un assaut contre l’Iran détruirait sa présidence – qui est déjà foutue dans les grandes largeurs et attaquer l’Iran serait le clou sur le couvercle du cercueil – et ensuite qu’il serait à la fois mis en accusation et, bien entendu, jamais réélu.

Troisièmement, les Houthis auraient-ils pu le faire ? Absolument oui. L’Iran n’a pas eu à frapper directement, précisément parce que les Houthis étaient capables de le faire eux-mêmes. Découvrez cette exposition officielle de missiles balistiques houthis et de drones et voyez par vous-même ici et . En outre, les Houthis ressemblent beaucoup au Hezbollah et ils ont clairement appris à maîtriser les capacités avancées en matière de missiles et de drones, grâce à l’Iran, raison pour laquelle les Israéliens et les États-Unis sont si furieux. Maintenant, je répète, je ne dis pas que l’Iran n’a pas aidé, ou que cette frappe aurait eu le même succès si l’Iran n’avait pas fourni de renseignements, d’expertise technique, etc. Mais s’il existe la moindre preuve d’une implication directe de l’Iran, laissez le « lamantin malveillant » – c’est ainsi que Fred Reed a qualifié Pompeo – la montrer au monde entier, et il vaut mieux que la preuve soit plus solide que la merde qu’ils ont montrée pour Skripal, ou pour les coups montés d’armes chimiques en Syrie.

Quatrièmement, cela signifie pour le RSA et ses clients anglo-sionistes que les Houthis peuvent frapper n’importe où à l’intérieur du royaume saoudien en toute impunité. Et pas seulement là-bas. De plus, je soupçonne que l’Iran peut aussi frapper toutes les installations liées au pétrole ou au gaz situées au Moyen-Orient, tout comme il peut atteindre les objectifs américains / CENTCOM / OTAN / Israël qu’il souhaite. De plus, en cas de guerre totale au Moyen-Orient, vous pouvez vous attendre à ce que des missiles arrosent les installations américaines, non seulement au Yémen par les Houthis, et au Liban par le Hezbollah, mais aussi potentiellement en Syrie, en Irak et en Afghanistan.

Cinquièmement, peu importe où et ce que les États-Unis et / ou les Saoudiens et / ou les Israéliens enverront contre l’Iran, la réponse sera la même, du moins selon le professeur Marandi : ce sera énorme et la capacité d’exportation de pétrole et de gaz de tout le Moyen-Orient sera menacée. Il n’existe aucun moyen sûr, bon marché ou efficace de frapper l’Iran. Mais est-ce que les gens à Washington le réalisent ?

Ensuite, je voudrais faire quelques remarques sur l’interception présumée de F-35 israéliens par un Su-35S russe sur la Syrie.

Premièrement, nous n’avons pas vraiment les faits, alors attendons un peu. La plupart des histoires à ce sujet proviennent d’un journal en ligne arabe. Au cours des dernières 24 heures, il y a eu une « sorte de » confirmation de la part de la Russie, mais pas de la part des responsables. Ces informations ne donnaient pas tant de détails factuels, tels que la jubilation de voir Netanyahu revenir de Russie sans rien, la queue entre les jambes.

Deuxièmement, ma meilleure hypothèse est que cette histoire est probablement basée sur la réalité. Les Israéliens se comportent comme s’ils ne se souciaient pas de la présence russe en Syrie : ils ont donc recours à des frappes aériennes exclusivement à des fins de relations publiques – rappelez-vous que Bibi veut éviter la prison ! Et les Russes se sont probablement plaints, ont été ignorés, et finalement en ont eu marre.

Troisièmement, le fait que le Jerusalem Post ait dû publier un article horrifié sur cet événement prouve de manière concluante que ceux qui essayaient de nous convaincre que la Russie et Israël travaillaient main dans la main et que Poutine était le meilleur ami de Bibi étaient bien remplis de conneries, et leur piège à clics n’était que ça : un piège à clics.

Quatrièmement, il existe des passionnés de technologie qui essaieront toujours de prouver que le Su-35S est nettement supérieur au F-35 et que cette histoire est très crédible. Ceux qui expliqueront que le F-35 est nettement supérieur au Su- 35S et que cette histoire est une pure invention. La vérité est qu’il est inutile de comparer deux aéronefs avancés «dans l’abstrait» ou de déclarer qu’un est bien meilleur que l’autre. Oui, oui, le Su-35S est supérieur au F-35 à de nombreux égards, mais certainement pas dans tous les scénarios possibles. En fait, nous aurions également besoin de savoir quels autres avions étaient dans les airs à ce moment là – y compris les AWAC, SEAD et EW – et nous devrons déterminer le rôle exact joué par les S-400 russes, le cas échéant. De manière générale, je vous exhorte à ne pas vous engager dans le «comptage des haricots» – en ne regardant que la quantité de matériel en présence, ou en effectuant des comparaisons directes entre avions de combat. Dans ce dernier cas, nous aurions besoin de savoir quel type – et combien – d’entraînements les pilotes ont reçu, de quel type d’armes ils disposaient, de quel type de capteurs ils se sont servis et comment, et plus généralement, comment les Israéliens ont décidé de structurer leur attaque et comment les Russes ont décidé de réagir. Enfin, nous devrions obtenir des détails sur la fusion des capteurs, les opérations de réseau, les liaisons de données, etc. Comme nous ne savons rien de tout cela, je recommande de ne pas nous attarder sur les appareils / radar / missile de X versus les aéronefs / radar / missile de Y. Cela ne vaut tout simplement pas la peine.

Revenons aux frappes sur les installations pétrolières saoudiennes, il y a déjà des rumeurs selon lesquelles il s’agirait d’une opération sous fausse bannière des Israéliens, des Britanniques, du RSA ou des États-Unis. Eh bien, je ne peux certes pas prouver le contraire, mais je ne vois aucune raison impérieuse de tirer de telles conclusions. D’abord, c’est une très mauvaise nouvelle pour l’Empire et, de plus, les Houthis ont déjà mené des actions similaires à plusieurs reprises et il n’y a aucune raison de penser qu’ils n’auraient pas pu faire ce qu’ils ont fait. Néanmoins, il est également indéniable que toute hausse du prix du pétrole profite à de nombreuses personnes – schiste américain, Russie, RSA, etc. Enfin, il y a toujours et par définition le risque des Israéliens et de leurs alliés néocons concoctant une sorte de faux drapeau pour déclencher enfin une attaque américaine contre l’Iran. Tous ces arguments ne sont toutefois qu’indirects, du moins jusqu’à présent. Le fait qu’un faux drapeau soit possible ne signifie pas qu’il s’est réellement produit, ne l’oublions jamais et ne tombons jamais dans des conclusions prématurées ou non fondées.

Maintenant, regardons les cibles elles-mêmes. Nous parlons d’installations pétrolières énormes, qui, dans la logique des États-Unis / OTAN / Israël – ou « Axe du Bien » – sont très certainement classées comme «infrastructures de soutien du régime» ou quelque chose de similaires. En outre, même dans le cadre d’une logique qui ne relève pas de l’« Axe du Bien », les lois de la guerre autorisent des frappes sur des infrastructures essentielles à l’effort militaire de l’ennemi. Ainsi, alors que les stations de télévision, les ambassades ou les hôpitaux ne sont pas des cibles légales, les installations pétrolières critiques le sont. La seule condition est que l’attaquant fasse un effort honnête dans la sélection des cibles et des munitions et tente d’éviter des pertes évitables. Autant que je sache, les Saoudiens n’ont mentionné aucune victime. Oui, c’est peu probable, mais c’est ainsi que les choses se passent pour le moment. Dans ce cas, la frappe des Houthis était tout à fait légitime, compte tenu en particulier du type de dévastation génocidaire que l’« Axe du Bien »et le SA ont déclenchée contre le Yémen.

Enfin, je vais tenter de comprendre pourquoi la défense aérienne américaine et saoudienne était si nulle : ils ne s’attendaient probablement jamais à une attaque du Yémen, du moins pas aussi sophistiquée. La plupart des défenses aériennes US / RSA sont déployées pour se défendre contre une attaque venant d’Iran, venant du nord. Le fait que cette frappe ait eu un tel succès suggère fortement qu’elle venait du sud, du Yémen.

Conclusion au 18 septembre 2019

J’allais conclure que, selon Russia Today, le ministre saoudien du Pétrole a déclaré que le RSA «ne sait pas encore qui est responsable» et que c’était une bonne nouvelle. Ensuite, j’ai vu ceci : «L’Arabie saoudite accuse l’Iran de parrainer une attaque contre une usine pétrolière, affirmant qu’elle n’aurait pas pu venir du Yémen», également sur RT. Pas bon. Pas crédible non plus.

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D’une part, si cela avait été l’Iran, la frappe aurait été beaucoup plus massive et aurait fait partie d’une attaque à beaucoup plus grande échelle, non seulement contre les installations pétrolières saoudiennes, mais également contre toutes les installations et forces cruciales du CENTCOM. Il est hors de question que les Iraniens aient ouvert des hostilités majeures – et ces frappes ont été clairement décrites par les Saoudiens comme étant «majeures» – juste pour attendre des représailles massives US /RSA / Israël. Les Iraniens ne vont certainement pas répéter l’erreur cruciale de Saddam Hussein et laisser aux États-Unis / CENTCOM / OTAN / Israël / RSA le temps nécessaire pour se préparer à une attaque massive contre eux. Je surveille divers «indicateurs et avertissements» suggérant que les États-Unis sont prêts à faire un mauvais coup, et jusqu’à présent, je n’ai noté qu’un seul événement potentiellement inquiétant : le MSC Sealift [commandement du transport maritime militaire de l’US Navy] et le US Transportation Command ont ordonné une activation en mode turbo sans préavis de 23 à 25 navires sur les 46 de la Ready Force Reserve – RRF doit être prêt en 5 jours. C’est un nombre sans précédent depuis 2003 et cela pourrait signifier que quelqu’un prend des précautions ou que quelqu’un devient nerveux. Mais le mouvement est généralement en septembre, cependant pas d’une telle ampleur, plus de détails ici. Cependant, gardez à l’esprit que ces indicateurs ne peuvent être considérés isolément d’autres faits. S’il y en a plus, je ferai de mon mieux pour les signaler sur le blog.

Le fait que les défenses anti-aériennes US / RSA se soient si mal comportées ne signifie pas que les États-Unis n’ont aucune idée de « whodunit » [qui l’a fait ?]. Il existe de nombreux autres capteurs et systèmes – y compris dans l’espace – permettant de détecter un lancement de missile, en particulier un missile balistique ! Et certains modes radar permettent une détection à longue portée mais ne sont pas nécessairement capables de suivre une trajectoire en balayant ou de s’engager à longue distance. En outre, vous pouvez également surveiller les signaux de données et la télémétrie générale. Et comme les États-Unis disposent d’immenses bases de données contenant les «signatures» de toutes sortes de matériels ennemis, ils sont également en mesure d’évaluer avec précision le type de système utilisé. Juste dans ce cas, comme dans le cas du MH-17, le Pentagone sait exactement « whodunit ». Idem pour les Russes qui ont beaucoup de SIGINT / FISINT au Moyen-Orient – et dans l’espace.

Mais dans les derniers jours de l’Empire, les faits importent peu. Ce qui compte, c’est ce que les gens de la Maison-Blanche et d’Israël considèrent comme une solution politique. Mon plus grand espoir est que Trump découvre la vérité sur les frappes et qu’il ait encore assez de cervelle pour comprendre que s’il frappait l’Iran, il perdrait les élections et serait probablement même déposé.

Espérons que ses instincts narcissiques sauveront notre planète qui a tant souffert !

The Saker

lundi, 30 septembre 2019

Beyond multipolarity. This world is doomed; are we prepared for The Day After?

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Au-delà de la multipolarité. Ce monde est voué à l’échec ; sommes-nous prêts pour Le Jour d’Après?

Chisinau Forum III: Paul Ghițiu, écrivain, journaliste, cinéaste, politicien, Roumanie

Au-delà de la multipolarité. Ce monde est voué à l’échec ; sommes-nous prêts pour Le Jour d’Après?

Je commencerai par vous demander de vous souvenir de deux épisodes bibliques. La première est la Tentation d’Adam et Ève dans le Jardin du Paradis. La seconde, l’expulsion des marchands du Temple.

Dans le merveilleux livre de Michael Ende „The Never Ending Story”, la Terre Fantastique est sous la menace du RIEN. C’est notre propre histoire et celle de notre monde.

La multipolarité est-elle réelle ?

Nous sommes réunis ici pour parler de multipolarité. La plupart d’entre nous, peut-être même tous, appuyons cette perspective et en sommes même ravis. Est-ce une bonne chose ? C’est bien ce que vous croyez. Enfin, l’Empire américain est défié et en voie de décadence. Mais la multipolarité est-elle réelle ? Nous n’avons pas de réponse claire à cette question. Personnellement, puisque la multipolarité a été annoncée par Macron, qui a pointé du doigt les États-Unis, c’est-à-dire l’Empire américain, comme étant coupable de la décomposition de l’Occident, je ne crois pas que cela le soit. Plutôt une étape de leur plan, ou une évolution moins favorable, mais prise en compte. (Ne me dites pas que Rothschild lui a donné des millions pour quelques jours de travail dans sa banque et l’a laissé être un libre-penseur.)

La déclaration de Macron n’est pas un aveu, c’est de l’espièglerie : OK les gars, vous avez gagné, on se rend bla-bla-bla-bla ! Pour endormir notre conscience, pour nous faire croire qu’ils se rendent.

Ensuite, il y a Trump, ou plutôt les forces derrière lui, une partie de cette mafia mondialiste qui sont des personnages actifs dans cet épisode de changement du monde. Et, enfin, et c’est le plus important, n’oubliez pas que le centre qui gouverne le monde est plus actif et plus puissant que jamais : L’ONU avec tous ses organes et institutions et organisations (FMI, BM, OMS, HWO, Fonds des Nations Unies pour l’enfance, connu à l’origine sous le nom de Fonds international d’urgence des Nations Unies pour l’enfance, OMC et ainsi de suite) promeut et impose les politiques les plus néfastes de notre temps : domination du capital, paupérisation des pauvres et enrichissement des riches, migrations, vaccination, lgbtisation, programme de genre et bien d’autres.

J’ai l’impression qu’une fois de plus, ils essaient de jouer contre nous. A partir de cette scène paradisiaque, et plus discernable pour notre civilisation, depuis la Révolution française. Tout le temps, ils préparaient des mouvements à l’avance, de faux drapeaux, des impasses, des fausses directions et tout le temps que nous devions réagir. Et, en regardant autour de nous, nous pouvons dire que, jusqu’à présent, ils ont presque entièrement réussi. Ils ne l’ont jamais manqué. Est-ce qu’ils vont le rater maintenant ?

Nous aurons un monde multipolaire. Ces nouveaux poles fonctionneront-ils différemment ? Ces poles rejetent-ils les fondements économiques oppressifs de nos sociétés et vivent-ils pour une nouvelle vision ? L’argent demain sera-t-il moins important que les âmes ? Que l’amitié, que le respect, que l’amour ?

Je ne pense pas, et je vais vous expliquer pourquoi. Mais, bien sûr, qu’elle soit authentique ou non, nous la soutenons tant qu’elle signifie la décadence de l’Empire.

Un monde non humain. L’Empire de la capitale.

Reliez la „tentation du Paradis” avec le rejet de Dieu de nos jours, puisque nous nous sommes déclarés dieux. Relier „l’expulsion des marchands” de la synagogue avec ceux qui sont maintenant au pouvoir dans notre monde. Les marchands. Qu’ont-ils fait ? Ils nous ont offert le fruit du libéralisme, la partie supérieure, la partie apparemment décente et bénéfique de l’idéologie du capital. Et on l’a mordu profondément.

Nous ne vivons plus dans un monde humain. Jusqu’à récemment, les étiquettes des sociétés et des états humains étaient liées à quelque chose d’humain : activité, outils, relations, hiérarchie ou statut social, etc.

Nous vivions à l’âge de pierre, à l’âge de bronze, à l’âge du fer, à l’esclavage, au féodalisme, à l’état d’esclave, à la monarchie, à la royauté, à la république, à la démocratie, à l’aristocratie (une des trois formes étatiques des Aristoteles). Mais le monde dans lequel nous vivons est capitaliste (ou socialiste ou communiste, les niveaux inférieurs de la pile idéologique du capital). Aujourd’hui, nous sommes des libéraux, des socialistes, des communistes – toutes des identités idéologiques, toutes issues de la même source : le capitalisme émergent des âges humaniste et illuministe, à la recherche d’un moyen d’attraper le pouvoir mondial : à savoir, se légitimer comme la nouvelle religion du monde.

Aujourd’hui, l’argent est le principal déterminant de la „vérité”. „La vérité” est ce que dit l’argent, et l’argent a le pouvoir d’imposer la „vérité”. La vraie vérité, telle que j’essaie de la dire, n’est pas la bienvenue aujourd’hui par n’importe quel gouvernement ou intérêt dirigeant dans le monde occidental ou dans ces pays qui ont été corrompus par le monde occidental. En effet, l’ennemi de la vérité aujourd’hui n’est plus à Moscou ni en Chine. L’ennemi est à Washington, New York et Hollywood, à CNN, MSNBC, NPR, New York Times, Washington Post, et dans les universités et les scientifiques qui mentent pour de l’argent, et dans les super riches qui contrôlent ces entités, y compris le Congrès, le pouvoir exécutif, le Bureau ovale et le pouvoir judiciaire. (Paul Craig Roberts : La vérité est une espèce en voie de disparition)

Un monde en métastase

La mafia financière mondialiste ne disparaît pas si un monde multipolaire émerge. Ils continueront d’être ici : sous la serviette de table, sous l’oreiller, dans nos maisons et nos voitures, dans tous nos appareils, qui „remplissent le vide de notre vie” ; sous la nouvelle fondation culturelle ; partout dans le système éducatif ; sous les réseaux sociaux ; sous 99% de notre existence quotidienne. Avec d’énormes sommes d’argent, avec une grande partie de la Terre en leur propriété, avec des centaines de millions de sujets dans leurs sociétés transnationales et nationales, les réseaux structurels de l’Etat, la société civile, les médias, etc.

Nous vivons dans un monde qui c’est presque complètement rendu à l’argent. Et l’argent n’a pas d’autre „religion”, pas d’autre règle de base que leur multiplication. Ils n’ont pas de sentiments (la haine vient de leur maître), pas de douleurs, ils ne peuvent ni pleurer, ni rire, ni rêver. Ils ont toujours faim. Ce sont des tueurs de sang froid. Et ils sont profondément despotiques à 100 %. Pas de sympathie, pas de chimie, pas de pitié, pas de bonne volonté. Rien que plus d’argent, plus de vide, plus de RIEN. C’est pourquoi toutes les autres valeurs, tous les autres principes qui leur sont opposés doivent être pervertis, annihilés sans pitié. A propos de tout cela, nous ne pouvons pas nous faire d’illusions ; tout est clair comme de l’eau de roche.

Nous avons a affaire, notre monde a affaire au cancer ; une tumeur énorme qui n’est pas si facile à détecter puisqu’elle se cache derrière des institutions et des organismes nationaux et internationaux. Mais le vrai problème mortel, c’est qu’il a infecté toutes les cellules du corps humain, des sociétés humaines ; les cellules cancéreuses sont partout et dans presque toutes les cellules, apparemment,  sains le virus est présent en latence. Nous parlons à leur façon, nous pensons à leur façon, nous mangeons, nous dormons, nous aimons / détestons, nous perdons notre temps à leur façon. Nous sommes des clones de l’esclave parfait qu’ils ont développé dans leurs laboratoires sociaux. Donc, si nous voulons avoir un monde meilleur, nous devons rejeter tout ce qui leur appartient.

Ces personnes, ces serveurs du Mal ne s’arrêteront pas ; l’algorithme implanté en eux les pousse continuellement sur le chemin de l’esclavage humain, de la démolition de la création de Dieu. Ils sont ajustés pour aller jusqu’au bout : la destruction de la planète entière. Et je pense qu’il y aura bientôt la destruction, la douleur, la mort. Si jamais quelque chose réussit à s’opposer à eux au point de contrer et de vaincre leurs projets, ils sont prêts à tout faire sauter. Trois sont la raison pour laquelle ils ne le feront pas : D’abord, la volonte du Dieu. Deuxièmement, parce que jusqu’à présent, il n’y avait pas une telle force qui s’opposait à eux. Troisièmement, pervertir les gens avant de les tuer est une victoire plus douce pour le Diable que de les tuer directement. Une longue agonie d’un rituel tentant avant la mort.

Nous sommes confrontés à trois alternatives principales :

  1. La multipolarité est fausse. Ils réussissent à asservir le monde entier, mais pas tous les gens et pas pour toujours (volonté de Dieu). Plus tard, ils commencent à se battre les uns contre les autres jusqu’à une grande destruction du monde.
  2. La multipolarité est authentique, opposée non seulement au faux Empire américain, mais aussi au véritable Empire du Capital, principalement à son noyau anglo-zioniste. Les impériaux vont déclencher la guerre, une grande partie du monde est détruite. (C’est le véritable but des bases de missiles autour de la Russie et de la Chine.)
  3. La multipolarité est en fait authentique, mais les sociétés et les États compris dans les nouvelles politiques sont infectéset les générations suivantes s’agenouilleront devant le même maître ténébreux.

La seule solution : revenir à la VÉRITÉ

Dans l’une ou l’autre de ces variantes, l’avenir n’est pas du tout serein. Par contre, il fait assez sombre.

Amis ? De l’aide ? Malheureusement, puisqu’elle renforce en nous la croyance que nous sommes des dieux, la technologie n’est pas vraiment notre amie. Ni la démographie (taux de natalité), ni la répartition de la population entre villes et villages. Il en va de même pour la culture, l’éducation, les structures étatiques.

Le rythme de la transformation du monde ne cesse de s’accélérer. Nous parlons d’un monde multipolaire qui émerge, mais demain matin, il est déjà parti. La multipolarité ne sera que quelque chose que nous avons laissé derrière nous et nous devons déjà penser à l’avenir, essayer, pour une fois dans notre histoire, de penser plus loin qu’eux. Quelle est la formule suivante ? Que devons-nous faire pour les surmonter?

La solution radicale et unique est d’abandonner tout ce qui nous lie à ce faux monde : concepts, idéologie, dogmes, mots, références, habitudes, objets. Nous devrions abandonner tout ce que nous critiquons à l’égard de nos ennemis : les traits extérieurs, mais surtout les traits intérieurs.

Si nous ne cherchons qu’une nouvelle voie, une nouvelle solution pour un monde meilleur, sans d’abord nous changer nous-mêmes, nous continuerons à travailler leur volonté. La vraie et unique solution est l’ancienne solution qui consiste à nous changer, c’est-à-dire à réinitialiser notre intérieur, selon le modèle de Jésus-Christ, de revenir à ce genre de pensée, parler et agir. De retourner à la VÉRITÉ.

Source - FLUX

Beyond multipolarity. This world is doomed; are we prepared for The Day After?

Chisinau Forum III: Paul Ghițiu, writer, journalist, film maker, politician, Romania

I will start by asking you to remember two biblical episodes. The first is the Temptation of Adam and Eve in the Paradise Garden. The second, the expulsion of the merchants from the Temple.

In the wonderful book of Michael Ende „The Never Ending Story”, the Fantasy Land is under the threat of the NOTHINGNESS. That’s quite our own and our world story.

Is multipolarity genuine?

We gathered here to talk about multipolarity. Most of us, maybe all of us are supporting and even delighted with this perspective. Is it a good thing? It does certainly look like that. Finally, the American Empire is challenged and on the way of decay. But is multipolarity genuine? We have no clear answer to this. Personally, since multipolarity has been announced by Macron, who pointed to US, i.e., The American Empire as being guilty of West decay, I believe it’s not. Rather a step of their plan, or an evolution less favorable, but taken into account. (Don’t tell me that Rothschild gave him some millions for a few days of work within his bank and let him be a free-thinker.)

Macron statement is not an admission, is roguery: OK folks, you won, we surrender bla-bla-bla! To put to sleep our awareness, to make us believe that they are surrendering.

Then, there is Trump, or rather the forces behind him, a part of that globalist mafia who are active characters in this episode of changing the world. And, finally, but most important, don’t forget that the world governing center is more active and powerful than ever: UN with all its bodies and institutions and organizations (IMF, WB, HWO, United Nations Children’s Fund, originally known as the United Nations International Children’s Emergency Fund, WTO and so on and so on) promoting and imposing the most malign policies of our days: capital domination, impoverishment of the poor and enrichment of the rich, migration, vaccination, lgbtization and gender agenda and many others.

I have a feeling that one more time they try to play us. As from that Paradise scene, and more discernable for our civilization, since the French Revolution. All the time they prepared some movements in advance, false flags, dead ends, false directions and all the time we had to react. And, looking around us, we can say that until now they were almost completely successful. They never missed it. Will they miss it now?

We will have a multipolar world. Will these new poles work differently? Are these poles rejecting the economical oppressive foundation of our societies and lives for a new vision? Will money tomorrow be less important than souls? Than friendship, than respect, than love?

I don’t think so, and I will explain why. But, of course, genuine or not we are supporting it as long as it means the decay of the Empire.

A non-human world. The Empire of Capital

Relate „Paradise temptation” with nowadays rejecting of God since we declared ourselves gods. Relate „expulsion of merchants” from synagogue with who is now in power in our world. The merchants. What have they done? They offered us the fruit of liberalism, the upper part, the apparently decent and benefic part of the Capital Ideology. And we bit it deep.

We are not living in a human world anymore. Until recently, human societies and states labels were related to something human: activity, tools, relations, hierarchy or social status and so on.

We lived in the stone age, bronze age, iron age, slavery, feudalism; slave state, monarchy, royalty, republic, democracy, aristocracy (one of the three state forms of Aristoteles). But the world we are living in is Capitalist (or, Socialist, or Communist, the lower levels of the capital ideological stack). Today we are liberals, socialists, communists – all ideological identities, all coming from the same source: the emerging capitalism of humanist and illuminist ages, looking for a way to catch the global power: namely, to legitimize itself as the new religion of the world.

Today money is the main determinant of “truth.” “Truth” is what money says, and money has the power to enforce “truth.” Real truth, such as I attempt to tell, is not welcome today by any government or ruling interest anywhere in the Western World or in those countries that have been corrupted by the Western World. Indeed, the enemy of truth today is no longer in Moscow or China. The enemy is in Washington, New York, and Hollywood, in CNN, MSNBC, NPR, New York Times, Washington Post, and in the universities and scientists who lie for money, and in the super-rich who control these entities, including Congress, the Executive Branch, and Oval Office, and Judiciary. (Paul Craig Roberts:  Truth Is an Endangered Species)

A world in metastasis

The globalist financial-banking mafia doesn’t vanish if a multipolar world is emerging. They will continue to be here: under the table napkin, under our pillow, in our houses and cars, in all our devices, that „filled the void of our lives”; under the new cultural foundation; everywhere within the educational system; under the social networks; under 99 % of our daily existence. With huge amounts of money, with a large part of Earth în their property, with hundreds of millions of subjects in their transnational and national companies, state structural networks, the civil society, media and so on.

We are living in a world that near completely surrendered to money. And money has no other „religion”, no other ground rule than their multiplication. They have no feelings (hate is coming from their master), no pains, they can’t cry or laugh, or dream. They are always hungry. They are cold blood killers. And they are profoundly 100 % despotical. No sympathy, no chemistry, no mercy, no goodwill. Nothing than more money, more void, more NOTHINGNESS. That’s why any other values, any other principles opposed to them have to be perverted, annihilated without mercy. About all these we can’t have illusions; everything is crystal clear.

We are dealing, our world is dealing with cancer; a huge tumor which is not so easy to spot since it hides behind national and internaţional institutions and bodies. But the real deadly problem is that it infected every cell of mankind’s body, of the human societies; the cancerous cells are everywhere and in near all, apparently, sound cells the virus is present in latency. We are speaking their way, we are thinking their way, we are eating, sleeping, loving/hating, wasting our time their way. We are clones of the ever-perfect slave they developed in their social laboratories. So, if we want to have a better world, we have to reject everything that’s theirs.

These people, these servers of Evil will not stop; the algorithm implanted inside them pushes them continuously on the way of man enslavement, of God creation demolition. They are adjusted to go up to the complete end: the destruction of the whole planet. And, I think, there will be soon destruction, pain, death… If ever something will succeed to oppose them so hard as to counter and defeat their projects they are ready to blow up everything. Three are the reason they will not do it: First, God Will. Second, because up to now there was not such a force opposing them. Third, perverting people before killing them is a more sweet victory for the Devil, than killing them directly. A long agony of a tantalizing ritual before death.

We are facing three main alternatives:

  1. Multipolarity is fake. They succeed in enslaving the whole world buit not all the people and not forever (God Will). Later they start fighting with each other up to a large destruction of the world.
  2. Multipolarity is genuine, opposed not only to the fake American Empire but to the real Empire of Capital, mainly to the anglo-zionist core of it. The imperials will start the war, a large part of the world is destroyed. (That’s the true purpose of the missiles bases around Rusia and China.)
  3. Multipolarity is actually genuine, but societies and states comprised in the new pols are infected and the next generations will kneel before the same tenebrous master.

The only solution: returning to TRUTH

In any of the above variants, the future is not at all serene. Per contra, it looks quite dark.

Friends? Help? Unfortunately, since it enforces in us the belief that we are gods, technology is not really our friend. Neither demography (the birth rate), nor the population distribution between cities and villages. The same with culture, education, state structures.

The pace of world transformation is increasingly on and on. We are talking about a multipolar world that is emerging, but tomorrow morning it is already gone away. Multipolarity will be just something we left behind and we have to already think the future, to try, for once in our history, to think ahead of them. What is the next formula? What do we need to do to overcome?

The radical and only solution is to abandon everything that ties us to this fake world: concepts, ideology, dogmata, words, references, habits, objects. We should abandon everything we are criticizing at our enemies: outer features, but mainly inner ones.

If we are looking only for a new way, a new solution to change in better the world, without first changing ourselves, we will continue to work their will. The real and only solution is the old one of changing us, i.e. to reset our inner, according to the model of Jesus Christ, to that kind of thinking, speaking and acting. To go back to TRUTH.

Source - FLUX

10:53 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actaulité, politique internationale, multipolarité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Analyse d’un Général français sur les frappes Houties

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Analyse d’un Général français sur les frappes Houties

 
Ex: https://www.katehon.com

À l’annonce des frappes revendiquées par les Houthis et aux diverses questions qu’elles suscitent, je réponds ceci :

Je n’ai aucune raison de mettre en doute la revendication houthie pour les raisons suivantes :

– C’est une action en légitime défense parfaitement compréhensible.

Les territoires tenus par les Houthis sont bombardés quotidiennement depuis près de quatre ans par la coalition initiée et conduite par l’Arabie saoudite sous l’égide des États-Unis et d’Israël et de leurs vassaux occidentaux (France et Royaume-Uni). Face à cette agression, les Houthis, incontestablement soutenus par l’Iran, ont résisté comme ils ont pu, puis se sont organisés.

Ils mènent depuis deux ans des attaques aux drones contre le territoire de leur adversaire principal. Ces attaques à l’intérieur du territoire saoudien sont devenues, au fil du temps, plus précises, plus puissantes, plus fréquentes, plus profondes. Elles sont conduites en « légitime défense » dans le seul but de faire cesser l’agression saoudienne et l’ingérence de la « coalition occidentale » qui, toutes deux, sont meurtrières pour la population yéménite, et illégales car non approuvées par l’ONU. Des frappes houthies au cœur de l’Arabie saoudite ne sont donc pas nouvelles. Elles ont toujours été annoncées avant (sans préciser l’objectif) et revendiquées après.

Accuser l’Iran est d’une stupidité sans nom. Pourquoi l’Iran mènerait-il une attaque illégitime, voire suicidaire à partir de son sol, alors que leur allié houthi peut le faire, en légitime défense, à partir du territoire yéménite ? En outre, tous les mouvements d’objets volants sont suivis avec précision, surtout au Moyen-Orient, tant par les Occidentaux que par les Russes qui disposent des moyens les plus sophistiqués pour le faire (radars, satellites). Je ne parle évidemment pas des Saoudiens qui disposent de tous ces moyens de protection anti-aériens de fabrication US mais qui ne savent peut être pas s’en servir…. Bien sûr, l’Iran a aidé les Houthis à construire leurs drones (ingénieurs, technologies). Peut-être les a-t-il même conseillés pour leur mise en œuvre. Et alors ?

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Après tout, les avions de la coalition saoudienne qui frappent quotidiennement le Yémen et les bombes ou obus qui tuent les Yéménites sont de fabrication US, britannique ou française. Les bateaux qui assurent le blocus maritime du Yémen et réduisent la population yéménite à la famine le sont aussi. Que dire devant un tel constat ?

Ce qui me frappe, c’est la frénésie des fausses accusations occidentales de plus en plus fréquentes et de moins en moins crédibles qui nous sont rabâchées quotidiennement par les médias mainstream. Tout ce qui ne va pas en Europe dans le sens voulu par nos élites dirigeantes, c’est la faute à la Russie (Ukraine, Brexit, élections nationales, affaire Skripal) ; tout ce qui ne va pas en Asie, c’est la faute à la Chine ; tout ce qui ne va pas au Proche-Orient et au Moyen-Orient, c’est la faute à l’Iran ; tout ce qui ne va pas en Amérique du Sud, c’est la faute au Venezuela, etc. On ne construit pas des politiques étrangères solides en imputant aux autres les résultats de ses insuffisances.

Dans les cercles du pouvoir, personne ne semble vouloir s’interroger sur les véritables causes des désordres mondiaux qui crèvent pourtant les yeux. Pour faire simple il s’agit, avant tout, des ingérences néoconservatrices tous azimuts et tous prétextes dans les affaires de pays souverains, ingérences d’une coalition occidentale en déclin qui cherche désespérément à maintenir son hégémonie sur le reste du monde et ses « avantages acquis » au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Au-delà de cette frappe et de ses conséquences en terme d’approvisionnement pétrolier, on peut se demander si cette action houthie ne constitue pas aussi un triple message de l’Iran à l’adresse des États-Unis, de l’Arabie saoudite et du reste du monde.

Le premier message adressé aux USA, et plus largement à la « coalition occidentale », pourrait bien être le suivant :

« Si les Houthis sont parvenus, avec une vingtaine de drones et missiles, et des moyens limités, à frapper des cibles à 1 000 kilomètres de leurs bases, en déjouant “le dôme de fer” saoudien, s’ils sont parvenus à réduire de moitié la production saoudienne de pétrole en une seule attaque, imaginez quel pourrait être le résultat si un grand pays comme l’Iran devait riposter à une “agression” saoudienne ou US avec plusieurs centaines de drones aussi furtifs qu’efficaces. L’Iran 2019 n’est pas l’Irak de 2003. Il est équipé et armé pour un conflit asymétrique et il n’est pas seul. Russie, Chine, Inde notamment coopèrent avec lui. N’oubliez pas que l’équilibre économique du monde est aujourd’hui très fragile et peut être ébranlé à votre détriment. À bon entendeur, salut… »

Ce message est fort, et semble avoir été entendu jusqu’à présent par ses destinataires d’autant qu’il a été appuyé par une action incontestablement efficace et d’ampleur inattendue…

Le deuxième message adressé aux Saoudiens et plus largement aux pays du Golfe, pourrait être le suivant :

« La confiance aveugle que vous avez mise dans les armements occidentaux achetés à grands frais et dans des alliances destinées à protéger vos familles régnantes n’est pas justifiée. Le résultat de la “frappe d’avertissement” houthie montre que ni l’armement, ni le soutien achetés à vos alliés n’ont permis de vous protéger. Cessez donc d’écouter et de suivre ceux qui s’ingèrent dans vos affaires pour leur seul intérêt. La sécurité dans la région du Golfe est l’affaire des pays riverains qui doivent coopérer entre eux et refuser les ingérences intéressées des pays occidentaux. »

Ce message est également fort et a été reçu 5 sur 5 par les Émirats et le Qatar à défaut de l’être encore par la jeune « tête brûlée » d’Arabie saoudite qui surestime les capacités de son pays alors même qu’il est mis en échec par le David yéménite. Un à un, les pays du Golfe reprennent peu à peu le chemin de Téhéran.

Le troisième message iranien adressé au monde entier et qui sera relayé par de nombreux pays « amis » (de l’OCS notamment) pourrait être le suivant :

« Ne confiez pas la direction du monde et votre protection à un État unique qui sème aujourd’hui le désordre et le chaos partout où il s’ingère, qui n’a plus de parole et remet en cause les traités du jour au lendemain, qui agit par la contrainte et les sanctions extraterritoriales, même à l’encontre de ses alliés, et surtout qui n’a plus les moyens militaires classiques adaptés à ses ambitions pour l’emporter dans des conflits asymétriques. Et, pour votre protection anti-aérienne, achetez le S400 russe, plus efficace et moins cher que le Patriote US qui a montré ses limites tant en Arabie saoudite qu’en territoire israélien ».

 

Source : Réseau International

 

L’Iran et l’art de la guerre

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L’Iran et l’art de la guerre

ex: http://www.dedefensa.org

20 septembre 2019 – Six jours après l’attaque terriblement efficace contre les installations de l’Aramco le 14 septembre et l’absence de riposte du Système qui aurait dû immédiatement sanctionner ce crime de lèse-majesté, le paysage commence à s’éclaircir. Il s’agit d’une défaite majeure pour le Système ; peut-être pas encore Waterloo mais au moins la Bérézina qui ouvre irrésistiblement la voie la voie à Waterloo, tout cela très rapide parce que le temps historique devenu métahistorique pourrait être, dans certaines circonstances, bien plus rapide qu’en 1813-1815.

Ce qui est caractéristique de notre époque complètement encalminée dans les illusions technologiques de la postmodernité est ce fait remarquable : ce que nous classons comme une grande date métahistorique, l’attaque contre Aramco, est complètement dépendant des performances et contre-performances de la ferraille technologique dont le Système et son serviteur américaniste sont si complètement férus, et s’avèrent pourtant si complètement les prisonniers à vie et jusqu’à la mort. En effet, l’attaque d’Aramco tend désormais à être unanimement appréciée en termes de ferraille technologique ; en d’autres mots : pourquoi le Parrain américaniste, en termes mafieux s’entend, n’a-t-il rien fait pour prévenir et contrer décisivement l’attaque, et ainsi sauver son valet saoudien ?

Réponse du ministère de la défense russe, d’habitude très peu expansif mais qui , cette fois, sort de sa réserve : « Après l'attaque contre Saudi Aramco, un responsable du ministère russe de la Défense a déclaré que le système Patriot n'était pas conforme aux caractéristiques déclarées.
[...]
» “Les justifications du secrétaire d’État américain [Mike Pompeo]qui a déclaré que ‘parfois, les systèmes antiaériens du monde entier donnent des résultats contradictoires’ n’auraient pu être acceptées que s’il était question d’un seul système Patriot qui défendait concrètement le site attaqué, selon une source au sein du ministère de la Défense. Mais grâce aux États-Unis, l’Arabie saoudite a déployé ces dernières années sur son territoire, surtout dans sa partie septentrionale, un puissant système de défense antiaérienne dans la région à champ de radar ininterrompu.”
» Mike Pompeo avait précédemment évoqué les batteries antiaériennes saoudiennes, qui comprennent le système américain Patriot, en déclarant que ces systèmes ne donnaient pas toujours “le résultat escompté”.
» “Il ne peut y avoir qu’une seule raison: les systèmes Patriot et Aegis tant vantés par les Américains ne sont pas conformes aux paramètres déclarés et n’ont qu’une faible efficacité de lutte contre des cibles aériennes de petites dimensions et les missiles de croisière, a poursuivi le responsable. Ils ne sont tout simplement pas capables de repousser une large utilisation par l’ennemi de moyens d’attaque aérienne dans la réalité du combat.”
» Toujours selon la même source, la frontière septentrionale de l’Arabie saoudite est protégée par 88 batteries de de tir du Patriot. En outre, trois frégates lance-missiles de la Marine américaine dotées du système Aegis contrôlant 100 missiles SM-2 se trouvent dans le Golfe au large des côtes de l’Arabie saoudite. »

patriot-launch-200px.jpgLe Patriot est une bonne vieille histoire (depuis 1976-1984) d’un caractère exceptionnel dans la durabilité et la solidité de la farce déguisée en simulacre. La firme Raytheon, qui en est la mère-nourricière (voir le secrétaire à la défense Esper pour plus d’informations : il y officia pendant dix ans), sort régulièrement une nouvelle version (PAC-1, PAC-2, PAC-3...) après une démonstration des caractéristiques catastrophiques de sa progéniture, assurant alors que ses “défauts de jeunesse” sont corrigés ; il est manifeste qu’il y a eu des changementsentre chaque version par rapport à la précédente, puisque chaque version coûte beaucoup plus cher que la précédente. Les premiers exploits du Patriot datent de la première Guerre du Golfe, puis enchaînant sur la seconde (quelques détails dans ce texte). On rappellera plus en détails, à partir d’un autre texte du 29 juillet 2010, ce passage du type-anecdote, où l’on voit s’opposer l ‘un des très rares hommes politiques israéliens de grande vertu et adversaire de la dépendance d’Israël des USA, l’ancien ministre de la défense Moshe Arens, et le président Bush à propos des exploits du Patriot chargés de protéger Tel-Aviv en 1990-1991, – selon les confidences d’Arens lui-même dans un documentaire sur la Guerre du Golfe :

« Arens s’est toujours signalé par une forte affirmation nationaliste, et, à partir de sa formation d’ingénieur en aéronautique et sa position à la défense, par la transcription de cette position dans la recherche de l’affirmation de la souveraineté nationale au niveau des programmes d’armement, ce qui l’amenait à des conflits avec les USA. Il eut en 1991 un sévère accrochage avec le président Bush-père, au cours d’un entretien. Bush, qui avait une tendresse particulière pour Raytheon et son missile sol-air Patriot, avait été informé par le même Raytheon des performances exceptionnelles du Patriot durant la guerre du Golfe. Ces performances étaient un pur argument de relations publiques mais l’enthousiasme de Bush-père était purement ingénu. Le recevant à la Maison-Blanche, le président parla à Arens en termes dithyrambiques des performances du Patriot dans la défense de Tel Aviv contre des missiles irakiens Scud, lors de la guerre du Golfe. Arens lui répondit, sur un ton glacial, que le taux de réussite des Patriot contre les Scud dans cette occurrence était équivalent à zéro, – aucun Scud intercepté par le moindre Patriot. La réaction du président US fut extrêmement vive et la rencontre tourna à l’aigre. L’anecdote marque la considération de Arens pour les équipements US, et donc permet d’encore mieux entendre sa position d’aujourd’hui vis-à-vis du JSF. »

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On ajoutera bien entendu que les missiles Standard (Standard Missile, ou SM) montés sur les frégates et croiseurs-AEGIS, également cités pour la défense d’Arabie, n’ont pas un pedigree plus glorieux. C’est le croiseur USS Vincennes qui, naviguant en 1988 dans le Golfe pour “protéger la liberté des mers”, repéra grâce à son système AEGIS/Standard un Airbus de la compagnie aérienne civile iranienne et l’identifia aussitôt comme un F-14 Tomcat de la force aérienne iranienne, le détruisant aussi sec en un seul tir de Standard, pour cette fois extrêmement précis : 290 morts civils et pas une seule condoléance ni excuse de l’administration Reagan. 

Tout cela est vite dit et écrit, mais illustre le vrai des capacités habituelles des armes et des systèmes américanistes, essentiellement depuis les années 1980 et encore plus vite depuis la fin de la Guerre froide, avec un déclin vertigineux de toute attention portée à leurs capacités et à leurs performances réelles (essais truqués, évaluations faussées, etc.) et une croyance religieuse des commanditaires (les hommes politiques) et des utilisateurs (les chefs militaires) dans les arguments de relations publiques des firmes productrices. L’attaque de l’Aramco en constitue une démonstration étonnante, au-delà même de ce qu’on pouvait concevoir auparavant s’il s’avère effectivement que pas un seul coup ne fut tenté et tiré contre l’attaque des drones. A ce point du raisonnement, que ces drones soient iranien, houthis ou monégasques importe peu : c’est l’inexistence de la défense qui constitue l’événement fondamental, et cette défense est entièrement américaniste ; elle est, certainement du point de vue quantitatif et très probablement du point de vue “qualitatif” (des équipes US contrôlant les systèmes les plus sensibles), mieux équipée que la plupart des zones stratégiques américanistes elles-mêmes.

Les déclarations de Pompeo à son départ vers l’Arabie sont d’un ridicule à mesure de l’ampleur de l’événement, – en même temps qu’ils donnent une idée de l’impuissance des USA à comprendre la vérité-de-situation, c’est-à-dire leur vérité-de-situation, c’est-à-dire qu’ils sont entraînés dans une spirale d’incapacité, de paralysie, d’effritement, – voire d’entropisation... Se répétant en Arabie, Pompeo a été jusqu’à préciser : « Même les meilleurs systèmes antiaériens du monde entier donnent parfois des résultats décevants », précisant qu’il était à Ryad notamment pour proposer aux Saoudiens des changements et des améliorations dans leur système de défense (sans doute un Patriot PAC-4 à guidage en or massif et beaucoup plus cher ?) ; exactement comme si eux, les Saoudiens, étaient complètement fautifs de l’échec des défenses, à cause de leur propre matériel, de leurs propres technologies, de leur propre méthodologie...

Ce que l’on peut constater au cours ces six derniers jours, c’est l’ampleur de l’écho de l’échec US au niveau militaire aussitôt transcrit en termes politiques sinon métahistoriques dans cette occurrence, tant l’Arabie est perçue à cet égard comme une sous-colonie illettrée, entièrement contrôlée par ces mêmes USA ; en appendice évidemment important, on trouve, quelles que soient les circonstances de l’attaque, la perception de l’affirmation militaro-technologique de l’Iran (et des forces qui lui sont liées, par conséquent), et cela de ses propres capacités pour l’essentiel, tant l’Iran entretient jalousement son autonomie et son indépendance, tant ses liens avec d’autres puissances (la Russie par exemple) sont à mille lieues de la vassalisation réciproque et corrompue entre les USA et l’Arabie, – quasiment d’une autre nature.

Sur ces sujets, on lira quelques paragraphes de la plus récente analyse (de ce jour) d’Alastair Crooke, le directeur de Conflict Forum, qui nous restituent effectivement les grandes significations de l’événement :

« Ce que la frappe de précision a fait, c’est de pulvériser le simulacre des États-Unis se faisant passer pour le “gardien” du Golfe et le garant de la sécurité du flot de pétrole brut alimentant les veines d’une économie mondiale fragile.  Il s’agissait donc d'une frappe de précision visant le paradigme dominant, – et elle a réussi un coup mortel.  Elle a mis en évidence le caractère faussaire des deux affirmations. Anthony Cordesman écrit que “les frappes contre l'Arabie saoudite constituent un avertissement stratégique clair que l'ère de la suprématie aérienne américaine dans le Golfe, et du quasi-monopole américain sur la capacité de frappe de précision, s'estompe rapidement”.
» Les Iraniens étaient-ils directement ou indirectement impliqués ?  Et bien.... ça n’a pas vraiment d’importance.  Pour bien comprendre les implications, il faut comprendre l’événement comme un message commun, venant d'un front commun (Iran, Syrie, Hezbollah, Hash’d a-Shaibi et les Houthis).  Il s’agissait de pulvériser la crise des sanctions au sens large : un tir stratégique (missile) crevant le “dirigeable” sur-gonflé de l’efficacité des tactiques américaines de “pression maximale”. Il fallait retourner la méthode de contrôle du monde par les sanctions et les tarifs et la fracasser littéralement. La Russie et la Chine sont presque certainement d’accord et sans doute applaudissent-ils (discrètement).
» Cette approche comporte des risques évidents. Le message sera-t-il entendu correctement à Washington ? Car, comme le souligne Gareth Porter dans un contexte différent, la capacité de Washington de comprendre, ou de “bien lire” dans “l’esprit” de ses ennemis semble avoir été en quelque sorte perdu, – par impuissance de Washington à éprouver quelque empathie que ce soit pour “l’altérité” (iranienne, chinoise ou russe).  Les perspectives ne sont donc probablement pas très bonnes.  Washington ne “comprendra pas”, au contraire il pourrait en rajouter, avec des conséquences potentiellement désastreuses. Porter écrit :
» “L’attaque d’Abqaiq est aussi une démonstration dramatique de la capacité de l'Iran à surprendre stratégiquement les États-Unis, bouleversant ainsi ses plans politico-militaires. L’Iran a passé les deux dernières décennies à se préparer en vue d'une éventuelle confrontation avec les États-Unis, et le résultat est une nouvelle génération de drones et de missiles de croisière qui donne à l’Iran la capacité de contrer beaucoup plus efficacement tout effort américain visant à détruire ses ressources militaires et de viser des bases américaines à travers le Moyen-Orient.

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» “Le système de défense aérienne de l'Iran a été continuellement mis à niveau, à commencer par le système russe S-300 qu'il a reçu en 2016. L'Iran vient également de dévoiler en 2019 son système de défense aérienne Bavar-373, qu’il considère comme plus proche du système russe S-400, acheté par l’Inde et la Turquie, que du système S-300.
» “Ensuite, il y a le développement par l’Iran d’une flotte de drones militaires, ce qui a incité un analyste à qualifier l’Iran de ‘superpuissance des drones’. Parmi ses réalisations en matière de drones, mentionnons le Shahed-171 ‘drone furtif’ avec missiles à guidage de précision et le Shahed-129, qu'il a conçu à partir du Sentinel RQ-170 des États-Unis et du MQ-1 Predator”.
» Comprendre le message de Porter représente la clef pour comprendre la nature du ‘grand basculement’ qui a lieu dans la région. Les avions robots et les drones, – tout simplement, – ont changé les données fondamentales de la guerre. Les anciennes vérités ne tiennent plus, – il n'y a pas de solution militaire américaine simple pour l'Iran.  
» Une attaque américaine contre l'Iran n'apportera qu'une réponse iranienne ferme, – et une escalade. Une invasion américaine complète, – comme l'invasion de l'Irak en 2003, – n'est plus dans les capacités américaines. »

L’art de la guerre et leur psychologie

... Mais il nous apparaît évidemment, à nous aussi, que “ce que les Américains ne sont plus capables de faire” est en l’occurrence bien plus important que “ce que les Houthis [ou les Iraniens ou les Monégasques] sont capables de faire” ; en quelque sorte, c’est notre “Bye bye FDR” par obligation et par faiblesse, autant que par volonté unilatéraliste de repli : « Non seulement ils ne peuvent plus, mais ils ne veulent plus (à moins qu’ils ne veuillent plus parce qu’ils ne peuvent plus ?)... Bref, et comme disait l’avisé Macron : “Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l'hégémonie occidentale sur le monde.” » 

Le plus dramatique dans ce constat est évidemment ce qui se dit de plus en plus, et qui constitue l’élément fondamental de la psychologie de l’américanisme, cette impuissance totale de l’américanisme pour l’empathie, y compris et surtout cette absence complète d’empathie objective (se mettre à la place de l’autre pour mieux le comprendre) pour comprendre ce qui se passe dans “l’esprit” de l’adversaiere. Crooke/Porther le disent précisément : « ...la capacité de Washington de comprendre, ou de “bien lire” dans “l’esprit” de ses ennemis semble avoir été en quelque sorte perdue, – par impuissance de Washington à éprouver quelque empathie que ce soit pour “l’altérité” (iranienne, chinoise ou russe). » Nous serions tentés de proposer une nuance, de taille au demeurant : cette capacité n’a pas été “perdue”, parce que, selon ce que nous croyons de la psychologie de l’américanisme faite d’inculpabilité et d’indéfectibilité et ainsi si parfaitement spécifique, cette capacité n’a jamais existé dans cette psychologie ; la raison étant simplement que, pour la psychologie américaniste et donc exceptionnaliste, l'“autre” ne peut exister sinon bien entendu à être aussitôt gobé et digéré subito presto par l'américanisme.

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Dans l’article qu’il consacre à l’attaque, Pépé Escobar écrit ceci : « Le refrain du renseignement américain selon lequel les Houthis sont incapables d'une attaque aussi sophistiquée trahit les pires courants de l’orientalisme et du “fardeau de l’homme blanc” exprimant le complexe de supériorité [le suprémacisme] de l’homme blanc. » Nous comprenons parfaitement cette affirmation, et ce qu’elle a de justifiée dans le chef de la reconnaissance des capacités des “autres”, sauf pour ce qui est de l’emploi du terme “homme blanc” rejoignant les thèmes LGTBQ à la mode du “suprémacisme de l’homme blanc”. L’histoire de la couleur n’a pas sa place ici ; il s’agit de psychologie et de technologie et, s’il faut parler de “suprémacisme”, alors nous dirions qu’il est question essentiellement, sinon exclusivement pour la séquence en cours qui est infiniment plus importante que l’histoire réécrite et caviardée postmodernistement du colonialisme, de “suprémacisme anglo-saxon” ; ou encore mieux, de “suprémacisme américaniste” (les Anglais s’y mettraient dedans), auquel nombre d’hommes de couleur, Obama en premier et en position de dirigeant suprême, souscrivent avec enthousiasme. Le philosophe de l’histoire, l’Anglais Arnold Toynbee, avait, trois-quarts de siècle avant nous, largement explicité la chose et donné tous les éléments permettant de comprendre la Grande crise actuelle...

Cela bien compris à propos du “suprémacisme anglo-saxon/américaniste” et qui est d’une importance fondamentale, il est bien évident que l’attaque de l’Aramco démontre, – directement ou indirectement qu’importe, – après plusieurs autres événements dans ce sens (de la capture du drone RQ-170 fin 2011 à la destruction du RQ-4C Global Hawk de juin 2019), que l’Iran dispose de capacités technologiques directement opérationnelles d’une ampleur et d’une qualité dont bien peu de puissances peuvent se targuer aujourd’hui. Depuis l’amère défaite de l’armée israélienne face au Hezbollah à l’été 2006, on sait également que des organisations non-étatiques peuvent, dans des guerres classiques d'une réelle impoirtance, s’affirmer comme des puissances d’une dimension d’organisation et de cohésion dont nombre de pays ne disposent pas, et les Houthis ne font ainsi que nous en apporter confirmation...

Bien entendu, on observera, sans guère de surprise, que tous les exemples que nous donnons vont dans le même sens, qui est antiaméricaniste comme on est antiSystème. Il n’y a aucune surprise dans ce constat, dans la mesure où les USA eux-mêmes, par leur folie belliciste et autodestructrice, leur technologisme d’une extrême surpuissance mais parvenu au point de l’autodestruction, nourrissent leurs adversaires des armes et des technologies dont ces adversaires useront contre eux (Blowbackou Janus)sans être infectés par la psychologie de l’américanisme.

Cela signifie que la résistance dans le domaine même qui nourrit l’hybris américaniste (le technologisme) n’a pas cessé d’augmenter, sur le terrain même où cet hybrisse manifeste (le technologisme). Le résultat n’est nullement d’inspirer de la prudence ou de l’habileté manœuvrière aux USA, – choses qui leur sont parfaitement inconnues, – mais plutôt de susciter une incompréhension sans cesse grandissante de “l’autre” (empathie nulle) et un réflexe de plus en plus automatisée dans le sens de la surenchère, de ce que l’on croit être de la surpuissance (de l’hyper-surpuissance) et qui s’avère être de l’autodestruction parce que les moyens de la guerre américaniste sont en chute sidérale pour ce qui est de la capacité opérationnelle véritable (voir également la fable des porte-avions).

... Et parce qu’en face, il y a l’Iran, pays qui maîtrise la technologie suffisamment pour la retourner contre son adversaire, et qui montre une résolution sans faille jusqu’à ne pas craindre d’aller jusqu’au bout. Ce faisant, l’Iran est un chiffon rouge agité avec sa propre habileté devant un taureau épuisé et dont la psychologie est aujourd’hui entrée dans le domaine de la folie. L’“art de la guerre” de l’Iran n’a, finalement, rien à voir fondamentalement avec la maîtrise de la technologies, même s’il passe nécessairement par cette maîtrise, mais avec une attaque directe, centrale et décisive contre le centre matriciel et absolument fécond de la faiblesse de l’ américanisme : sa psychologie.

Il est ainsi par conséquent bien dans le registre des possibilités que la fameuse prédiction du néo-sécessionniste du Vermont Thomas Naylor soit fondée, notamment grâce à la ténacité et la volonté de l'Iran : « Il y a trois ou quatre scénarios de l’effondrement de l’empire. L’un d’entre eux est la possibilité d’une guerre contre l’Iran... » Mais naturellement, cet effondrement n’aurait pas tant lieu sur le champ de bataille, que sur la perspective qu’il y ait la possibilité d’un tel champ de bataille, ce qui produirait à “Washington D.C.” un choc tel qu’effectivement la folie aurait raison de l’empire, – par ailleurs, dans un environnement déjà bien préparé à l’incursion de la folie., – on n’est pas “D.C.-la-folle” sans raison.

mardi, 24 septembre 2019

Moldavie, la virgule euro-russe Conférence de Iurie Rosca et Robert Steuckers

Conférence de Iurie Rosca et Robert Steuckers

moldaviedrapeaucarte.jpgAncien vice-premier ministre de Moldavie, journaliste et éditeur, Iurie Rosca est le principal coordinateur des colloques eurasistes de Chisinau, qu’il présente comme un anti-Davos. Persécuté par les oligarques qui dirigent son pays, il avait été menacé en 2018 d’une peine de 7 ans de prison. C’est donc un authentique dissident anti-mondialiste que l’équipe d’ER Lille accueillait le samedi 23 mars prochain pour une rencontre avec le linguiste belge Robert Steuckers sur le rôle géopolitique de la « Moldavie, la virgule euro-russe ».

Nous vous proposons aujourd’hui ces conférences en vidéo.

Première partie: Introduction de Robert Steuckers

Deuxième partie: conférence de Iure Rosca

lundi, 23 septembre 2019

Fred Reed et la débandade militaire américaine

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Fred Reed et la débandade militaire américaine

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

L’effondrement de nos libertés accompagne notre déclin intellectuel moral, militaire, économique. Nous ne sommes bons qu’à détruire les restes de notre civilisation. Il n’y a plus de socialisme, plus de capitalisme, juste un système infect – un ultra-capitalisme bonimenteur et gaspilleur – bon à creuser des dettes immondes pour remplacer ses populations et saccager des vies. Notre hyper-apocalypse n’offre même pas la grandeur épique dont nous eussions rêvé en des temps plus reculés. C’est un environnement crade qui se contente de ruiner la qualité de la vie tout en doublant le prix de tout à chaque instant.

Il faudra écrire un livre sur le rôle de la technologie, arrogante, puérile, envahissante, dans le déclin de la civilisation technicienne occidentale. Déclin des transports, du nucléaire, de la construction, de la pharmacie, de l’espace, de l’alimentation… Depuis les années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, « l’information ») et de l’autre elle rend vicieuse des élites qui copient les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie a tué le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux des Marvel-Mossad comics. Et ce n’est pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes, iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah…

Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel Huntington et Victor Davis Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence » occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson fait remonter aux guerres médiques. Mais Hanson oublie la victoire des Parthes contre Crassus (lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de raser de près le petit cap asiatique. Quant à Huntington toujours mal lu, il affirmait que l’occident s’était imposé par sa violence organisée (« superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité ontologique de sa civilisation…

Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur unz.com, alors on va le laisser parler. Fred Reed rappelle sa carrière :

Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s, et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate. Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait, vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre contre un « vrai » pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée.

Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :

Les armées inutilisées se détériorent. La flotte américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis 1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est pas la guerre.

Sur la conscription, Reed souligne une débandade morale :

Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait pas. Les États-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait une désobéissance civile généralisée.

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Sur la marine US devenue invalide, il dit :

Un porte-avion est une vessie de carburéacteur enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe lequel d’entre eux dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat leurs avions. Oups.

Pour Reed, le soldat US devient une poule mouillée :

Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux, connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune, c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.

Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus taillés comme des bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des unités de combat. Une plainte pour sexisme et c’en est fini de votre carrière.

Trait important, il y a le pourrissement du corps des officiers :

En temps de paix prolongée, le corps des officiers se désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.

L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie, de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils, lance-roquettes et pas grand-chose d’autre ?

Incompétence et corruption sont la norme :

Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.

En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon temps, j’ai vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, le LAW. Rien n’a changé.

Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :

Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons distants.

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Alors l’efficacité est remplacée par la folie :

Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile, chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Ormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. Et que la marine, à sa grande surprise, ne trouve pas les missiles anti-navires profondément enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers. Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il a fait une gaffe, et Bolton [ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre Téhéran.

Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux Chinetoques. Malheureusement, les missiles anti-navires chinois s’avèrent plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers transformés en tas de ferraille.

Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et tout le monde voudra acheter des missiles anti-navires chinois. La vanité joue un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels. Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses deviendraient imprévisibles.

Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas gagnable :

Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable. Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les New-yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement radioactives pour une décennie.

Les «intellectuels de la Défense», généralement tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium.

Et Reed de conclure :

C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre.

On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.

Il faudra le mettre au pas cet occident. Il lui reste son marché, ses dollars, ses marottes écolos ou humanitaires. Mais sa manière de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de plus en plus inopérant.

Srinagar ne répond plus

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Srinagar ne répond plus

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le 5 août dernier, en séance plénière de la Rajya Sabha, la chambre haute du Parlement qui représente les États et les territoires de l’Union indienne, le ministre fédéral de l’Intérieur, Amit Shah, par ailleurs président du BJP (Parti du peuple hindou) au pouvoir, lisait un décret présidentiel supprimant l’exception constitutionnelle du Cachemire indien.

Malgré la rébellion maoïste naxalite au Bengale-Occidental, au Karnataka et au Bihar, la question du Cachemire demeure le facteur principal de tension entre les trois puissances nucléaires indienne, pakistanaise et chinoise. À l’indépendance en 1947, la partition de l’ancien empire britannique des Indes s’effectue selon le critère religieux, ce qui favorise la formation d’un État musulman, le Pakistan alors constitué de deux territoires bien distincts : le Pakistan occidental, soit l’actuel Pakistan, et le Pakistan oriental qui accèdera à l’indépendance en 1971 sous le nom de Bangladesh.

Au moment de la partition territoriale, des millions d’hindous et de musulmans abandonnent leurs domiciles et s’installent dans leurs nouveaux États respectifs. Plusieurs souverains mahométans dont les sujets sont hindous auraient souhaité intégrer le Pakistan, mais leurs territoires enclavés en Inde furent prestement annexés et démembrés par les autorités centrales indiennes. Le maharadjah du Cachemire, Hari Singh, était lui un hindou régnant sur une population musulmane. Il rêvait d’un État indépendant, mais, face aux manœuvres pakistanaises, il décida finalement d’intégrer la jeune Union indienne, ce qui provoqua en partie la première des trois guerres indo-pakistanaises (1947, 1967 et 1971). Le Cachemire se retrouve depuis divisé. Le Pakistan contrôle le Nord-Ouest, les régions de Gilgit – Baltistan et de l’Azad Cachemire (« Cachemire libre » en ourdou). L’Inde en conserve le Sud-Est qui reçoit en 1950 le statut d’un État fédéré autonome, le Jammu-et-Cachemire. En 1962, au terme d’une guerre-éclair, l’Inde perd la vallée de Shaksgam au profit de la Chine qui la nomme Aksai Chin. Aujourd’hui, le glacier de Siachen est revendiqué par Pékin, La Nouvelle-Delhi et Islamabad. Alliée du Pakistan, la Chine reconnaît à demi-mot les revendications pakistanaises sur l’ensemble du Cachemire à l’exception bien sûr de l’Aksai Chin.

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Le décret du président Ram Nath Kovind, avec l’approbation du Premier ministre triomphalement réélu ce printemps, le nationaliste Narendra Modi, abroge les articles 370 et 35 A de la Constitution. Au 31 octobre prochain, le Jammu-et-Cachemire sera rétrogradé au rang de territoire de l’Union scindé en deux entités différentes : d’une part, le Jammu-et-Cachemire proprement dit avec le Jammu à majorité hindouiste et la vallée musulmane du Cachemire, d’autre part, le Ladakh à majorité bouddhiste. La révocation de ces articles constitutionnels supprime de facto la discrimination légale qui réservait la propriété foncière et immobilière aux seuls Cachemiris. Le gouvernement indien entend faire du Cachemire ce que les Chinois font aux régions rétives du Tibet et Xinjiang ouïghour, à savoir faciliter le peuplement massif des hindous.

Le matin du 5 août, le Jammu-et-Cachemire était coupé du monde : plus de communications, lignes aériennes interrompues, routes bloqués par des barrages militaires, touristes évacués la veille en urgence. La capitale, Srinagar, était soumise à un état de siège informel. La démonstration de force est aisée. L’armée indienne y maintient de nombreuses troupes en raison d’un voisinage conflictuel et du soulèvement indépendantiste plus ou moins islamiste lancé en 1989. Cette insurrection est encouragée et soutenue par les redoutables services secrets pakistanais.

Depuis quatorze mois, le Jammu-et-Cachemire traversait enfin une grave crise politique. En juin 2018, le BJP se retirait de la coalition gouvernementale locale, renversait le gouvernement et rendait l’État fédéré ingouvernable. En l’absence d’un parlement régional suspendu, il revenait dès lors au gouverneur de l’État, le représentant officiel du gouvernement indien, Satya Pal Malik, d’administrer directement la région et d’entériner la décision présidentielle.

Une course de vitesse démographique s’engage désormais. Les musulmans du Cachemire expriment leur impatience; ils pourraient dans les prochains mois ou dans les prochaines années renforcer la révolte séparatiste afin de devenir pakistanais ou d’obtenir l’indépendance. Le BJP veut par cet exemple entamer l’« hindounisation » du pays. Fin août, des milliers d’habitants de l’Assam ont été déchus de leur nationalité indienne. Le réveil national de l’Inde vient de commencer.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 139, mise en ligne sur TV Libertés, le 16 septembre 2019.

lundi, 16 septembre 2019

Le somnambulisme des peuples

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Le somnambulisme des peuples

par Georges FELTIN-TRACOL

Discours tenu à la Fête de la Ligue du Midi,

8 septembre 2019

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Camarades, Chers Amis,

Le thème de ce dimanche convivial se place sous une actualité brûlante : la « révolte des peuples ». En effet depuis sept – huit ans environ, de fortes réactions populaires que les chiens de garde médiatiques de la Caste mondialiste qualifient avec un dédain certain de « populistes » parcourent l’Europe, voire le monde entier. On peut d’un point de vue historique situer l’acte initial – le détonateur – aux années 2013 – 2014 avec La Manif pour Tous et ses millions de manifestants hostiles à la loi Taubira. Cette vive contestation rappelait aux plus anciens les manifestations pour l’école libre en 1984 et, un an auparavant, la protestation des étudiants en droit et en médecine contre la loi du socialiste Savary. Mais cette agitation a ensuite été dépassée par la crise des Gilets Jaunes.

En Allemagne, l’ouverture des frontières et l’accueil d’une main-d’œuvre immigrée corvéable à merci ébranle le gouvernement de la soi-disant chrétienne-démocrate Angela Merkel, ancienne militante zélée des Jeunesses communistes en RDA, et permet à l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) de s’opposer à la « Grande Coalition » sociale-démocrate-chrétienne. Le terrain fut préparé par les nombreuses manifestations du mouvement PEGIDA dès 2014. En Flandre belge, au soir du 26 mai dernier, après une décennie au moins de purgatoire électorale, le Vlaams Belang devient sur une ligne nettement sociale et anti-mondialiste la deuxième force politique du royaume derrière les nationaux-centristes de la Nouvelle Alliance flamande du matois Bart De Wever. En Italie, en 2012 – 2013, les Forconi (les « Fourches ») se soulevèrent contre le fisc, la corruption et les dysfonctionnements étatiques. Il en découla en 2018 l’entente gouvernementale inédite entre la Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement Cinq Étoiles anti-Système de Luigi Di Maio qui a tenu quatorze mois avant que le « Capitaine » de la Lega ne décide de rompre. Qu’a fait Salvini pendant cette période ? Beaucoup d’esbrouffe. Les clandestins continuent à débarquer dans la péninsule. À sa décharge, il a contre lui l’administration, les médiats, les instances pseudo-européennes, les ONG, la « justice » et la cléricature conciliaire aux ordres de Bergoglio.

L’eurocratie bruxelloise avait déjà été atteinte par la terrible déflagration du Brexit de 2016. L’hyper-classe mondialiste au sens que l’entend Michel Geoffroy dan son essai (1) reçut une autre gifle, cinq mois plus tard, avec l’élection inattendue de Donald Trump à la Maison Blanche. Les prescripteurs officiels d’opinion s’inquiétèrent alors de l’émergence en Hongrie, en Pologne et en Turquie des démocraties illibérales. Le coup de grâce arriva avec le président russe Vladimir Poutine qui proclameait au Financial Time du 28 juin 2019 que « l’ère libérale est devenue obsolète » !

Au printemps de cette année, les Indiens viennent d’accorder au Premier ministre nationaliste Narendra Modi un second mandat et une majorité parlementaire écrasante pour le BJP (Parti du peuple indien). En place depuis six ans et demi, le Premier ministre national-conservateur japonais Shinzo Abe souhaite abroger l’article constitutionnel d’importation étatsunienne niant à l’Empire du Soleil Levant le droit souverain de déclarer la guerre. On pourrait poursuivre la litanie au point d’effrayer la clique ploutocratique qui ressasse l’antienne du « retour aux années 30 ». Si seulement elle avait pour la circonstance raison !

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Si on prend la peine de se pencher avec attention sur le soulèvement civique des peuples, on comprend vite que ce n’est pas une révolution. Les Gilets Jaunes témoignent d’une exaspération exceptionnelle qui n’induit aucune conséquence politique. Pour preuve, le bilan français des élections européennes. Dans un contexte d’agitation sociale élevée et de grandes menaces terroristes islamistes, la majorité présidentielle malgré une tête de liste technocratique et insignifiante arrive en deuxième position à 0,87 point du Rassemblement national, soit un écart de 207 924 voix. En dépit d’une progression notable de la participation, l’abstention atteint néanmoins 49,88 %. Pis, en pourcentage, la liste frontiste perd 1,52 % par rapport à 2014. Si on additionne les listes de Jordan Bardella, de Nicolas Dupont-Aignan, de Florian Philippot, du Gilet Jaune Christophe Chalençon et de l’écrivain impolitique Renaud Camus, on obtient un total de 6 233 226 voix, soit un déficit de 4 405 249 suffrages comparé au résultat de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017. C’est sciemment que la liste de la Reconquête présentée par La Dissidence Française n’intègre pas ce calcul. Elle doit représenter un indéniable aiguillon nationaliste-révolutionnaire et identitaire capable à terme de dynamiser le vaste camp (cloaque ?) national. Emmanuel Macron s’en sort bien mieux puisqu’il peut compter sur le report certain des deux tiers des électeurs Verts, d’un tiers des électeurs du centre-droit et d’un cinquième des électeurs de gauche. Les élections européennes de 2019 marquent donc pour le Rassemblement national une indiscutable victoire à la Pyrrhus.

Et pour quels effets pratiques au Parlement européen ? Le groupe héritier d’Europe des nations et de la liberté, Identité et Démocratie, compte 73 membres, principalement issus de la Lega, du RN et de l’AfD. Mais le grand groupe eurosceptique tant vanté au cours de la campagne n’existera jamais ! Différents protagonistes n’en veulent pas. Le Parti du Brexit du national-mondialiste Nigel Farage siège chez les non-inscrits. Le Fidesz de Viktor Orban demeure bien au chaud au sein de la droite gestionnaire et mercantile du Parti populaire européen (PPE) plutôt que de se compromettre avec un RN inapte à s’emparer du pouvoir. Quant aux Polonais de Droit et Justice de Jaroslaw Kacynzski, ils gardent leur propre groupe, Conservateurs et réformateurs européens, dont le tropisme ultra-atlantiste et russophobe les empêche de négocier avec un RN et une AfD bien trop « moscou-centrés » à leurs yeux…

Bien que cinquième groupe du Parlement européen en nombre de membres (un de moins que les Verts historiquement alliés aux régionalistes !), Identité et Démocratie pâtit du cordon sanitaire. Aucun de ses membres ne préside de commission et tous sont ostracisés. La faute en revient ici au mode de scrutin proportionnel qui favorise l’éclatement politique, les combinaisons politiciennes et les majorités transversales autour du PPE, des socialistes, des libéraux et des Verts. L’instabilité gouvernementale chronique en Italie, en Belgique, en Espagne, voire en Allemagne et en Autriche, résulte de l’application de la proportionnelle qui paralyse l’exécutif. Le scrutin majoritaire a lui aussi de très grands défauts. L’imbroglio tragi-comique du Brexit le prouve. L’existence des partis politiques rend les députés de la Chambre des Communes incapables et pleutres. Ils reflètent aussi leurs électeurs dépassés par les événements.

Le mieux serait encore un parlement désigné par les familles, les instances territoriales et les structures socio-professionnelles par le biais du tirage au sort et de la cooptation. L’élection et le vote dans l’isoloir sont des gestes de pure modernité. Avant la césure anthropologique de 1789 préparée plusieurs décennies auparavant par ce que Paul Hazard nomma dans sa remarquable étude éponyme, la crise de la conscience européenne (2), les communautés d’habitants pratiquaient rarement le vote. Elles préféraient la recherche du consensus et s’en remettaient au sort (3). Le simple fait de se porter candidat dénature déjà en soi l’acte politique. Quant aux partis politiques, leur présence dévalorise l’art politique. Comme le soulignait la philosophe Simone Weil dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques, rédigée en 1940 et publiée après sa mort en 1950, il importe de se libérer de l’emprise partitocratique et, plus généralement du kratos, de la cratie, afin de mieux privilégier l’archie. Témoin attentif d’une Post-Modernité florissante en initiatives sociétales foisonnantes, moment obligé d’une crise de la conscience occidentale, Michel Maffesoli insiste sur l’avènement d’un monde baroque. Ce choc néo-baroque emportera tout sur son passage, y compris et surtout les illusions démocratiques conservatrices.

maurras-mes-idees-politiques-1ere.pngLe corps électoral est conservateur au sens que l’entend Charles Maurras dans Mes idées politiques. L’électeur craint que le suffrage populaire perturbe son confort petit-bourgeois proche de celui du Dernier Homme de Nietzsche. Souvenons-nous de sa méfiance lors du second tour de la présidentielle de 2017 en ce qui concerne le projet de sortie de la Zone euro proposée par Marine Le Pen sur les conseils de Florian Philippot. On l’observe encore à l’occasion du récent scrutin européen. En Italie, les listes sœurs ennemies de CasaPound et de Forza Nuova ne recueillent que 0,46 %. En Espagne, les électeurs ignorent l’alliance conclue entre la Phalange espagnole des JONS, Alternative espagnole, la Phalange et Démocratie nationale (0,05 %) et votent pour Vox, la dissidence droitière du Parti populaire. En Grèce, la répression policière et les entraves multiples fomentées par les syndicats, les maires, les journalistes et les juges ont fait perdre à Aube dorée tous ses députés, le 7 juillet dernier aux législatives anticipées. Hors de l’Union dite européenne, les Ukrainiens, lassés par la corruption endémique et l’absence de résultats économiques tangibles, dégagent le président sortant Petro Porochenko et choisissent largement l’acteur comique Volodymyr Zelenski. À peine investi, celui-ci dissout la Rada, le Parlement monocaméral, et permet à son parti, créé en quelques mois, Serviteur du peuple (du nom de la série télévisée qui fit connaître Zelenski) de remporter la majorité absolue pour la première fois depuis l’indépendance en 1991 ! Les électeurs se sont détournés des candidats nationalistes radicaux coalisés de Svoboda, de Secteur droit et du Corps nationalBataillon Azov.

Que penser alors du chaos en cours dans l’Anglosphère ? Séduits par la rhétorique protectionniste, isolationniste et anti-interventionniste, les démocrates pro-Trump de la « Ceinture de la Rouille » (Pennsylvanie, Virginie-Occidentale, Ohio, Indiana, Michigan, etc.) en 2016 s’estiment-ils trahis par un président en partie sous la coupe des faucons néo-conservateurs bellicistes ? En bon larbin de la finance anonyme et vagabonde, le 45e président des États-Unis criminalise la République bolivarienne du Venezuela, la République islamique d’Iran ainsi que le mouvement de résistance libanais Hezbollah. Quant à l’avenir de la Grande-Bretagne en plein Brexit, on ne peut que saluer une fois de plus la vision prophétique de Charles De Gaulle qui refusait l’adhésion de Londres dans l’ensemble européen. Boris Johnson a évincé la très guindée Theresa May. Des responsables supposés nationalistes en Europe ont salué cette arrivée au 10, Downing Street. Ce n’est pas parce que Le Monde, Libération et Arte dépeignent Alexander Boris de Pfeffel Johnson en méchant populiste qu’il faut prendre le contre-pied systématique. Ce natif de New York, rejeton d’une famille cosmopolite, fut de 2008 à 2016 le maire multiculturaliste de Londres. Cet admirateur de deux criminels de guerre britanniques, Winston Churchill et Margaret Thatcher, est foncièrement un ultra-libéral financiariste qui rêve de transformer Londres en « Singapour-sur-Tamise » et son pays en « Global United Kingdom », c’est-à-dire en un Royaume Uni mondialisé. Y voyez-vous un quelconque triomphe pour l’identité, l’enracinement et les traditions ? Souhaitons seulement que le Brexit favorise in fine l’indépendance de l’Écosse, l’autodétermination du Pays de Galles, le rattachement de l’Ulster à la République d’Irlande, le retour de Gibraltar à l’Espagne et la réintégration des îles Malouines à l’Argentine.

Presidente_Jair_Messias_Bolsonaro.jpgLe président brésilien Jair Bolsonaro appartient lui aussi à cette coterie nuisible d’imposteurs grotesques qui déforme et bafoue le combat identitaire, délaisse la priorité sociale anti-libérale et sous-estime l’enjeu écologique enraciné. « Les populistes sincères devraient s’interroger à chaque fois qu’on leur propose un candidat trop détesté par la gauche, prévient avec raison Julien Langella. Ce n’est souvent qu’un cuck, diminutif de cuckservative, “ conservateur cocu ” dans la langue du général Lee : défenseur des valeurs morales ou de la famille mais ouvert au libre-échange et donc aux attaques sur les anticorps spirituels de la nation (4). » Victimes d’une classe politicienne corrompue et d’une insécurité record, les Brésiliens ont soutenu sans aucune hésitation un obscur député fédéral de Rio de Janeiro qui tenait un discours exagéré et provocateur d’ordre, d’autorité et de discipline. Mais Bolsonaro n’a rien d’un continuateur de l’Action intégraliste de Plinio Salgado. C’est évident quand le gouvernement brésilien aligne sa diplomatie sur la centrale mondiale du terrorisme d’État, les États-Unis, s’affiche sioniste chrétien, accélère la déforestation de l’Amazonie et nie tout droit aux peuples autochtones amérindiens. Ces tribus sont elles aussi frappées par un « grand remplacement » pratiqué par les industries agro-alimentaires, les sectes évangéliques et les grandes compagnies minières. Défendre le principe intangible d’« une terre, un peuple » implique par conséquent le rejet de tout apport exogène moderniste ou progressiste ainsi que de toute tentative d’assimilation à la Mégamachine mondialiste génocidaire. « Si par “ exploitation rationnelle ”, il s’agit de transformer les petits fermiers indiens, pauvres mais libres, en ouvriers agricoles inhalant du glyphosate toute la journée, ou en employés des mines dont l’horizon se borne au plateau-repas devant Hanouna, alors, que les Indiens utilisent tous les moyens même légaux pour conserver leurs terres, écrit encore Julien Langella. Si c’est pour intégrer les Indiens à une société occidentale consumériste en phase terminale, alors nous ne pouvons que souhaiter aux Indiens de résister de toutes leurs forces contre le rouleau-compresseur de l’uniformisation mondiale. Si, par “ êtres humains comme nous ”, Bolsonaro entend “ consommateurs zombies déracinés ”, alors que les Indiens ne lâchent rien ! (5) » Les Amérindiens sont chez eux en Amazonie comme les Albo-Européens le sont en Europe et les Hispaniques sur des terres mexicaines volées en 1848 par la grande catin étoilée. Le 2 août dernier, un certain Patrick Crusius déclenchait une fusillade, tuait vingt-deux personnes et en blessait vingt-quatre autres parce qu’il condamnait l’« invasion latino » à El Paso, dont le nom même assure de l’antériorité évidente des Anglo-Saxons à cet endroit…

Greg-johnson-seattle-1_headcrop.jpgSurgi des franges les plus loufoques de l’Alt Right nord-américaine, le nationalisme blanc est propagé par le Californien Greg Johnson (photo, ci-contre) dont les écrits sont diffusés en France par une obscure maison d’édition se croyant dissidente qui soutient par ailleurs un traducteur syldavo-poldève au caractère aigri et suffisant. Le nationalisme blanc peut éventuellement résoudre les tensions sociales et ethniques inhérentes à la psychopathologie collective propre à l’âme américaine du Nord en prônant la sécession territoriale. Cette option séparatiste est en revanche pour l’Europe une dangereuse fiction. Le nationalisme blanc sert les desseins d’une faction de l’État profond étatsunien. Contrairement à ce qu’assène Greg Johnson, ce qu’il qualifie avec dédain de « nationalisme grandiose » (6), à savoir la quête d’un Imperium paneuropéen, constitue l’ultime recours des peuples autochtones d’Europe.

Parler dans ces conditions de « révolte des peuples » sonne faux à l’aune de ce décryptage politiquement très incorrect. Les peuples ne se révoltent pas; ils maugréent. Colonisés par l’idéologie de la marchandise, ils expriment une insatisfaction chronique, soudaine et passagère. Certains femmes Gilets Jaunes interrogées au début du mouvement expliquaient leur engagement sur les ronds points par leur impossibilité de se payer de temps en temps un restaurant le samedi soir. Bien des Gilets Jaunes ne veulent pas changer le Système en place; ils souhaitent au contraire s’y conformer, d’où l’échec des quelques tentatives de noyautage par la « droite radicale » et l’entrisme croissant de la part de certaines centrales syndicales et de militants gauchistes.

Dominique Venner disait souvent que l’Europe est pour l’heure en dormition. Mais un jour viendra où elle s’éveillera. Son sacrifice dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 21 mai 2013, incitait à ce réveil. Romantique politique, l’auteur de Baltikum était optimiste. Malgré tous les efforts louables et les appels au sursaut salvateur, les peuples européens ne bougent pas ! Toutes les manifestations électorales qui terrorisent tant les médiacrates n’expriment qu’un somnambulisme tenace. Ce somnambulisme politique désigne le comportement collectif des Européens, voire des Occidentaux, qui se complaisent dans une suave et mortelle léthargie. Ce renoncement se caractérise aussi par une profusion de faux héros réactionnaire ou contre-révolutionnaires.

ThM-CR.jpgQu’est-ce que le faux héros contre-révolutionnaire ou réactionnaire ? Le philosophe catholique d’origine hongroise Thomas Molnar qui vécut longtemps aux États-Unis et qui conseilla Viktor Orban pendant son premier mandat (1998 – 2002), l’explicite dans un essai méconnu La Contre-Révolution. Le faux héros « est en partie le produit de circonstances que l’on peut bien identifier et qui se retrouvent de temps à autre. Si l’on pouvait en dresser un portrait, cela donnerait un personnage né ou élevé dans un milieu contre-révolutionnaire, ou du moins dont on suppose qu’il partage les convictions contre-révolutionnaires. L’opinion publique le classe comme un contre-révolutionnaire et, par conséquent, il a des partisans et des adversaires, un profil politique défini. L’impression est d’autant plus marquée que son style de vie et son style de pensée, choses plus importantes que les jugements intellectuels, divisent automatiquement les gens en amis et ennemis, en sympathisants et adversaires. Pourtant, une ambiguïté considérable s’attache à lui du fait que le style et le contenu de sa pensée ne sont pas toujours en harmonie : jusqu’à ce qu’il détienne fermement le pouvoir, il ne laisse pas découvrir de quel côté penche la balance. Dans la période que précède la prise du pouvoir, cette ambiguïté garantit au faux “ héros ” contre-révolutionnaire une grande liberté d’action; ce n’est qu’au moment décisif qu’il se découvre, explique Thomas Molnar : il accepte l’autorité que lui proposent les contre-révolutionnaires, mais sa politique suit le schéma révolutionnaire et en fin de compte favorise la cause révolutionnaire. Son succès vient donc de son art d’utiliser le temps, et s’il domine le facteur temps c’est précisément que ni ses partisans ni ses adversaires naturels ne sont capables de calculer ni d’évaluer à l’avance quels seront ses faits et gestes; leur perplexité permet au faux “ héros ” de gagner du temps, ce qui est essentiel pour qu’il puisse réaliser ses manœuvres compliquées (7). » Écrites en 1969, ces lignes s’attardent ensuite sur Charles De Gaulle, Paul VI et Richard Nixon.

En 1996, Jean Renaud interroge Thomas Molnar et insiste sur cette notion clé de « faux héros ». « La droite, qui se plaît dans le rôle de l’éternelle victime et qui en est paralysée, n’a pas le choix, répond Thomas Molnar. Du fond de son désespoir, elle accueille ses pires ennemis, du moment que ceux-ci, pour des raisons tactiques et électorales, lui jettent quelques mots à demi rassurants. Le “ faux-héros ” recueille tous les avantages de cette situation. S’il possède assez de caractéristiques pour plaire à la droite, assure Thomas Molnar, il n’en reste pas moins que sa décision est depuis longtemps prise : faire une politique de gauche, la seule qui lui permette de gouverner dans une relative tranquillité (8). » Thomas Molnar prédisait avec une décennie d’avance le quinquennat calamiteux de l’ineffable Nicolas Sarközy. Sarközy, c’est François Hollande en pire. L’ancien maire de Neuilly a même reconnu que s’il avait été réélu en 2012, il aurait poussé encore plus loin l’« ouverture ». Jusqu’où ? À Bernard Tapie ? À Ségolène Royal ? À Olivier Besancenot ? Des trumpistes français peuvent rétorquer que Donald Trump ne gouverne pas dans la quiétude, bien au contraire ! Ayant contre lui l’ensemble de la médiacratie ainsi que divers cénacles influents du Complexe militaro-industriel bankstériste, le New Yorkais dirige dans le feu et la fureur. Ces conditions matérielles difficiles n’en font pourtant pas la réincarnation de Nathan Bedford Forrest, le fondateur du Ku Klux Klan.

« Encore une fois, ajoute Thomas Molnar, la droite n’a pas le choix : autoexilée de la politique, elle déplore cet exil qui promet d’être permanent, elle ferme les yeux et préfère s’illusionner. La principale illusion réside dans ce personnage ambigu du faux héros, capable d’endormir la droite juste le temps nécessaire pour consolider son règne (9). » Ce qu’expose le philosophe politique ne concerne pas que des personnalités publiques, politiques ou intellectuelles; son avertissement s’applique pleinement à certains slogans creux, stériles et finalement incapacitants comme l’« union des droites ».

ISSEP-Marion-Marechal-1.jpgL’« union des droites » serait une merveilleuse panacée. Future retraitée de la vie politique, Marion Maréchal estimait en 2017 que « la stratégie victorieuse réside dans l’alliance de la bourgeoisie conservatrice et des classes populaires. C’était la synergie qu’avait réussie Nicolas Sarkozy en 2007. […] Ce qui reste possible, c’est l’union des hommes. Il existe aujourd’hui une zone blanche, entre certains courants chez Les Républicains, que je qualifierais de droite nationale conservatrice, Nicolas Dupont-Aignan, ceux qui sortent du champ politique, comme Philippe de Villiers, certains élus et cadres de la droite, et le FN. Dans cette zone blanche, il y a une recomposition à opérer, qui s’apparenterait à l’union de certaines droites. Mais sans doute pas avec cette droite des Républicains, qui est une droite reniée (10) ». On doit lui reconnaître une réelle persévérance avec son école lyonnaise de cadres qui n’ose avouer sa véritable finalité et le soutien intéressé de quelques titres imprimés (L’Incorrect, Causeur, bientôt Conflits).

Cette « union des droites » est aussi l’antienne principale de la fameuse « droite hors les murs » qui, de Robert Ménard à Érik Tegnér, rêve d’un candidat apte en 2022 de battre Emmanuel Macron en réunissant les libéraux-conservateurs bourgeois coincés de Wauquiez et de Bellamy, les nationaux-conservateurs de Nicolas Dupont-Aignan, et l’électorat populaire radicalisé du Rassemblement national. Une congruence que pourrait susciter Éric Zemmour si celui-ci n’était pas un essayiste talentueux qui se refuse d’aborder les rivages de la politique. Dans une « union des droites », les floués seraient les catégories populaires déclassés de la mondialisation libérale. N’oublions jamais que si le « mariage pour tous » a indigné les beaux quartiers de Paris, de Lyon, de Bordeaux et de Versailles, ces mêmes beaux quartiers se félicitent de la généralisation du travail dominical et encouragent à l’encontre de toute étude sérieuse l’augmentation du temps de travail hebdomadaire.

todd-qui-est-charlie.jpgReconnaissons en revanche la clairvoyance de l’intellectuel souverainiste républicain de gauche Emmanuel Todd dans son livre polémique Qui est Charlie ? (11). Il examine une France de « catholiques – zombies ». Les récentes élections européennes confortent son analyste. L’électeur catho-zombie déteste les Gilets Jaunes, justifie l’impitoyable répression de Galliffet – Castener et donne son vote à La République en marche, formation politique idoine en matière de contre-populisme avéré. Même Patrick Buisson en convient aujourd’hui volontiers; l’« union des droites » ou, pour être plus précis, la combinaison du conservatisme et du libéralisme est désormais révolue. Il encourage maintenant l’« union des anti-libéraux » (12). Encore faut-il comprendre ce qu’il entend… S’agit-il d’une simple entente contre la mondialisation libérale ou bien un vrai front contre le libéralisme culturel et économique, soit l’alliance effective de Pierre-Joseph Proudhon et de Carl Schmitt ?

À l’heure des réseaux sociaux abrutissants, du numérique envahissant et d’Internet censeur implacable, la révolte concrète des peuples se révèle éphémère sinon impossible. Sur l’échelle du temps, ce ne sont que des soubresauts qui marquent la transition du XXe au XXIe siècle. Parfois violentes, ces agitations populaires ne s’inscrivent pas dans la durée, car il leur manque le facteur déterminant de la jeunesse. Les révolutions en Europe entre les XVIIIe et le XXe siècles provenaient d’hommes jeunes : Robespierre avait 36 ans quand il monta sur l’échafaud, Danton 34 ans au moment de son exécution, Napoléon devient Premier Consul à 30 ans, 39 ans pour Benito Mussolini à sa nomination à la présidence du Conseil. Cet élan de trentenaires manque fortement pour alimenter d’authentiques brasiers populaires et sociaux.

Avec la propagande qu’ils subissent à l’école, sur Internet, dans les films et par la publicité, les jeunes générations préfèrent marcher pour le climat au côté de la gracieuse Greta Thunberg. En faisant la grève scolaire contre le réchauffement climatique, les adolescents montrent leur inconséquence, eux qui sont les premiers à se plaindre dès qu’ils perdent leurs smartphones au coût écologique exorbitant en métaux rares et en transports.

La victoire n’est ni pour demain, ni même pour après-demain. Elle se détournera même de la modeste phalange que nous formons tant que les peuples du Vieux Continent persisteront dans leur périlleux somnambulisme. La mort paraît toujours plus douce quand elle arrive en plein sommeil.

Je vous remercie.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Michel Geoffroy, La super-classe mondiale contre les peuples, préface de Jean-Yves Le Gallou, Via Romana, 2018.

2 : Paul Hazard, La crise de la conscience européenne (1680 – 1715), Boivin – Librairie générale française, 1935.

3 : cf. Olivier Christin, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Le Seuil, coll. « Liber », 2014.

4 : Julien Langella, « Bolsonaro, les Indiens et nous : le populisme en question », dans Présent du 20 juin 2019.

5 : Idem.

6 : cf. Greg Johnson, « Nationalisme grandiose » mis en ligne sur Counter-Currents, le 27 mars 2016.

7 : Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1982, pp. 175 – 176.

8 : Thomas Molnar, Du mal moderne. Symptômes et antidotes, entretiens avec Jean Renaud, Éditions du Beffroi, 1996, p. 97.

9 : Thomas Molnar, Du mal moderne, op. cit., pp. 97 – 98.

10 : « Le testament politique de Marion Maréchal – Le Pen (entretien avec Geoffroy Lejeune) », dans Valeurs Actuelles du 18 mai 2017.

11 : Emmanuel Todd, Qui est Charlie ? Sociologie d’une crise religieuse, Le Seuil, 2015.

12 : cf. Patrick Buisson, « Il n’y a aucune convergence possible entre libéralisme et populisme (entretien) », dans L’Opinion du 31 juillet 2019.

Conférence prononcée à l’invitation de la Ligue du Midi en Occitanie, le 8 septembre 2019.

mercredi, 11 septembre 2019

L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

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L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La zone indo-pacifique, priorité militaire pour le Pentagone

L'auteur de l'article de Strategic Culture cité en référence indique que selon le secrétaire de la Défense américain Mark Esper, le retrait des Etats-Unis du traité INF (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ) n'a pas été motivé par la volonté d'établir des bases américaines dotées de tels missiles aux frontières de la Russie, mais de rassembler tous les moyens militaires disponibles pour faire face à une éventuelle attaque chinoise dans la zone indo-pacifique.

Mark Esper a confirmé que, conformément aux prescriptions du récent rapport sur la stratégie nationale de défense américaine, c'est la Chine et ensuite la Russie qui représentent le plus grand danger auquel sont confrontés les Etats-Unis. Il serait temps selon lui, de se préparer à passer de conflits de basse intensité avec ces deux pays pouvant se prolonger pendant des années à des conflits dits « de haute intensité ». Comme chacun sait, ceux-ci pourraient dégénérer en affrontements nucléaires.

On notera que Mark Esper n'a pas hésité à réaffirmer ceci au moment même où Donald Trump et Xi Jinping envisageraient une atténuation des « sanctions américaines » contre la Chine et des contre-sanctions chinoises. Cette atténuation est vivement souhaitée par les entreprises américaines qui vivent des échanges économiques entre les deux pays. Mais on peut penser que le Pentagone et ses alliés, notamment au Japon et en Corée du Sud, sont de plus en plus préoccupés par les missiles hypersoniques dont se dote actuellement la Chine, avec l'aide de la Russie. Un seul de ceux-ci, comme nous l'avons indiqué précédemment, pourrait s'il était bien placé envoyer par le fonds un porte-avions américain,

Ce qui les inquiète particulièrement aujourd'hui est l'acquisition d'armes anti-aériennes et anti-missiles du type du système anti-missile russe S400 par des pays essentiels à la sécurité américaine tels que l'Inde, la Turquie, la Syrie et même les Emirats Arabes Unis. Les stratèges américains reconnaissent que la supériorité militaire américaine est mise en échec par de tels bases ou navires équipés de ces missiles. Ceux-ci pourraient rendre impuissantes les forces armées américaines dans le Pacifique en seulement quelques heures de conflit.

Mais, comme l'écrit Strategic Culture, les Etats-Unis n'ont pas profité de cette situation pour proposer des accords de coopération avec la Chine et ses alliés. Au contraire, ils voudraient maintenant négocier avec leurs alliés la mise en place d'un Otan du Pacifique. Compte tenu des difficultés que les Américains rencontrent actuellement à utiliser l'Otan nord-atlantique pour établir des relations de coopération entre les membres de cette dernière, on doute que la perspective d'un Otan du Pacifique intéresse beaucoup d'alliés de l'Amérique dans cette zone.

Pour en savoir plus, voir

https://www.strategic-culture.org/news/2019/09/02/america...

L'auteur en est Matthew Ehret, fondateur et responsable de la Canadian Patriot Review et de la Rising Tide Foundation

Note au 05/09

Il convient de relativiser l'impuissance américaine  en mer de chine méridionale. L'US Navy vient de conduire des manoeuvres communes avec les marines de l'ASEAN, comme le relate l'article ci-dessous. Il est vrai que selon cet article, la Chine pratique de son côté de telles manoeuvres.  L'ASEAN ou Association des nations de l'Asie du Sud-Est est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est

https://www.asiatimes.com/2019/09/article/us-asean-float-...

 

mardi, 10 septembre 2019

Macron et la déshérence du projet occidental

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Macron et la déshérence du projet occidental

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

Philippe Grasset a eu le nez creux en relevant ce texte extraordinaire. Que se passe-t-il quand le représentant du système se met à parler juste, quand il nous coupe l’herbe sous le pied ? Car Macron peut désintégrer son opposition antisystème avec ce discours aux ambassadeurs, qui succède à un faux G7-simulacre où le Donald s’est fait piéger comme un alevin.

Macron avait reçu Poutine après son élection, et il l’a revu à Brégançon, mettant fin à la débile/soumise diplomatie héritée des années Hollande-Obama. Et comme en plus il reconnaît la violence de l’ordre néo-libéral financiarisé et la logique des révoltés… en bref, on a un chef d’État qui a compris, ce qui vaut mieux qu’un chef d’État qui fait semblant de nous avoir compris. On étudiera ici la justesse de la pensée, et pas les résultats d’une politique qui nous indiffère du reste.

Et dans ce long discours (17 000 mots) dont on a surtout apprécié la première partie analytique, on a relevé cette observation sur la fin de la domination occidentale :

Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique. C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde.

Puis, comme un savant synthétiseur qu’il est, Macron rappelle finement :

Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent.

Oui, l’Angleterre c’était l’usine, l’Amérique la guerre (froide, tiède, interminable, et il le fait bien comprendre). La France c’était la culture.

Ensuite, surtout, ce président incrimine la médiocrité occidentale et ses méchantes manières :

Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé.

Puis on remarque que le monde est de facto multipolaire malgré les tweets de Dumb-Trump et Dumber-Bolton :

Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact.

La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons.

Essentiel aussi, on souligne l’habileté et la stratégie de ces nouveaux venus (encore que l’Inde de Modi fasse plutôt grimacer) qui contraste avec l’absence de méthode des américains, digne du colonel Kurz :

Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu.

L’occident, coquille vide qui a perdu le sens, cela nous fait un beau débat, qui va de Goethe à Valéry… Enfin un qui a compris que la Chine et la Russie sont dirigées de main de maître.

Vient une autre surprise. Le commis présumé des banques et des oligarques reconnaît que la matrice a fourché… Et cela donne :

D’abord elle s’est profondément financiarisée et ce qui était une économie de marché, que certains avaient pu même parfois théoriser en parlant d’économie sociale de marché et qui était au cœur des équilibres que nous avions pensé est devenue une véritable économie d’un capitalisme cumulatif où, il faut bien le dire, d’abord la financiarisation puis les transformations technologiques ont conduit à ce qu’il y ait une concentration accrue des richesses chez les champions, c’est-à-dire les talents dans nos pays, les grandes métropoles qui réussissent dans la mondialisation et les pays qui portent la réussite de cet ordre.

L’économie de marché nous replonge dans la pauvreté après un siècle et demi de succès :

Et donc l’économie de marché qui jusqu’à présent par la théorie des avantages comparatifs et tout ce que nous avions sagement appris jusque-là et qui permettait de répartir la richesse et qui a formidablement marché pendant des décennies en sortant de manière inédite dans l’histoire de l’humanité des centaines de millions de concitoyens du monde de la pauvreté, a replongé et conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables. Dans nos économies, la France l’a vécu ces derniers mois, très profondément mais en fait nous le vivons depuis des années et dans le monde entier. Et cette économie de marché produit des inégalités inédites qui au fond viennent bousculer en profondeur là aussi notre ordre politique.

C’est l’économie des manipulateurs de symboles dont nous avions parlé en citant Robert Reich (« The work of nations« ).  Macron reconnaît et donc comprend la colère des classes moyennes :

Quand les classes moyennes qui sont le socle de nos démocraties n’y ont plus leur part, elles doutent et elles sont légitimement tentées ou par des régimes autoritaires ou par des démocraties illibérales ou par la remise en cause de ce système économique…

Et sur les britanniques qui ont voulu sortir de cette Europe bureaucrate notre orateur remarque :

Et au fond, ce que les brexiteurs ont proposé au peuple britannique qui était un très bon mot d’ordre : reprendre le contrôle de nos vies, de notre nation. C’est ce que nous devons savoir penser et agir dans une nation ouverte. Reprendre le contrôle. Fini le temps où on expliquait à nos concitoyens la délocalisation, c’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous. Les emplois vont en Pologne ou en Chine, au Vietnam et vous allez retrouver le … on n’arrive plus à expliquer cette histoire. Et donc, nous devons trouver les moyens de peser dans la mondialisation mais aussi de repenser cet ordre international.

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Une bonne petite mise au point sur les américains :

Les États-Unis d’Amérique sont dans le camp occidental mais ils ne portent pas le même humanisme. Leur sensibilité aux questions climatiques, à l’égalité, aux équilibres sociaux qui sont les nôtres n’existe pas de la même manière.Il y a un primat de la liberté qui caractérise d’ailleurs la civilisation américaine très profondément et qui explique aussi nos différences même si nous sommes profondément alliés. Et la civilisation chinoise n’a pas non plus les mêmes préférences collectives pour parler pudiquement, ni les mêmes valeurs.

Car Macron voudrait éviter la soumission à un bloc ou à l’autre. Il faudrait donc l’Europe.  Il ajoute étonnamment :

Le projet de civilisation européenne ne peut pas être porté ni pas par la Hongrie catholique, ni par la Russie orthodoxe. Et nous l’avons laissé à ces deux dirigeants par exemple, et je le dis avec beaucoup de respect, allez écouter des discours en Hongrie ou en Russie, ce sont des projets qui ont leurs différences mais ils portent une vitalité culturelle et civilisationnelle, pour ma part, que je considère comme erronée mais qui est inspirante.

Il préfère se réclamer de la Renaissance et des Lumières. Aucun commentaire.

Il nous rassure sur son armée :

Nous sommes en passe de devenir de manière indiscutable la première armée européenne par les investissements que nous avons décidé, par la loi de programmation militaire, par la qualité de nos soldats et l’attractivité de notre armée. Et aujourd’hui, en Europe, personne n’a cette vitalité et personne n’a décidé ce réinvestissement stratégique et humain. Ce qui est un point essentiel pour pouvoir peser. Et nous restons une grande puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité, au cœur de l’Europe et au cœur de beaucoup de coalitions.

Il met en garde sur la Russie, tel John Mearsheimer :

Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt.

Une mise au point pour l’Amérique :

Mais pour le dire en termes simple, nous ne sommes pas une puissance qui considère que les ennemis de nos amis sont forcément les nôtres ou qu’on s’interdit de leur parler…

Et d’ajouter sur cette architecture de confiance et de sécurité qui lui avait valu les gluants sarcasmes du Donald :

Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Nous continuerons d’avoir des conflits gelés partout en Europe.

Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie.Ce n’est pas l’intérêt de certains de nos alliés, soyons clairs avec ce sujet.

On rappelle les faiblesses de la Russie – en les outrant certainement :

… cette grande puissance qui investit beaucoup sur son armement, qui nous fait si peur a le produit intérieur brut de l’Espagne, a une démographie déclinante et un pays vieillissant, et une tension politique croissante. Est-ce que vous pensez que l’on peut durer comme cela ? Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine…

Sur la Chine il rappelle :

Nous respectons les intérêts et la souveraineté de la Chine, mais la Chine doit elle aussi respecter pleinement notre souveraineté et notre unité, et sur ce plan la dynamique européenne est essentielle. Nous avons commis des erreurs profondes il y a 10 ans sur ce sujet.

Que d’erreurs occidentales décryptées… Et pour parler comme Laetitia, « pourvu que ça dure », cette lucidité et ce rapprochement avec la Russie. Pour le reste, les rassemblements nationaux et autres France insoumises ont du souci à se faire. Et les antisystèmes aussi…

Le fait d’avoir assimilé le basculement mondial de ces dernières décennies et d’avoir pris la mesure des inégalités créées par une économie postindustrielle ne donne pas à cette présidence une garantie pour échapper à l’échec ou à la manip’ ; mais reconnaissons aussi que pour la première fois depuis longtemps un esprit présidentiel est capable de saisir et d’analyser les grandes transformations de cette époque étrange.

lundi, 09 septembre 2019

Dans les coulisses de la construction européenne

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Dans les coulisses de la construction européenne

par Georges FELTIN-TRACOL

« L’affichage d’une super-nation européenne n’est qu’un discours d’apparence. On voit bien qu’il n’y a pas d’« Europe-puissance » en vue, qu’il n’y en a jamais eu. Et que tous les protagonistes ont toujours fini par renoncer, de gré ou de force, à l’Europe européenne. Au contraire, on fabrique, en secret, une Europe de la diminutio capitis vassalisée, aliénée, soumise, et donc impuissante (p. 150). » Désormais retiré de la vie politique active, Philippe de Villiers résume dans ce nouvel ouvrage ses recherches dans les archives consacrés au processus européen.

Depuis la campagne du « non » à Maastricht en 1992 et la liste eurosceptique de 1994 sur laquelle figurait le milliardaire franco-britannique Jimmy Goldsmith, il pourfend une certaine Europe, celle des atlantistes, des fonctionnaires et des financiers. Il adopte les mâles propos de l’ancien Garde des Sceaux du Général De Gaulle, Jean Foyer, pour qui « leur Europe n’est pas un but, c’est une “ construction ” sans fin : elle se définit par son propre mouvement. Ce traité a été pensé, écrit même, pour faire coulisser un nœud coulant invisible. Il suffit de resserrer chaque jour le nœud : celui dont les juristes, les commissaires, tiennent la corde, et plus encore le nœud prétorien, le nœud des juges qui vous glissent la corde autour du cou (p. 153). » Député français au Parlement européen par intermittence entre 1994 et 2014, l’ancien président du Mouvement pour la France (MPF) a assisté à la neutralisation politique de l’Union européenne, corollaire de la prépondérance bureaucratique, car « selon la théorie fonctionnaliste qui vient des États-Unis, la plupart des questions appellent des réponses techniques (p. 135) ».

Contre le trio fondateur

PhV-fil.jpgPhilippe de Villiers en vilipende les fondements intellectuels. Ceux-ci reposeraient sur un trio infernal, sur une idéologie hors sol ainsi que sur un héritier omnipotent. Le trio regroupe Robert Schuman, Walter Hallstein et Jean Monnet. Le premier fut le ministre démocrate-chrétien français des Affaires étrangères en 1950. Le deuxième présida la Commission européenne de 1958 à 1967. Le troisième incarna les intérêts anglo-saxons sur le Vieux Continent. Ensemble, ils auraient suscité un élan européen à partir des prémices du droit national-socialiste, du juridisme venu d’Amérique du Nord et d’une défiance certaine à l’égard des États membres. Quant à l’héritier, il désigne « le fils spirituel (p. 255) », George Soros.

J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu est un gros pamphlet au ton partial. L’ancien président du conseil général de Vendée accuse par exemple Robert Schuman, né à Luxembourg, d’avoir été Allemand pendant la Première Guerre mondiale, puis d’être resté pacifiste au conflit suivant. Villiers regrette ouvertement que la famille Schuman n’ait pas choisi la France en 1871. Il cite à contre-sens l’un de ses biographes, François Roth dans son Robert Schuman (1), pour qui « Schuman n’avait pas le sens de la frontière, car il se sentait chez lui dans tout l’espace lotharingien, en Lorraine, en Alsace, au Luxembourg, en Belgique et dans les pays du Rhin (p. 66) ». En homme du bocage de l’Ouest, Villiers ne peut pas comprendre ce sentiment propre aux marches de l’Est, qui dépasse la sotte « Ligne bleue des Vosges », cette nostalgie rémanente qui liait Robert Schuman au Chancelier Konrad Adenauer, favorable au début des années 1920 à l’autonomie de la Rhénanie, et à l’Italien Alcide De Gasperi, longtemps sujet de l’Empire d’Autriche – Hongrie en tant que natif du Trentin – Haut-Adige – Tyrol du Sud. Ils concevaient la politogenèse européenne comme la reconstitution de l’Empire carolingien sur une assise territoriale franque correspondante à la Francie médiane de l’empereur Lothaire, l’aîné des petits-fils de Charlemagne.

Le parti-pris de Philippe de Villiers l’entraîne à considérer que « les architectes de l’Europe n’étaient pas des réfractaires à l’ordre de la peste brune : Schuman fut frappé d’« indignité nationale », il n’a jamais résisté, il était à Vichy. Monnet s’appuya sur la pensée d’Uriage, c’est-à-dire de Vichy. Il n’a jamais résisté non plus. Le troisième “ Père de l’intégration européenne ”, Hallstein, fut un officier instructeur du nazisme. Il a servi Hitler. Il prétendait même que la grande Europe connaissait là ses premiers épanouissements. L’assimilation des eurosceptiques au prurit fasciste des années trente est insupportable. L’européisme fut nourri au lait de ses premières comptines dans le berceau de la Collaboration et du nazisme. Et, depuis soixante-dix ans, on nous l’a caché (pp. 268 – 269) ». Il veut faire croire au lecteur qu’il vient de découvrir un scandale historique. Il n’est guère étonnant que la bibliographie ne mentionne pas « L’Europe nouvelle » de Hitler de Bernard Bruneteau (2) qui étudie l’« européisme des années noires ». Sans ce malencontreux oubli, Villiers n’aurait pu jouer à peu de frais au preux chevalier.

Un antifa qui s’ignore ?

hallstein.jpgOutre le rappel du passé national-socialiste de Hallstein, il insiste que Robert Schuman, « le père de l’Europe fut ministre de Pétain et participa à l’acte fondateur du régime de Vichy (p. 67) ». Oui, Robert Schuman a appartenu au premier gouvernement du Maréchal Pétain. Il n’était pas le seul. Philippe de Villiers ne réagit pas quand Maurice Couve de Murville lui dit à l’occasion d’une conversation au Sénat en juillet 1986 : « Je me trouvais à Alger […] quand Monnet a débarqué. J’étais proche de lui, depuis 1939. À l’époque, j’exerçais les fonctions de commissaire aux finances de Vichy (p. 109). » L’ancien Premier ministre du Général De Gaulle aurait pu ajouter que membre de la Commission d’armistice de Wiesbaden, il était en contact quotidien avec le Cabinet du Maréchal. Sa présence à Alger n’était pas non plus fortuite. Il accompagnait en tant que responsable des finances l’Amiral Darlan, le Dauphin du Maréchal !

L’auteur oublie facilement qu’en 1918 – 1919, la République française réalisa une véritable épuration ethnique en expulsant des milliers d’Allemands installés ou nés en Alsace – Lorraine depuis 1871. Il considère par ailleurs l’École des cadres d’Uriage comme la matrice intellectuelle de la pensée officielle eurocratique. Or il ne cite jamais la somme magistrale de Bernard Comte, Une utopie combattante (3), qui montre qu’après sa fermeture en 1942, bien des élèves d’Uriage ont rallié les maquis et la France combattante. Philippe de Villiers n’a-t-il pas lu ce qu’a écrit Éric Zemmour à ce sujet ? « Paul Delouvrier, qui aménagera le quartier de La Défense sous les ordres du général de Gaulle, penant les années 1960, écrit son commensal à La Rotonde, avait été formé par l’école des cadres d’Uriage, créée par Vichy. Cette même école où Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde, avait fait ses premières armes (4). » Villiers verse dans le manichéisme le plus simpliste.

Il a en revanche raison d’insister sur Jean Monnet dont « l’œuvre à produire [ses mémoires] a […] été commandée et financée par les Américains (p. 36) ». L’actuelle Union dite européenne sort tout droit des vœux cosmopolites du négociant bordelais. « Ni Europe des États ni Europe-État, l’Union est une broyeuse œuvrant au démantèlement progressif des lois et réglementations nationales et à la régulation au moyen d’un abondant flux de normes introduites dans les systèmes juridiques nationaux. Ce réaménagement bouleverse l’ordonnancement hiérarchique des pouvoirs, c’est-à-dire des États, des souverainetés et des relations internationales telles qu’elles s’étaient construites après-guerre (p. 160). » En effet, « on ne saurait mieux dire que, sous le beau nom d’« Union européenne », se cache une entreprise de liquidation de l’Europe et des Européens véritables, une entreprise littéralement antieuropéenne (p. 229) ». Qui en porte la responsabilité ? L’auteur ne répond pas vraiment. Certes, il mentionne « l’European Council on Foreign Relations, le premier think tank paneuropéen (p. 130) » et s’attarde sur les pages 162 à 164 sans jamais entrer dans les détails le Club Bilderberg. « Jean Monnet s’est trouvé ainsi au point de rencontre de la Révolution bolchevique et de la haute finance anglo-saxonne. Peut-être a-t-il cru, comme tant d’autres Anglo-Saxons, à l’époque, qu’un mariage était possible entre les deux systèmes, et que ce mariage des contraires enfanterait un monde unifié, sous clé américaine (p. 94). » Jamais l’auteur ne cite les travaux précurseurs de Pierre Hillard qui se penche sur le sujet depuis au moins deux décennies. Il aurait pu seulement se reporter à sa récente préface au Nouvel Ordre mondial de H.G. Wells (5). Villiers garde le silence sur la Commission Trilatérale et sur d’autres officines mondialistes d’origine anglo-saxonne tout aussi nuisibles que celles qu’il cite. Pis, il croit révéler que la CIA finançait dans les années 1950 et 1960 les organisations paneuropéennes dont les mouvements de l’ancien résistant Henri Frenay. Or Robert Belot dans sa biographie sur ce dernier (6) y consacrait plusieurs chapitres dès 2003 !

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Impuissante union

Le fondateur du Puy du Fou a en revanche bien compris l’intérêt des Étatsuniens de se servir de l’Union dite européenne comme d’un domestique efficace et obéissant. « Cette entreprise s’alimenta de la conviction profonde chez les Américains que leur architecture fédérale devait être transplantée en Europe, et ailleurs dans le monde. Les Américains sont convaincus de la supériorité de leur Constitution sur toutes les autres, en ce qu’elle permettrait le vivre-ensemble de populations venues de la terre entière qui se reconnaîtraient ainsi comme les nationaux d’une puissance universelle (p. 115). » De quoi de plus normal que déplorer dans ces conditions l’impuissance volontaire de l’entité pseudo-européenne ? « Où est donc le “ bouclier ” qu’était censé incarner l’euro, quand les entreprises européennes doivent fuir d’Iran sur injonction américaine, au nom des privilèges extraterritoriaux du “ roi dollar ”, et quand les banques européennes sont tétanisées dès qu’il est question d’un contrat avec un partenaire russe ou iranien ? Que peut donc bien signifier l’affichage d’une politique de défense européenne, alors qu’en réalité c’est à l’OTAN, c’est-à-dire aux États-Unis, que celle-ci est déléguée, avec, pour contrepartie, l’obligation de s’approvisionner en armements américains ? Le choix récent du chasseur F35 américain par la Belgique pour moderniser sa flotte de combat est emblématique (p. 277). » Il en résulte une monstruosité historique, géopolitique et juridique sans précédent. « Cette Europe-là a immolé son enveloppe charnelle, c’est une Europe sans corps. C’est l’union post-européenne. Elle se présente comme un marché ouvert et un espace en extension indéfinie, aux domaines de compétences eux-mêmes en expansion illimitée. L’Union européenne est un espace et un marché sans existence particulière, sans être propre, bientôt pulvérisée en une poussière d’impuissances et d’insignifiances. Ayant stérilisé la vie, elle s’avance dans le troisième millénaire au pas lourd d’un éléphant en phase terminale. Elle n’a pas cherché à être un corps politique, elle n’est qu’un corpus juridique : peu à peu, elle se retire pour faire la place à l’Autre (p. 213). » Pourquoi ? « Jean Monnet ne voulait pas d’une super-nation européenne qui viendrait fondre les nations préexistantes, à l’inverse de quelques-uns de ses disciples. […] “ Le plus grand danger pour l’Europe, ce serait un patriotisme européen ” (p. 160). » Incroyable aveu de la part du Bordelais ! Il convient par conséquent de détourner l’idée européenne en l’orientant vers un authentique esprit identitaire et une véritable aspiration à la puissance géopolitique propre à ce grand espace civilisationnel invertébré. Promouvoir un patriotisme européen, voire un « souverainisme », un « nationalisme » ou même un nouvel intégralisme continental, est une impérieuse et vitale nécessité.

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Digne successeur de Jean Monnet, un personnage interlope combat cette perspective, lui qui s’épanouit dans la fluidité et la plasticité du monde occidental. L’auteur cite la remarquable enquête de Pierre-Antoine Plaquevent, (7). On connaît la nocivité, sinon la malfaisance de George Soros. Philippe de Villiers ajoute que « Soros pèse sur d’autres organisations supranationales. Son influence sur la nomination des juges auprès de la Cour européenne des droits de l’homme est de plus en plus visible et redoutée. Plusieurs juges de la CEDH sont des “ anciens ” de chez Soros, car le règlement de cette cour permet à une personne d’être nommée juge même si elle n’a jamais exercé auparavant la fonction de magistrat. Ainsi, les anciens “ militants des droits de l’homme ” deviennent les arbitres du contentieux entre les citoyens et leurs États respectifs, et imposent leur vision radicalement déformée de la nature humaine pour travailler à un véritable changement de civilisation (pp. 265 – 266) ». Un peu comme au Conseil constitutionnel français qui accueille à peu près n’importe qui, mais jamais un Jean-Marie Le Pen ou un Bruno Gollnisch…

Méconnaissance du fédéralisme

Épris du modèle westphalien de l’État-nation, Philippe de Villiers juge que « l’Europe n’a pas de langue commune, ni de frontières véritables ou définitives. Au contraire des États-Unis et de toutes les nations fédérales du monde, il n’y a pas de peuple fédéral en Europe. Et l’on ne fait pas de fédération sans fédérateur. À moins de le choisir à l’extérieur (p. 116) ». Il ignore sûrement que le modèle fédéral concerne des citoyens de peuples différents. Les États-Unis d’Amérique constituent un cas très particulier puisqu’ils représentent le plus vaste dépotoir génétique ultra-individualiste de l’histoire seulement tenue par les médiats, une « justice » intéressée et la croyance suprémaciste en la « destinée manifeste ». Si chaque fédération est spécifique, la plupart des ensembles fédéraux savent inclure divers peuples, langues et religions, d’où des institutions complexes et bigarrées. Sans aller jusqu’à étudier l’Inde, Philippe de Villiers aurait pu se focaliser sur la seule Suisse. Nulle part dans son ouvrage, l’auteur ne mentionne l’hégémonie de l’anglais, ou plus exactement du globish, dans les institutions pseudo-européennes, y compris à l’heure du Brexit. Une fois la Grande-Bretagne sortie de la pétaudière bruxelloise, l’anglais devrait perdre son rang de langue d’usage au sein de l’UE puisque aucun des 27 n’a désormais la langue de Shakespeare comme langue officielle (Malte et l’Irlande, deux États anglophones au quotidien, ont le gaélique et le maltais). Ce silence surprenant.

Malgré tout le tintamarre orchestré autour de J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, ce livre n’éclaire qu’une partie du désastre. L’Hexagone est lui aussi pleinement infesté par ce que dénonce l’auteur à l’échelle européenne et qui atteint aussi les patries charnelles. Pourquoi se tait-il à propos de la French American Foundation ? N’a-t-il jamais rencontré au cours de sa carrière politique des habitués aux soirées de l’ambassadeur yankee à Paris ? Philippe de Villiers révèle finalement bien peu de choses à l’esprit averti féru de questions européennes. Son livre reflète toutefois la pesanteur accrue d’une formidable chape de plomb qui asphyxie toute réflexion intellectuelle en France. Un universitaire souverainiste lui déclare à propos des documents parus en annexes : « — Ce n’est pas de la timidité, c’est de la prudence. Les universitaires ne sont pas téméraires.

— Il y aurait vraiment des risques à publier la copie des archives ?

— Oui, le risque de perdre sa chaire, sa charge d’enseignement, son job, son éditeur… (p. 20) »

Comme l’aventure européenne, l’Université française ressemble toujours plus à un navire en perdition. L’américanisation de ses structures et le nivellement par le bas des étudiants projettent à vive allure les générations dans le mur, sinon vers le précipice. Le mensonge est total; il a été très bien assimilé par la population.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : François Roth, Robert Schuman, Fayard, 2008, p. 201.

2 : Bernard Bruneteau, « L’Europe nouvelle » de Hitler. Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, Éditions du Rocher, coll. « Démocratie ou totalitarisme », 2003.

3 : Bernard Comte, Une utopie combattante. L’École des cadres d’Uriage, préface de René Rémond, Fayard, coll. «Pour une histoire du XXe siècle », 1991.

4 : Éric Zemmour, Destin français, Albin Michel, 2018, p. 526.

5 : H.G. Wells, Le Nouvel Ordre mondial, préface de Pierre Hillard, Éditions du Rubicon, coll. « Influences », 2018.

6 : Robert Belot, Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2003.

7 : Pierre-Antoine Plaquevent, Soros et la société globale. Métapolitique du globalisme, avant-propos de Xavier Moreau et postface de Lucien Cerise, Le retour aux sources, 2018.

• Philippe de Villiers, J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, Fayard, 2019, 415 p., 23 €.

mercredi, 21 août 2019

Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...

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Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...

par Caroline Galactéros

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
 
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli dans Marianne et consacré à l'indispensable rapprochement entre l'Union européenne et la Russie. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

Se rapprocher de la Russie n'a jamais été aussi urgent pour la survie de l'Europe

A l’heure où j’écris ces lignes, depuis le sud d’une Europe étourdie de torpeur estivale telle l’insouciante cigale de la fable, un calme étrange semble régner sur les grandes affaires du monde. Un silence inquiétant aussi, comme celui qui précède l’orage en montagne ou le tsunami en mer. En matière de guerre comme de paix, le silence est toujours un leurre. Il se passe en fait tant de choses « à bas bruit » qui devraient mobiliser les chancelleries occidentales et leur faire élaborer des politiques nouvelles, ne serait-ce même que de simples « éléments de langage » disruptifs.

Le nouveau partage du monde n’est pas une césure infranchissable. L’approfondissement du discrédit moral et politique des États-Unis, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump, président grandement sous-estimé mais jugé imprévisible et changeant souvent de pied, pousse les acteurs de deuxième rang, pour survivre en dessous du nouveau duo de tête sino-américain, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier, tandis que Washington détruit méthodiquement tous les mécanismes et instruments multilatéraux de dialogue.

Rééquilibrage mondial

La crise du détroit d’Ormuz creuse les fractures attendues, comme celle qui oppose les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite à l’Iran secondé par Moscou et Ankara sous le regard gourmand de Pékin. Elle révèle aussi l’approfondissement de rapprochements plus insolites, tel celui de Moscou et de Ryad, chaque jour plus visible en Syrie au grand dam de Washington. En témoigne, outre leur rapprochement pour maintenir les cours du pétrole, l’amorce d’une coopération militaire entre les deux pays avec des achats de S400 par Ryad (comme d’ailleurs par Ankara dont l’opportunisme ne connait plus de limites). Ryad achètera aussi aux Chinois des technologies de missiles et des drones.

Quant aux Émirats arabes unis, ils ont annoncé au salon IDEX 2019, des acquisitions d’armements divers à la Russie pour 5,4 milliards de dollars et notamment de systèmes anti-aériens Pantsir-ME. Les enchères montent. Autre signe de ce « rééquilibrage », le récent jeu de chaises musicales au sein des services syriens de sécurité, sous la pression de Moscou, au profit de personnalités sunnites adoubées par Ryad, contre l’influence iranienne jusque-là dominante. Même le Hezbollah prendrait quelques ordres à Moscou désormais. De là à penser que la Russie mènera pour longtemps la danse en Syrie, mais souhaite néanmoins favoriser un règlement politique ayant l’imprimatur discret de Washington, Ryad et Tel Aviv – et donc défavorable au clan Assad (le bras-droit du frère de Bachar el-Assad, Maher, putatif remplaçant, vient d’être arrêté) et à son tuteur iranien – il n’y a qu’un pas…

Ce qui ne veut pas dire que Moscou laisse tomber Téhéran. Elle s’en sert pour optimiser son positionnement entre Washington et Pékin. La Russie vient d’annoncer de prochaines manœuvres militaires conjointes. L’Iran, étouffé de sanctions, ne peut évidemment tolérer d’être empêché de livrer même de toutes petites quantités de brut qui assurent la survie politique du régime et la paix sociale. La République islamique a donc répliqué à l’arraisonnement par les Britanniques – à la demande de Washington – du Grace One près de Gibraltar le 4 juillet dernier (pétrolier transportant du pétrole brut léger) et prend la main : saisie le 13 juillet, du pétrolier MT-RIAH puis, le 19 juillet, du britannique Stena Impero…. et enfin le 4 août, par celle d’un troisième bâtiment.

Iran/Etats-Unis : qui a la main sur qui ?

Téhéran menace désormais d’interdire le Détroit d’Ormuz (un tiers du transit mondial d’hydrocarbures) dont elle partage la propriété avec Oman et les Émirats arabes unis (la passe étant par endroits trop étroite pour constituer des eaux internationales) et tolère l’usage international à certaines conditions par les seuls signataires de la Convention maritime internationale de 1982. Il est vrai que Washington met de l’huile sur le feu jour après jour et vient d’imposer illégalement de nouvelles sanctions à l’encontre du ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif- peut être l’ultime et plus compétent négociateur pouvant arrêter l’escalade – notamment pour entraver ses déplacements. Qui veut la paix ? Qui veut la guerre ? De provocations en enfantillages, certains dirigeants semblent avoir perdu tout sens de leurs responsabilités envers la paix mondiale. Car si le Détroit d’Ormuz venait à être véritablement interdit par Téhéran au passage des tankers, l’explosion du prix du brut qui s’ensuivrait serait très vite insupportable pour l’économie mondiale et une gigantesque récession surviendrait. En dépit des apparences, c’est donc l’Iran qui tient le sort des États-Unis et de l’économie occidentale entre ses mains.

La « pression maximale » crânement brandie comme un trophée par le président Trump à l’encontre de Téhéran s’exerce donc dans les deux sens. Cette folle politique de Washington qui prétend contraindre le pouvoir à élargir le spectre de l’accord sur le nucléaire de 2015 (attente parfaitement utopique ou trompeusement avancée pour provoquer un conflit) est un échec patent. Certes, Londres par la voix de son nouveau premier ministre Boris Johnson, dont le pedigree personnel dessine une possible et gravissime double allégeance, a choisi, as usual, « le Grand Large » comme en a témoigné l’arraisonnement du Grace One. L’Allemagne se montre quant à elle prudente, cherchant à ménager la chèvre et le chou et à profiter du manque de discernement de la France.

Bientôt un Yalta 2.0 ?

Paris en effet, s’oppose (pour combien de temps) à une coalition pour garantir la circulation dans le détroit d’Ormuz que demande évidemment Washington, et essaie de s’accrocher à l’Accord moribond… après avoir commis l’insigne faute d’appeler à son extension aux questions balistiques pour complaire à Washington et Tel Aviv. Nous avons donc encore une fois joué, inconsciemment faut-il l’espérer, une partition américaine qui contrevient à tous nos intérêts et précipite la guerre.

Ce focus sur l’actualité internationale du moment ne fait que manifester l’ampleur des enjeux du Yalta 2.0 qui s’annonce. Mais « le Rideau de fer » de ce nouveau partage s’est déplacé vers l’Oural, à l’extrême est de l’Europe, et cette translation met clairement la Russie dans le camp de l‘Europe. En effet, si l’Oural sépare géographiquement l’Europe de l’Asie, à sa verticale se trouvent précisément les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, qui font toujours partie de la ceinture de sécurité de la Russie et sont désormais convoitées par la Chine. Or, si l’Eurasie est toujours au cœur des convoitises des grands acteurs (dont les États-Unis), il est une autre opposition que nous ne voyons pas alors qu’elle devrait pourtant focaliser notre capacité d’analyse stratégique et notre action diplomatique : c’est la rivalité montante entre la Chine et la Russie pour la domination économique et politique de l’Asie centrale et même du Caucase.

Les tracés nord (Chine-Kazakhstan-sud Russie-nord Caucase jusqu’en Mer noire sur le territoire russe) et centre (Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Turquie) des Nouvelles Routes de la Soie visent en effet à mettre sous dépendance économique progressive les « Stans », et donc, au prétexte de la lutte contre les Ouigours musulmans, à permettre à Pékin de disposer progressivement d’un levier de déstabilisation économique et sécuritaire important sur Moscou. L’influence est aussi (et souvent avant tout) faite de capacité de nuisance.

Et l'Union européenne dans tout cela ?

En conséquence, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » – englobant la partie européenne de la Russie – n’a jamais été aussi nécessaire et urgente pour la sauvegarde de l’Union européenne, si cette dernière espère compter entre États-Unis et Chine et éviter le dépècement et la dévoration. Pourtant le rapprochement de l’Union européenne avec la Russie reste ignominieux, inconcevable, indéfendable à nos dirigeants piégés par une vision idéologique et faussée de leurs intérêts comme des nouveaux rapports de force du monde. C’est l’impensé, l’impensable, l’angle mort de la projection stratégique de l’Europe. Pour les élites et institutions européennes, la Russie – que l’on assimile toujours à l’URSS -, est par principe vouée aux Gémonies, l’Amérique idéalisée, le péril chinois minimisé, l’Inde ignorée, le Moyen-Orient déformé et l’Afrique sous-estimée. Les ravages de « la pensée magique » touchent malheureusement aussi la politique extérieure.

Pour entraver une dérive collective vers une nouvelle loi de la jungle internationale qui ne s’embarrassera même plus de gardes fous juridiques imparfaits, il est urgent de retrouver les bases d’une coexistence optimale entre les grands acteurs et ensembles régionaux. Urgent surtout de cesser de croire en la chimère d’un magistère moral occidental ou simplement européen qui a volé en éclats. Dans un saisissant paradoxe, le dogmatisme moralisateur ne passe plus la rampe et une révolution pragmatique et éthique de la pensée stratégique occidentale s’impose. La France peut encore en prendre la tête et entrer en cohérence avec elle-même pour se protéger, compter et convaincre.

Caroline Galactéros (Marianne, 6 août 2019)

mardi, 20 août 2019

Il est temps de revenir a une politique plus réaliste avec la Russie

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Il est temps de revenir a une politique plus réaliste avec la Russie

Par Hubert Védrine *

Propos recueillis par Eugénie Bastié et Guillaume Perrain

Le 19 aout, Emmanuel Macron recevra Vladimir Poutine à Brégançon, avant le G7 de Biarritz. Comment analysez-vous ce geste ?

Hubert Védrine. – C’est une tentative très  ulile pour sortir la France et si possi­ble l'Europe d'une impasse, d'une guerre de positions stérile engagée depuis des années, avec des torts partagés des deux côtés, notamment depuis le troisième mandat de VJadimir Poutine, et qui a abouti à une absurdité stratégique : nous avons des rapports plus mauvais avec la Russie d'aujourd'hui qu'avec l'URSS pendant les trois dernières décennies de son existence! Ce n'est pas dans notre in­térêt. Essayer d'entamer un processus différent m'apparaît très justifié, même s'il ne faut pas attendre de cette rencontre des changements immédiats. La date choisie par Emmanuel Macron pour ce geste est très opportune : il reçoit Vladi­mir Poutine juste avant le G7 de Biarritz, qu'il préside. Le G7 était devenu G8, mais la Russie en a élé exclue en 2017 à la suite de l’annexion de la Crimée. Tout cela aurait pu être géré autrement. La volonté américaine d’élargir l’Otan à l’Ukraine était malencontreuse, mais il faut regarder l’avenir.

Certains évoquent une « complaisance du président français à l’égard d’un autocrate ?

Ce genre de propos ne conduit à rien. L'Occident a été pris d'une telle arrogan­ce depuis trente ans, d'une telle hubris dans l'imposition des valeurs au reste du monde, qu'il faut réexpliquer le b.a.-ba des relations internationales: rencontrer ce n' est pas approuver; dis­cuter, ce n’est pas légitimer ; entretenir des relations avec un pays. œ n'est pas être «amis » C'est juste gérer ses intérêts. Il faut évidemment que la France entretienne des relatioons avec les dirigeants de toutes les puissances, surtout quand est en jeu la question cruciale de la sécurité en Europe, aJors que les grands accords de réduction des armements conclus à la fin de  la guerre froide par Reagan puis Bush et Gorbatchev sont abandonnés les uns après les autres et ne sont encore remplacés par rien. Cette rencontre n'indigne que de petits groupes enfermés dans une attitude de croisade antirusse. Ils ne proposent aucune solution concrète aux problèmes géopolitiques et se contentent de camper dans des postures morales inefficaces et stériles.

« L’idée libérale est devenue obsolète », a déclaré Poutine au Financial Times. Que pensez de pareille déclaration ?

Depuis le début de son troisième mandat, Vladimir Poutine aime les provocations, assez populaires dans son pays. Durant ses deux derniers mandats il avait tendu la main aux occidentaux qui ont eu le tort de ne pas répondre vraiment. Même Kissinger pense ça ! Poutine est loin d’être le seul à contester l’hégémonie libérale occidentale. D’autres l’ont théorisé avant lui, notamment plusieurs penseurs asiatiques de la géopolitique. Eux considèrent même, à l’instar du Singapourien Kishore Mahbubani, que nous vivons la fin de la « parenthèse » occidentale.  Je préfère quant à moi parler de la fin du « monopole » occidental sur la puissance et les valeurs. Par ailleurs, on ne serait pas aussi vexé et ulcéré par les déclarations de Poutine si les démocraties occidentales n’étaient pas contestées de l’intérieur par les populismes, sous-produit de la perte de confiance des peuples dans les élites qui ont la mondialisation et l’intégration européenne. Poutine ou pas, il faut trouveer à ce défi des réponses chez nous, par nous-mêmes.

Plusieurs centaines d’opposants ont été arrêtés lors de manifestations réclamant des élections libres. N’est-ce pas le signe d’un durcissement préoccupant ?

Les Occidentaux se sont fait des illusions sur une démocratisation rapide de la Russie, illusions comparables à celles qu’ont eues les Américains sur l’entrée de la Chine à l’OMC en 2000, qui allait selon eux apporter mécaniquement la démocratie libérale. Ce n’est pas ce qui s’est produit : loin de se transformer en démocrates scandinaves, les Russes sont restés… russes. On leur en veut pour cela. Ce n’est ni un un régime démocratique à notre façon ni une dictature comme avant. Une partie der l’opinion occidentale enrage, mais, c’est ainsi : nous ne changerons pas la Russie, elle évoluera d’elle-même, à son propre rythme et selon sa manière. Nous nous sommes beaucoup trompés : il est temps de revenir à une politique plus réaliste tout en souhaitant publiquement un meilleur  respect des règles électorales et démocratiques. Cela ne devrait pas empêcher, au contraire, un dialogue musclé avec Vladimir Poutine sur toutes ces questions et tous les sujets de désaccord ou d’inquiétude. Mais, pour cela, il faut qu’il y ait un dialogue régulier.

Précisément, comment devraient évoluer les relations entre l’Europe et la Russie ? La France a-t-elle un rôle particulier à jouer ?

L’objectif très juste, formulé à plusieurs reprises par Emmanuel Macron, est de « réarrimer la Russie à l’Europe » et donc de corriger la politique occidentale inconséquente des dernières années qui a poussé la Russie vers la Chine. Notre relation doit être exigeante et vigilante sans être vindicative et prosélyte. Il faut établir, ou rétablir, de bons rapports de force dans les domaines militaires, spatial et numérique. Mais aussi redevenir pragmatiques car nous aurons toujours à gérer les relations de voisinage avec la Russie. Et donc parler, discuter, négocier, faire des propositions. L’urgence est celle de la sécurité : il faut rebâtir, en repartant presque de zéro, une politique de contrôle des armements et de désarmement équilibrée. Je pense que nous avons bien d’autres terrains de coopération : la lutte contre le terrorisme islamiste, mais aussi l’écologisation de nos économies, enjeu principal du 21e siècle. Macron essaye, et il a raison. S’il arrive à déclencher un processus, d’autres pays européens suivront, et il pourrait y avoir un effet d’entraînement plus large. Il faut réinventer nos rapports avec la Russie sans attendre Trump, qui, s’il est réélu, réenclenchera une dynamique entre les Etats-Unis et la Russie sans tenir aucun compte des intérêts de l’Europe.

(*) Hubert Védrine est l'ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Lionel Jospin de 1997 à 2002. Il a été secrétaire général de l'Elysée de 1991 à 1995.

Source : Le Figaro 17/08/2019

samedi, 22 juin 2019

Champ de bataille mondial : un monde entre géopolitique et mondialisation

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Champ de bataille mondial :

un monde entre géopolitique

et mondialisation

Par Shahzada Rahim

Source : https://www.fort-russ.com/2019/05/global-battleground-a-w...

& http://www.in-limine.eu

Cet article traite du domaine des rivalités pour les ressources et les emplacements stratégiques à travers le monde. En outre, l'article explique également comment les imaginations géopolitiques contrastées dans la politique mondiale créent un vide dynamique qui alimente la concurrence vicieuse. - Rahim


Par Shahzada Rahim : un étudiant de troisième cycle qui porte un vif intérêt pour l'écriture sur l'histoire, la géopolitique, l'actualité et l'économie politique internationale.


On dit souvent que la géopolitique et la mondialisation sont les deux faces d'une même pièce, mais avec des attributs différents. L’histoire de ces deux acronymes remonte à une date très ancienne jusque l’époque antique romaine et grecque. Aujourd'hui, le paysage géopolitique et celui de la mondialisation ont dépassé la terre et la mer pour atteindre l'espace extra-atmosphérique. De nombreux chercheurs estiment que la mondialisation et la géopolitique sont chacune l'antithèse l’une de l’autre et englobent différents modes de pouvoir. Alors que la mondialisation nous parle des vertus et des valeurs universelles, la géopolitique, quand à elle, nous parle de vices et d’intérêts réalistes injustifiables.


À l’aube du XXe siècle, un nouveau débat mondial s’est ouvert entre d’une part le « Déclin de l’Ouest » d’Oswald Spengler et, d’autre part, la « Civilisation » d’Arnold Toynbee. Le livre de Spengler était rempli de déclarations audacieuses qui prétendaient prédire l’histoire à venir. Ce que Spengler disait : « Le déclin de l’Ouest classique est inévitable comme l’histoire elle-même ; les symboles de la culture naturelle dégénéreront en une décadence matérielle semblable à celle du cycle de vieillissement humain ». Mais lorsque Toynbee écrivit : « Une étude de l’histoire » dans les années 1930, il remplaça l’attitude d’avertissement de Spengler faite de clairvoyance et de déterminisme par l’idée d’agencement [réponses aux défis]. Fondamentalement, Toynbee propose deux options engageant soit une adaptation, soit un fondamentalisme inflexible.

Ce fut peut-être le premier débat passionné faisant allusion à la compétition imminente entre la géopolitique et la mondialisation. Ce que Toynbee disait, c’était : « Une nouvelle civilisation occidentale hégémonique a tenu entre ses mains le destin de toute l'humanité ». En effet, la prétention de Toynbee se révèle en faveur de la « théorie du monde plat » de Thomas L. Friedman, qui affirme que la mondialisation avec la plus grande économie de marché est le destin du monde. Néanmoins, force est de constater que la géopolitique et la mondialisation sont dictées par deux forces éternelles : la peur et la cupidité.


C'était le célèbre scientifique allemand géopolitique Frederick Ratzel, qui a déclaré très clairement, à l'aube du XXe siècle, qu ' »il fallait que les empires se développent pour survivre ». C'est Rudolf Kjellen, l'élève de Ratzel, qui a inventé le mot "Géopolitik", qui fait référence à la géographie pure remplie de ressources naturelles massives. De même, le célèbre géographe britannique Harford Mackinder a appelé la géopolitique le cycle de la vie de l'organisme mondial. Le célèbre historien français Ferdinand Braudel a qualifié la géopolitique de "longue durée". De nos jours, la géopolitique et la mondialisation sont les phénomènes les plus révolutionnaires de la politique mondiale. Leurs principales préoccupations sont les ressources, le pouvoir, la stabilité et les conflits.

Fondamentalement, la géopolitique visait principalement à capturer des positions géographiques stratégiques, des ressources et des économies, alors que la mondialisation tentait initialement de définir le monde en tant qu’organisme unique enchevêtré dans la toile d’araignée des connexions s’étendant de l’économie aux ressources. C’est ce qui ressemble aujourd’hui à la géopolitique du XXe siècle avec des impacts variés sur la géographie et l’idéologie.

 

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En conséquence, dans les années 1990, un nouveau grand débat s’est ouvert entre les visions contrastées de "La fin de l’histoire" de Francis Fukuyama et le "Clash de civilisation" de Samuel P. Huntington - les visions contradictoires de l’utopisme et du fatalisme. Au fond, Francis Fukuyama a présenté sa thèse de "Fin de l’histoire" marquant la fin des guerres idéologiques et a donné la vision du nouveau millénaire en tant que mondialisation de l’ordre libéral. Sa théorie divise le monde en trois zones, soit le Premier Monde (mondialisé), le Deuxième Monde (partiellement mondialisé) et le Tiers Monde (non mondialisé). Ce que Fukuyama a affirmé, c’est que les idéaux chéris du Premier Monde domineront les sphères sociopolitiques du Deuxième et du Tiers Monde au travers d’une universalisation orientée libérale.

Pour Huntington, avec le début du nouveau millénaire, le monde évoluera vers un paradoxe des civilisations : une nouvelle rivalité entre les civilisations commencera entre l’Est et l’Ouest, englobant les idéaux mêmes de l'identité, des traditions et de la religion. Dans le poème de Shelley "Ozymandias", la mort est le destin de toute chose - les civilisations s’affrontent souvent et finissent toutes par mourir. Selon Huntington, la civilisation occidentale est moderne et scientifique, tandis que la civilisation orientale est encore entravée par la pauvreté et le mysticisme. De ce fait, l'expansionnisme plus large des valeurs universelles occidentales éclairées pourrait entrer en conflit avec les habitudes traditionnelles et arriérées de l'Est. Mais, pour Fukuyama, rien ne peut arrêter l'expansionnisme d'un ordre libéral fondé sur un marché libre à l’échelle du monde. Pour être plus précis, Fukuyama a ouvertement déclaré le triomphe de l'ordre démocratique libéral comme le destin du nouveau millénaire. Il avança que « ce dont nous sommes peut-être témoins n’est pas la fin de la guerre froide, mais la fin de l’histoire en tant que telle ; c’est-à-dire le point final de l’évolution idéologique de l’homme et de l’universalisation de la démocratie libérale occidentale ».


En revanche, si l’on prend en compte l’imaginaire géopolitique des Lumières occidentales, c’est principalement l’aspect impérial qui a pesé sur la concurrence physique et biologique pour obtenir des gains relatifs. De même, le contexte géopolitique au sens de Montesquieu et de Voltaire en référence à Alexandre le Grand se limitait principalement à l'échange de lieux et à la redistribution des ressources. Mais à l'ère de la mondialisation, la géopolitique est devenue brutale et avide de contrôler la géographie et les ressources du monde. Par conséquent, nous ne vivons pas à l’ère de la mondialisation, mais plutôt à l’ère vicieuse de la géopolitique de la mondialisation, où le monde oscille entre géopolitique et mondialisation.

mercredi, 29 mai 2019

L'Otan est une menace pour l'Europe

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L'Otan est une menace pour l'Europe

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Ces propos sont du général (2s) Vincent Desportes, très apprécié sur ce site. Ils ont été recueillis par Isabelle Lassere, du Figaro. Disons seulement que le général s'illusionne un peu sur la capacité des Européens d'échapper à l'influence américaine.
 

desportes_122.jpgLE FIGARO. - On a peu parlé de défense pendant la campagne des européennes. C'est pourtant un enjeu crucial pour l'avenir du continent. Est-ce grave ?

Général Vincent DESPORTES. - Oui, parce que ­l'Europe ne peut pas se construire seulement sur ses dimensions économique et sociale. Si elle n'est pas capable de défendre ses citoyens, elle ne sera pas crédible. Or, désormais, pour des raisons financières en particulier, les systèmes de défense des nations moyennes ne peuvent construire leur cohérence qu'au niveau supranational.

Cette atonie européenne est-elle similaire à celle qui existe avec l'écologie ?

Les Européens commencent à être sensibles au problème écologique, mais ils ne s'en saisissent pas. En matière de défense, ils n'ont pas encore pris conscience de l'importance du problème. Pourquoi ? Parce qu'ils pensent toujours vivre dans le monde d'hier, celui des bons sentiments. Ils ne voient pas venir ce monde de violences qui montent et qui sera dominé par les rapports de force. Les Européens se croient toujours protégés par le parapluie américain. À tort : il a longtemps été fiable mais il ne l'est plus.

Les attentats terroristes n'ont-ils pas réveillé la sensibilité européenne à la dangerosité du monde ?

En partie, si. Mais les principaux enjeux vont bien au-delà. Je pense notamment au grand affrontement déjà en cours entre les États-Unis et la Chine, qui s'affirme comme la nouvelle puissance impériale. Dans les années qui viennent, les relations internationales seront basées sur la puissance ; l'Europe doit se doter de ses attributs pour faire rempart à la Chine et faire part égale avec son ancien allié. Elle doit absolument reconstruire sa puissance, condition de son autonomie.

Que faut-il faire concrètement ?

L'Europe doit être capable de jouer son rôle dans le monde et de participer au maintien des grands équilibres. Elle ne pourra le faire que si elle détient la puissance militaire. Car la voix des nations ne porte qu'en fonction du calibre de leurs canons ! Si la ­France compte davantage que les autres pays, c'est justement parce qu'elle a une armée digne de ce nom. Si l'Europe est aphone, c'est parce qu'elle ne s'est pas dotée des moyens de la puissance.

Vous évoquez la possibilité d'un conflit sino-américain. Mais une confrontation entre les États-Unis et l'Iran ne pourrait-elle pas intervenir avant ?

À court terme, si l'on exclut le terrorisme, il existe d'autres zones de tension, notamment la région du Golfe et la péninsule nord-coréenne. Mais ce sont des conflits de petite ampleur par rapport aux grands enjeux qui s'annoncent. Personne n'a intérêt à ce que l'opposition entre l'Iran et les États-Unis se transforme en une guerre ouverte. Il semble en revanche écrit que le conflit de puissance entre la Chine et les États-Unis sera la grande histoire de demain...

À quoi sert encore l'Otan ?

L'alliance avec les États-Unis ressemble à celle qui unissait Athènes aux cités helléniques. L'Otan est une alliance sur laquelle règnent de manière hégémonique les Américains, qui offrent leur protectorat en échange de la vassalisation de leurs alliés. Le problème, c'est que ce protectorat n'est pas fiable. De Gaulle le disait déjà quand il affirmait qu'il fallait une armée française car le parapluie américain n'était pas suffisamment fiable. Il l'est encore moins aujourd'hui. L'Alliance est un leurre. Elle affaiblit les Français, car elle ne leur permet pas de parler au monde et de défendre leurs valeurs. Il faut sortir de l'illusion que les outils d'hier sont toujours pertinents pour le monde de demain.

L'Alliance atlantique peut-elle mourir ?

L'Otan est devenue une menace pour les pays ­européens. D'abord parce qu'elle est un outil de déresponsabilisation des États qui ne se croient plus capables d'assumer leur défense. Ensuite parce que son existence même est un outil de maintien et de renaissance des tensions en Europe. Il est temps que l'Otan soit remplacée par la défense européenne. La meilleure chose qui pourrait arriver à l'Alliance, c'est que les États-Unis s'en retirent. Ils placeraient ainsi l'Europe devant la nécessité d'avancer. Tant que l'Europe stratégique ne sera pas construite, le continent restera un protectorat à qui les États-Unis dictent leurs règles, comme le principe d'extrater­ritorialité dans l'affaire des sanctions contre l'Iran.

desportesstratagié.jpgPourtant, les pays de l'Est, notamment la Pologne, ne jurent toujours que par elle...

On peut comprendre que les Polonais croient être défendus par les États-Unis. Mais ils ont commis la même erreur en 1939, quand ils ont cru que la France viendrait les défendre s'ils étaient attaqués par les Allemands... Pourquoi les États-Unis sacrifieraient-ils Washington pour Varsovie si la Pologne était attaquée par la Russie ?

Parce qu'ils ont déjà traversé deux fois l'Atlantique pour sauver l'Europe...

Oui, mais ce n'était pas la même époque. Le ­nucléaire a complètement changé la donne. C'est la raison pour laquelle de Gaulle a voulu doter la France de la bombe atomique. La seule Europe qui vaille pour les États-Unis, c'est une Europe en perpétuel devenir. Ils ont toujours poussé pour les élargissements, y compris vis-à-vis de la Turquie. Mais la culture européenne est trop riche pour se limiter à ce qui en a été fait aux États-Unis. Le continent européen est celui de la philosophie et des Lumières, il a aussi été meurtri par la guerre. Il faut qu'à la puis­sance prédatrice américaine on puisse opposer une ­Europe capable de raisonner un monde qui ne l'est plus par les institutions internationales, qui ont été créées en 1945 ! S'appuyer sur les solutions d'hier pour construire le monde qui vient est dangereux et mortifère.

Vous semblez davantage craindre les États-Unis, qui malgré Trump restent notre partenaire et une démocratie, que la Russie qui cherche à diviser l'Europe.

L'Amérique n'est pas maligne comme un cancer. Mais quand elle n'est pas régulée, elle a tendance à imposer ses intérêts avant tout. Elle se détache par ailleurs de sa grand-mère patrie l'Europe pour se tourner vers le Pacifique. Quand ce processus sera achevé, l'Europe se trouvera bien démunie. Je pense que la Russie doit être intégrée à l'espace européen et que nous devons faire en sorte qu'elle ne soit plus une menace. L'avenir de l'Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique. Nous avons, nous Occidentaux, contribué à faire ressurgir la menace russe. Nous avons raté l'après-guerre froide car nous n'avons pas réussi à réintégrer la Russie dans le jeu des ­démocraties.

L'armée européenne dont parle Emmanuel Macron, qui a provoqué des grincements de dents à l'Est et à l'Ouest, est-elle un gros mot ? Ou peut-elle être un objectif pour le futur ?

Elle ne peut pas exister aujourd'hui. Mais il faut assurer le plus vite possible la défense de l'Europe par l'Europe et pour l'Europe. Il faut créer un noyau dur capable de doter le continent d'une autonomie stratégique et capacitaire. Nous ne pouvons pas attendre la fin des divisions, notamment entre l'Est et l'Ouest, pour agir.

 

mardi, 28 mai 2019

Elections européennes. Refus grandissant de l'Europe sous sa forme actuelle

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Elections européennes. Refus grandissant de l'Europe sous sa forme actuelle

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Les gains substantiels en voix des deux mouvements politiques stigmatisés respectivement sous le nom de populistes et d'extrême droite, lors des élections européennes du 27 mai, montrent un refus grandissant de l'Union européenne (UE) sous sa forme actuelle.

Celle-ci avait depuis longtemps fait illusion. Beaucoup y voyaient un effort pour faire de l'Europe une grande puissance mondiale, susceptible de se battre avec succès contre l'Empire américain et la montée en puissance de la Chine, désormais première puissance économique.

Mais c'était ne pas voir que du temps de la force des Etats-Unis, ceux-ci avaient considéré l'UE comme un ensemble vassal dans leur lutte contre la Russie. Une majorité d'Européens refusent encore de l'admettre, assujettis sous une forme ou une autre aux intérêts américains. Dans un nombre grandissant d'Etats européens cependant, le nombre des citoyens qui refusent cet assujettissement ne cesse d'augmenter. Ils cherchent à faire de l'UE, sous sa forme actuelle ou mieux sous une forme renouvelée, un véritable instrument de prise d'indépendance et de puissance.

Mais dans quels domaines et pourquoi faire ? Les « populistes », qu'il vaudrait mieux nommée souverainistes, qui sont déjà au pouvoir en Italie et dans quelques pays d'Europe centrale, ne refusent pas a priori l'UE, mais veulent la subordonner aux objectifs qu'ils se donnent en matière de souveraineté économique nationale et de politique internationale, incluant un rapprochement avec la Russie. Quant aux partis souverainistes dits d'"extrème droite", tel le Rassemblement National en France, leurs objectifs ne sont guère différents. On ajoutera la nouvelle importance des partis dits Verts qui ont gagné des sièges au Parlement du fait de l'absence constatée, malgré ses affirmations, de toute préoccupation écologique au sein de l'UE.

D'ores et déjà, les Conservateurs de la droite, du centre ou des partis se disant socialistes, au pouvoir dans les principaux Etats de l'UE, tentent de dissimuler leurs reculs, sinon leur défaite. Ils feignent de faire comme si ce refus marqué de leurs politiques européennes ne nécessitait pour satisfaire l'électorat de demain, que quelques réformes mineures. Mais les « populistes », l' « extrême droite » et les Verts ne feront aucun progrès dans l'opinion s'ils ne présentent pas clairement ce en quoi ils transformeraient l'UE, tant dans ses objectifs que dans sa forme, s'ils étaient au pouvoir.

Concernant les objectifs, il est clair que l'UE ne survivra que si elle est capable de proposer et faire appliquer un grand programme commun et obligatoire, convenablement financé, de lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation environnementale. L'autre domaine prioritaire sera la volonté de prise d'indépendance à l'égard de Washington, dans tous les domaines où l'Europe serait capable de mieux faire que les Américains si elle échappait à leur tutelle.

Ceci devrait se marquer en premier lieu par une politique de défense véritablement européenne, qui impliquerait sans doute un refus de l'Otan. Il faudrait dans le même temps rechercher de nouvelles relations avec la Russie, la Chine, et sans doute aussi l'Inde et les principaux Etats africains. Ces relations se traduiraient par des coopérations réciproques sur un pied d'égalité et non par des volontés d'affrontement ou d'ignorance volontaire, d'ailleurs vouées à l'échec, comme les Etats-Unis l'imposent aujourd'hui aux Européens.

Solutions institutionnelles

Concernant la forme qu'adopterait une nouvelle UE capable de mener de telles politiques, il est clair qu'une UE à 28 Etats-membres, dont la moindre mesure commune exige l'accord de tous, condamne l'UE à l'impuissance. De même la présence d'une Commission européenne qui s'est attribué tous les pouvoirs régaliens définis par les traités, notamment en termes diplomatiques et économiques, fait le jeu des Etats-Unis. Ceux-ci ont dès les origines placé des agents discrets mais influents, appuyés par les dollars de la CIA, dans tous les groupes de travail et de décisions importants.

Des formules d'union à quelques membres véritablement volontaires pour agir ensemble dans les principaux domaines où l'Europe doit s'affirmer, sont indispensables. On peut en trouver des exemples dans ce que l'on nomme actuellement des Agences, telle l'Agence spatiale européenne. Le nombre de telles structures, travaillant dans la plus grande transparence possible, pourrait être considérablement augmenté. Elles incluraient selon les domaines un certain nombre d'Etats non membres de l'UE, intéressés par une coopération avec les Européens.

Inutile de préciser que le refus grandissant actuel de l'UE sous sa forme actuelle ne débouchera sur aucune de ces solutions si la majorité des citoyens européens et des forces vives du continent ne se persuadent pas de leur nécessité. Ceci se fera d'autant moins que les ennemis de l'indépendance européenne, disposant des ressources des principaux médias, continueront à les persuader que l'UE, telle qu'elle est aujourd'hui, ne peut être modifiée.

Note

Il va de soi que dans les perspectives évoquées ci-dessus, le Parlement européen serait conservée, mais son rôle serait seulement consultatif et de discussion. Il financerait des études et formulerait des recommandations. Chaque Etat y disposerait d'un nombre de sièges proportionnel à sa population.

lundi, 27 mai 2019

Elections européennes: Un vote sans conséquence

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Elections européennes:

Un vote sans conséquence

Ex: http://www.zejournal.mobi

Les élections européennes de dimanche seront particulièrement sans conséquence. Le vote ne décide rien du tout, parce que le Parlement européen représente bien peu. En outre, le système de l’UE, qui décide presque tout ce qui est fondamental pour les politiques des États membres, ne fait pas l’objet d’un vote. La politique économique et monétaire est décidée par les banques, la BCE et la Commission, la politique étrangère et de sécurité reste du ressort du Pentagone par le biais de l’OTAN, et le cadre général est déterminé par des traités européens qui sont protégés par leur principal bénéficiaire, l’Allemagne, afin qu’ils ne puissent être modifiés. La comédie est manifeste.

Le grand Parti Néolibéral Unifié Européen (PNUE), avec ses deux grandes tendances, les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates, présente ces élections comme une question de vie ou de mort, de guerre ou de paix, dans des tons grandioses, qui contraste vivement avec leur manque de pertinence absolue. Tout le monde parle « d’élections décisives », de libéraux contre les autoritaires et de « pro-européens » contre « anti-européens ». Il semble que la civilisation elle-même soit en jeu.

Le parti de Macron nous présente une affiche représentant les Trümmerfrauen, les femmes allemandes qui, en 1945, ont ramassé les décombres de leurs villes détruites. Le parti de Merkel nous offre une photo en noir et blanc des ruines du Reichstag à Berlin la même année, en contraste avec une photo en couleur du même bâtiment déjà restauré et avec un couple prenant un selfie, avec le message : « La paix n’est pas une évidence« .

Des manifestations « européistes » (sociaux-démocrates, les verts et même Die Linke) ont eu lieu dimanche dans sept villes allemandes sous le slogan : « Une Europe pour tous : votre vote contre le nationalisme« . « Les nationalistes et les extrémistes de droite veulent mettre fin à l’UE et renforcer le nationalisme« , déclare le manifeste. C’est un message doublement déroutant, d’abord parce que le nationalisme (exportateur allemand) domine déjà depuis longtemps l’UE et ensuite parce que, selon les sondages, les ultras seront loin de décider quoi que ce soit au Parlement européen : pas beaucoup plus de 100 députés sur un total de 751, selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Toute cette hystérie n’est pas grave. La domination du PNUE est garantie par le prochain Parlement européen, qui de toute façon ne décide pratiquement rien.

La « plus grande Europe » des soi-disant « pro-européens », c’est-à-dire le transfert de plus de compétences et de pouvoir au système de l’UE, signifie arracher la petite démocratie qui reste dans les États-nations pour gonfler des institutions qui ne sont soumises à aucun contrôle citoyen. Et c’est précisément ce qui engraisse « l’anti-européanisme », de sorte que « plus d’Europe » équivaut à s’abonner à un nationalisme réactif qui est souvent extrême. Au milieu de cet amalgame, le seul résultat clair est que l’UE du PNUE devient plus sombre, plus xénophobe, plus militariste et plus sensible à l’extrême droite, comme on le voit déjà.

Comme l’a expliqué Oskar Lafontaine, la chancelière Merkel a tout dit dans son dernier discours électoral, samedi à Zagreb. Rien n’a été oublié. L’Europe est « un projet de paix » (c’est pourquoi nous collaborons aux guerres américaines au Moyen-Orient et en Afghanistan, nous réarmerons et enverrons des troupes en Afrique), « un projet de liberté » (c’est pourquoi nous sommes si résolument engagés dans la liberté de Julian Assange), « et un projet de bien-être » (c’est pourquoi la Grèce et les autres pays du Sud comme l’Espagne, l’Italie et le Portugal subissent les réductions sociales et salariales imposées par le nationalisme exportateur allemand).

« Le nationalisme est l’ennemi du projet européen », déclare Mme Merkel, qui a raison pour une fois sans faire référence au sien.

« Quand nous défendons nos intérêts, nous savons comment nous mettre à la place des autres », dit la chancelière, qui a critiqué l’héritage de Willy Brandt de politique de sanctions et de confrontation avec la Russie, précisément parce qu’elle ignore les intérêts de ce pays. Est-ce du cynisme ou de la cécité, se demande Lafontaine ?

Et le pire, c’est que toute cette grande comédie peut exploser à tout moment. Le secteur financier n’est toujours pas réglementé. Les systèmes de garantie n’en sont qu’à leurs balbutiements et si les banques reviennent à exploser, il n’y aura nulle part où trouver l’argent, prévient avec son bon sens l’économiste terrifié Frédéric Lordon, qui cite le diagnostic de Thomas Piketty :

« Nous risquons de relancer 2008 mais en pire ».

Les citoyens pourront-ils supporter à nouveau une crise et avec plus d’intensité ? C’est là que l’on revient sur l’importance des gilets jaunes, le mouvement social français.

Après plus de six mois, des dizaines de milliers de Français continuent de se mobiliser chaque samedi. Dernièrement, la participation a diminué. Et alors ? Tout le monde n’est pas prêt à risquer sa vie. Fin avril, les dégâts causés par le mouvement étaient les suivants : un mort, 248 blessés à la tête, 23 personnes ayant perdu un œil, 5 personnes mutilées aux mains ou aux doigts, des milliers arrêtées et des dizaines de milliers gazées et maltraitées par une violence policière inhabituelle qui ne respecte ni journalistes ni vétérans.

La police de Macron a utilisé des grenades explosives anti-émeutes (GLI-F4) et des projectiles en caoutchouc (LBD40) qui ont permis à Amnesty International, à la Ligue des droits de l’homme et à la Commission des droits de l’homme des Nations unies dirigée par Michelle Bachelet de se positionner. La réaction des médias français à l’alarme de Bachelet a battu tous les records de pathos. Macron tente de renforcer le pouvoir exécutif et d’institutionnaliser une sorte d’état d’urgence policière permanent avec une majorité parlementaire aussi écrasante qu’il y paraît, car son soutien social est faible.

Six mois plus tard, des millions de Français, qui ne descendent pas dans la rue, soutiennent ce mouvement malgré la forte pression médiatique dont ils ont fait l’objet, les élections européennes vont-elles changer cette situation ? La réponse est un « non » retentissant. Le danger d’un nouveau krach financier perdurera et le précédent d’une mobilisation sociale française potentiellement contagieuse se poursuivra également.

« Le mouvement des Gilets Jaunes n’a plus de débouché politique », a dit M. Macron.

Comme Merkel, le président français a raison quand il a tort, parce que lorsque les banques chuteront à nouveau, nous pourrions voir ce mouvement décider – non pas aux urnes, mais dans la rue – d’une crise de régime en France et se propager sur tout le continent. Le fusible est allumé et ces élections ne changent rien à cette situation.

Traduit par Réseau International

La réélection de Narendra Modi en Inde réjouit la Chine

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La réélection de Narendra Modi en Inde réjouit la Chine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Narendra Damodardas Modi est membre du Bharatiya Janata Party BJP, un parti nationaliste hindou qui se réfère à l'Hindutva, il est Premier ministre de l'Inde depuis le 26 mai 2014.  A la tête du BJP, il a remporté le 21 juin 2019 les élections législatives, pour un second mandat de cinq ans. Il sera donc à nouveau Premier ministre.

On aurait pu penser que la Chine, très grande puissance voisine, aurait considéré ce succès avec circonspection. Modi a longtemps été proche des Etats-Unis et a accepté d'eux des aides militaires importantes. Aujourd'hui encore, il évoque le Cependant, ces dernières années, il s'était rapproché de la Chine, ainsi d'ailleurs que de la Russie, au sein d'une démarche géopolitique commune dans le cadre du Brics. Sa réélection satisfait les commentateurs politiques en Chine.

On y rappelle que Modi avait rencontré dans des sommets informel l'année dernière respectivement Xi Jinping à Wuhan et Vladimir Poutine à Sochi. Ils s'étaient respectivement rendu compte qu'ils pouvaient travailler ensemble de façon constructive. Modi avait par la suite compris qu'il pouvait très bien séparer la coopération économique de conflits politiques éventuels. Ainsi il avait rejoint récemment l'Asian Infrastructure Investment Bank malgré l'opposition des Etats-Unis et du Japon, tout en réaffirmant une politique stricte de non-alignement.

Lors des affrontements récents entre l'Inde et le Pakistan, Pékin avait joué un rôle modérateur apprécié en rappelant aux deux pays qu'ils pouvaient et devaient coopérer dans le domaine du commerce, de l'économie et de la lutte contre le terrorisme islamique, notamment comme membres l'un et l'autre de l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le développement constant du commerce entre l' Inde et Chine, Delhi diminuant progressivement son déficit, est un puissant facteur de rapprochement. Il en est de même de leur participation commune au sein du Financial Action Task Force , organisation internationale dont le siège est à Paris et dont l'objectif est de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

On sait par ailleurs que la Chine et l'Inde partagent désormais des politiques communes de contrôle des naissance, afin d'éviter de voir leur population d'environ 1 milliard de personnes chacun, déjà excessive au regard des ressources actuelles, s'accroître encore. Ceci sera un puissant facteur de rapprochement en terme philosophique et religieux.

Une nouvelle fois, nous devons regretter que les Européens ne cherchent pas suffisamment à développer de liens politiques et économique « gagnants-gagnants » au sein du couple formé dorénavant par Delhi et Pékin. Ceci serait certainement bien accueilli de part et d'autre.


 

dimanche, 26 mai 2019

L’Inde et les Nouvelles routes de la soie

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L’Inde et les Nouvelles routes de la soie

par Solweig Ogereau
Ex: http://geolinks.fr

« Le ciel et l’océan d’Asie sont assez grands pour que le dragon et l’éléphant dansent ensemble, ce qui amènera à une véritable ère asiatique », a dit un diplomate chinois à la Conférence sur les Nouvelles routes de la Soie à Bombay en 2017[1]. Démontrant ainsi l’importance pour la Chine d’une participation indienne qui légitimerait la devise de Xi Jinping : « l’Asie pour les Asiatiques ».   

    
Il y a quelques années, la « One Belt One Road », a pris le nom de « Belt Road Initiative », afin de corriger l’impression d’une route unique qui courrait à travers l’Eurasie et l’Océan Indien[2]. Cette initiative est le plus souvent dénommée « Nouvelles routes de la Soie » en français. Il s’agit en réalité d’un réseau de coopération régional, initié par les Chinois, avec des projets d’envergure mondiale, qui devrait traverser 65 pays. Ces projets de connectivité et d’infrastructure cherchent à connecter la Chine à ses voisins asiatiques, et d’accéder à l’Europe via l’Asie Centrale et l’Océan indien. Pour ce faire, voies ferroviaires, routes et ports devraient être construits ou modernisés. Il s’agit en réalité de rassembler en un grand programme différentes initiatives qui lui précèdent. Pour autant, les discussions se font principalement sur un mode bilatéral[3]


            L’Inde se trouve directement sur les Nouvelles routes de la Soie. Pour certains[4], il s’agit d’une opportunité pour l’Inde, qui serait à même de choisir les projets qui créeraient des bénéfices durables (notamment dans le Nord-Est de l’Inde), tout en rejetant ceux qui seraient entièrement à l’avantage de la Chine. « L’éléphant » serait en effet l’un des rares pays à avoir une économie et un régime politique suffisamment forts pour résister aux désirs hégémoniques du « dragon ».     


            Cette vue n’est néanmoins pas celle de la majorité des hommes politiques indiens, qui s’inquiètent aujourd’hui des conséquences de cette poussée chinoise. En effet, les Nouvelles routes de la Soie menacent directement l’Inde sur son territoire, et semblent se resserrer en étau autour du pays. L’Inde attaque la Chine sur son manque de transparence avec le soutien européen, américain, et asiatique et africain dans une certaine mesure, mais il est peu probable que cela suffise, d’où le lancement d’initiatives indiennes et de coopérations dans la région.

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I/ Un passage controversé par le Cachemire et un encerclement régional

Le projet est particulièrement controversé sur la partie nord-ouest de l’Inde avec le « China Pakistan Economic Corridor » (CPEC). Ce projet de couloir économique est constitué de prêts et d’investissements qui pourraient atteindre la somme de 60 milliards de dollars, sur une distance de 2700 km[5]. Ce réseau est un ensemble d’autoroutes, de lignes ferroviaires, d’oléoducs, de ports, et de parcs de technologie de l’information[6]. Il s’étend de la préfecture de Kashgar (dans la région chinoise du Xinjiang) jusqu’au port de Gwadar (province du Baloutchistan au Pakistan), permettant un accès à la mer d’Arabie. Or, ce couloir passe par un territoire indien et occupé illégalement par le Pakistan depuis de nombreuses années[7]. Si l’on peut considérer, comme le fait Talmiz Ahmad[8], que cela permettra de développer le Pakistan et donc de réduire les causes de l’extrémisme, il n’en demeure pas moins que la souveraineté de l’Inde est mise à mal, et cela renforce la position du Pakistan sur ce territoire. Il ne faut pas oublier que la Chine estime avoir droit au Ladakh, dans la région du Jammu et Cachemire, ce qui rend les Indiens d’autant plus soupçonneux vis-à-vis du CPEC. En outre, et nous y reviendrons, le risque persiste de voir les Chinois transformer ces installations civiles en base navale militaire.

Ce projet a rencontré de nombreuses critiques au sein même du Pakistan, notamment car il risque de réveiller des tensions entre le centre et les unités fédérées, mais aussi au sein mêmes des provinces. Cela est dû aux inégalités que le CPEC risque de causer en ce qui concerne le développement économique et la distribution des ressources[9]. Il est par ailleurs probable que le Penjab pakistanais soit le principal bénéficiaire des projets d’infrastructure et industriels, alors même qu’il s’agit déjà de la province la plus riche et la plus influente du pays sur le plan politique. Mais même là, les Penjabi résisteront sans doute à l’achat de leurs terres par l’Etat. 

            La situation au Baloutchistan semble tout aussi compliquée en raison des sentiments qui y règnent déjà d’une exploitation et d’un abandon de la part du pouvoir central. La province ne recevra en outre aucun des bénéfices directs du port de Gwadar, et la colère des habitants n’en devient que plus plausible, d’autant que la zone devient hautement militarisée et que les locaux sont déplacés et privés de leur lien vital à leurs terres. Le CPEC ne résoudrait donc en rien les problèmes considérés comme à la racine du problème extrémiste, contrairement à ce qu’espère Talmiz Ahmad, puisque cela pourrait, au contraire, accentuer les inégalités.

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            En vérité, le CPEC ne constitue que l’un des aspects de la menace chinoise pour l’Inde à travers ce projet. Six des pays voisins ont ainsi signé des accords avec la Chine : le Pakistan donc, mais aussi Sri Lanka, le Bangladesh, le Népal, la Birmanie, et l’Afghanistan. Il n’est pas surprenant, dans ce contexte, que l’Inde voie d’un très mauvais œil ce projet. Ces pays ont un réel besoin d’infrastructure, et apprécient une aide économique non-conditionnée par des engagements de gouvernance ou de transparence[10].

            L’un des aspects qui inquiètent le plus l’Inde est en vérité la présence chinoise dans l’Océan Indien. Ses agissements en Mer de Chine méridionale, notamment la construction d’îles[11], pourraient être reproduits. Dans la mesure où Beijing a officiellement établi à Djibouti sa première base militaire à l’étranger en 2017[12], ces inquiétudes ont tendance à se confirmer. Ainsi, la crainte de voir le port de Gwadar se transformer en base navale militaire grandit. Des ports sont également construits en Birmanie, à Sri Lanka. Des sous-marins chinois ont même accosté au Pakistan et à Sri Lanka[13]. Le port sri lankais de Hambantota est d’ailleurs le parfait exemple de la stratégie chinoise : son emplacement stratégique, son financement chinois dont le remboursement est insoutenable pour le pays d’emprunt, et finalement la cession du port et de plus de 6000 hectares alentours pour 99 ans en 2017[14]. L’accord avec la Chine aurait en outre inclus un échange de renseignement dès le départ[15].

II/ Le gouvernement de Modi a fait appel au besoin de transparence et d’égalité 

Pour faire face à ce défi, l’Inde a appelé à ce que les projets transnationaux suivent « des normes internationales universellement reconnues, l’Etat de droit, la transparence et les standards internationaux »[16] – une remarque qui fait clairement référence aux Nouvelles routes de la Soie. En effet, il devient évident que les projets sont unilatéraux : non seulement l’endettement envers la Chine n’est pas viable pour les pays ayant contracté des prêts, mais les transferts de compétences semblent inexistants puisque des travailleurs chinois sont envoyés sur place, n’offrant donc aucun emploi aux locaux[17]. En outre, des études de faisabilité au sujet du port sri lankais précité avait estimé que le port ne fonctionnerait pas, et se sont avérées juste puisque 34 bateaux seulement s’y sont rendus en 2012 (contre 3667 dans le port de Colombo, selon le rapport annuel du ministère des Finances cité par Maria Abi-Habib)[18]. Or, tandis que l’Inde avait refusé, la Chine a proposé des prêts, à des taux plus importants que n’importe quel autre prêteur[19]. Ces pratiques sont aussi considérées comme alimentant la corruption (notamment la campagne du président ayant accepté l’accord chinois dans le cas de Ceylan) et les comportements autocratiques dans des démocraties en difficulté[20].

            Les reproches exprimés par l’Inde sont soutenus non seulement par l’Europe, mais aussi par les Etats-Unis, le Japon, et l’Australie. S’il est vrai que l’Italie et les pays de l’Est sont particulièrement courtisés par Pékin, toute l’Union européenne est concernée, et elle essaie actuellement de faire front commun[21].

Ces critiques sont également de plus en plus virulentes au sein des organisations internationales et des pays asiatiques et africains, qui commencent à résister à la Chine. Ainsi, au Bangladesh, China Harbour devrait être interdit de contrats futurs en raison d’accusations de corruption envers cette entreprise, qui aurait tenté de soudoyer un fonctionnaire au ministère des Routes[22]. De la même façon, la société-mère, China Communications Construction Company avait été interdite de participer à des projets de la Banque mondiale pour huit ans en 2009, après des actes de corruption aux Philippines[23].

Les accords avec la Chine commencent même à se retourner contre les gouvernements impliqués lors d’élections. En Malaisie, le nouveau Premier Ministre a été élu après avoir remis en cause les investissements chinois dans la campagne – et a annulé un projet de route ferroviaire à 20 milliards de dollars et plusieurs projets de gazoducs et d’oléoducs d’une valeur de 3 milliards de dollars[24]. Aux Maldives, le nouveau Ministre des Finances a remis en cause la préférence chinoise du Premier Ministre, et s’est tourné vers l’Inde[25]. En Afrique, enfin, certains pays annulent ou ralentissent les projets, à cause des énormes dettes qui les accompagnent[26].

L’aspect environnemental, souvent oublié, doit pourtant être pris en compte, et est source d’inquiétudes pour les ONG comme les think tanks : les projets proposés par la Chine auront en effet un impact considérable sur les zones concernées. Ceci est particulièrement vrai du fait que les principaux corridors d’infrastructure traverseront des espaces sensibles écologiquement, et les routes et voies ferroviaires vont mettre en danger les plantes et les animaux des écosystèmes aux alentours. Plus de 265 espèces en danger seraient affectées, et l’accès à des zones reculées jusqu’ici pourrait augmenter le risque de braconnage[27]. Les nouvelles routes de la Soie seront, en outre, un moyen pour la Chine d’exporter une économie qui s’appuie sur les énergies fossiles[28] – dont on connaît déjà les effets néfastes. Pour autant, le pays produit également nombre de technologies liées aux énergies renouvelables, terrain sur lequel elle est en compétition directe avec l’Inde. Le gouvernement Modi a d’ailleurs imposé des taxes à l’importation des panneaux solaires chinois, mais cela ne suffira sans doute pas, là encore, à contrer son rival.

III/ L’Inde doit, pour faire face au désir d’expansion chinoise, créer ses propres projets de coopération

            Il est évident, au regard du défi qui se pose à l’Inde, qu’elle doit réagir. S’il est vrai que ses voisins cherchent à contrebalancer les deux puissances, ils semblent aujourd’hui se détourner du projet chinois, et cela peut constituer une opportunité pour la République indienne.

            Le Japon, les Etats-Unis, l’Union européenne ou encore les Emirats arabes unis ont démontré un intérêt à travailler avec l’Inde en Afrique, afin de contrer la Chine et d’éviter l’endettement de ces pays[29]. Une coopération avec le Japon, en particulier, semble se développer, à travers le Asia Africa Growth Corridor. Ils pourraient notamment travailler ensemble sur des projets en Birmanie, à Sri Lanka et au Bangladesh[30].

L’Inde pourrait également investir davantage dans le groupe BIMSTEC (Bay of Bengal Initiative for Multi-Sectoral Technical and Economic Cooperation). Etabli en 1997 avec l’intention d’organiser des sommets tous les deux ans, il n’a pourtant vu que trois sommets en deux décennies. Le contexte géopolitique régional a néanmoins relancé une certaine dynamique au sein de ce groupe régional, qui inclue l’Inde, le Bangladesh, le Boutan, la Birmanie, le Népal, Sri Lanka et la Thaïlande. Les secteurs de coopération sont nombreux, puisqu’ils comprennent le commerce, la technologie, l’énergie, le transport, le tourisme, la pêche, l’agriculture, la santé, la lutte contre la pauvreté, le contre-terrorisme, l’environnement, la culture, les contacts entre les peuples et le changement climatique[31]. Des programmes tels la voie ferroviaire trilatérale entre l’Inde, la Birmanie et la Thaïlande et le projet Kaladan, qui permet un accès à la mer pour les États du nord-est de l’Inde via Myanmar, par exemple, doivent encore être finalisés[32]. Il faudra pour cela parvenir à convaincre le Népal et la Thaïlande, qui n’ont pas voulu envoyer plus que des observateurs au premier exercice militaire du groupe afin de ne pas contrarier la Chine[33], que cette coopération est également dans leur intérêt.

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Il est tout aussi crucial pour l’Inde de s’assurer que les régions isolées du sous-continent soient mieux connectées à l’ensemble du pays. En effet, un certain nombre de capitales des États du nord-est ne bénéficient ni de ligne ferroviaire pour accéder à leur capitale[34], ni internet : seule 35% de la population de ces États aurait accès à internet[35]. Ainsi le gouvernement a annoncé en 2017 son intention de construire l’« Himalayan rail-express », une ligne ferroviaire rapide qui devrait relier Leh (Jammu et Cachemire) à Hawai (Arunachal Pradesh)[36]. La région du Ladakh au Cachemire fait elle aussi l’objet d’influences chinoises, par la voie de la restauration de monastères bouddhistes, méthode qu’elle emploie également au Tibet[37]. Il faut noter que la visite du Dalai Lama en Arunachal Pradesh a causé des remous[38], et il n’est pas impossible que ce haut lieu du bouddhisme tibétain (où le sixième Dalai Lama est né) fasse l’objet de tentatives d’actions similaires à celles dévoilées au Cachemire.

Dans un tel contexte de tensions et de jeux d’influence, il est aisé de comprendre les réticences de l’Inde vis-à-vis du projet chinois des Nouvelles routes de la Soie. Cette initiative apparaît de plus en plus clairement comme unilatérale, au seul avantage de la Chine. Il est vrai que cette dernière essaie d’impliquer l’Inde, ce qui lui permettrait d’éviter la confrontation. Mais le rival historique ne semble pas près de se laisser convaincre, pour les multiples raisons que nous avons pu évoquer, et qui concernent sa sécurité sur les plans internes comme externes. Dans ce contexte, la coopération avec ses voisins tout comme avec d’autres puissances semble primordiale pour l’Inde.

Cela ne signifie pas une confrontation directe entre les deux puissances asiatiques – elles auraient toutes deux beaucoup à perdre. Elles travaillent d’ailleurs ensemble sur d’autres projets : c’est le cas en Afghanistan. En octobre 2018, elles ont ainsi lancé un programme de formation pour des diplomates afghans, et cela devrait être suivi d’autres projets[39].


Notes:

[1] AHMAD Talmiz, « India needs to take a fresh look at the Belt and Road Initiative Proposal », The Wire, 2 juillet 2018.

[2] Art. Cit.

[3] BARUAH Darshana M. , « India’s answer to the Belt and Road: A Roadmap for South Asia », Carnegie India, 21 août 2018.

[4] SHAHANE Girish, « India stands to gain the most and risks the least by joining China’s One Belt One Road initiative », Scroll.in, 14 juillet 2018

[5] International Crisis Group, « China-Pakistan Economic Corridor: Opportunities and Risks », Rapport n°297, 29 juin 2018.

[6] BARUAH D. M. , art cit.

[7] Ibid.

[8] AHMAD Talmiz, art. cit.

[9] International Crisis Group, doc. cit.

[10] MARLOW Iain, LI Dandan, « How Asia Fell Out of Love With China’s Belt and Road Initiative », Bloomberg, 10 décembre 2018.

[11] COURMONT Barthélémy, « Mais que se passe-t-il en mer de Chine méridionale ? », IRIS, 27 août 2018.

[12] BARUAH D. M. , Ibid.

[13] Ibid.

[14] ABI-HABIB Maria, « How China Got Sri Lanka to Cough Up a Port », New York Times, 25 juin 2018.

[15] Art. cit.

[16] SIROHI Seema, « India-US-EU Combine Halts China’s Belt and Road Initiative at the UN », The Wire, 12 décembre 2018.

[17] Art. cit.

[18] ABI-HABIB M., art. cit.

[19] Ibid.

[20] Ibid.

[21] RFI, « L’Europe s’interroge sur sa position face aux ambitions économiques de la Chine », 23 mars 2019.

[22] Art. cit.

[23] Ibid.

[24] MARLOW I., LI D., art. cit.

[25] Ibid.

[26] CHAUDHURY Dipanjan Roy, « Europe, Japan, US, UAE prefer India for joint infrastructure projects in Africa », Economic Times, 24 novembre 2018.

[27] LA SHIER Brian, « Exploring the Environmental Repercussions of China’s Belt and Road Initiative », Environmental and Energy Study Institute, 3 octobre 2018.

[28] Doc. cit.

[29] CHAUDHURY D.R., art. cit.

[30] SINGH Gurjit, « India, Japan and the Asia Africa Growth Corridor », Gateway House, 17 janvier 2019.

[31] India Today Web Desk, « What is BIMSTEC summit? Facts you need to know », India Today, 30 août 2018.

[32] HUSSAIN Nazia, « Can BIMSTEC Finally Become Relevant? », The Diplomat, 2 novembre 2018.

[33] HAIDAR Suhasini, PERI Dinakar, « BIMSTEC embarrassment for India », The Hindu, 11 septembre 2018.

[34] HAIDAR Faizan, « By 2020, capitals of all northeastern states to have rail connectivity », Hindustan Times, 10 mai 2018.

[35] KALITA Prabin, «Northeast states lag behind in internet, mobile connectivity », Times of India, 18 décembre 2018.

[36] BARUAH D. M., Ibid.

[37] PATIL Sameer, « China targets India’s Ladakh », Gateway House, 21 juin 2018.

[38] Press Trust of India, « Dalai Lama’s Arunachal Pradesh visit negatively impacts border dispute, says China », Economic Times, 12 juillet 2018.

[39] MIGLANI Sanjeev, « India, China launch joint training for Afghanistan, plan more projects », Reuters, 15 octobre 2018.

Références

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SIROHI Seema, « India-US-EU Combine Halts China’s Belt and Road Initiative at the UN », The Wire, 12 décembre 2018. URL : https://thewire.in/diplomacy/india-china-belt-and-road-un.... Consulté le 5 avril 2019.

samedi, 25 mai 2019

Les routes de la soie au prisme du néo-eurasisme de Douguine : retour de Béhémoth ou triomphe du Léviathan ?

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Les routes de la soie au prisme du néo-eurasisme de Douguine : retour de Béhémoth ou triomphe du Léviathan ?

 
Ex: http://www.geolinks.fr

« La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir

Vladimir Poutine, mai 2017

« L’histoire mondiale est l’histoire de la lutte des puissances maritimes contre les puissances continentales et des puissances continentales contre les puissances maritimes »

Carl Schmitt, 1942

Au cœur de la stratégie politique et commerciale internationale de la Chine depuis 2013, le système multi-vectoriel de projets des nouvelles routes de la soie (appelé officiellement Belt and Road Initiative, BRI1 depuis mai 2017), qui souhaite connecter les économies chinoises, européennes, africaines et centre-asiatiques par une densification des réseaux d’infrastructures de transports et de communication, se concrétise chaque jour un peu plus sérieusement. Avec ses différents volets (construction d’infrastructures terrestres et maritimes, coopération économique, énergétique et sociétale), c’est sans doute l’entreprise la plus ambitieuse au monde et, au vu du potentiel de développement économique et des implications géopolitiques qu’elle comporte2, elle suscite de plus en plus de partenariats.

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Les réseaux ferroviaires eurasiatiques des Routes de la soie3

Le 9 avril dernier s’est ainsi tenu à Bruxelles le 21ème sommet Chine-Union Européenne, occasion pour l’UE de déterminer une position commune vis-à-vis de la BRI et de discuter des synergies possibles avec son plan européen de connectivité Europe-Asie4, alors que, l’une après l’autre, les nations européennes signent bilatéralement des engagements dans le projet5.

Bien plus que les timides rapprochements des Européens, c’est la perspective de l’édification d’un axe Moscou-Pékin autour de cette initiative qui soulève les analyses géopolitiques les plus audacieuses : Ressurgirait la vieille menace, préfigurée par Mackinder en 1904 dans les propos concluants son « Pivot géographique de l’histoire »6, d’une Chine qui offrirait aux ressources immenses du continent une large façade océanique (ce qui caractérisait pour lui le véritable « péril jaune » menaçant la liberté du monde). En somme un « empire terrien eurasiatique » dominant le Heartland pourrait émerger et reléguer les puissances maritimes occidentales au second rang dans la rivalité générale pour la domination mondiale.Un tel traitement nous ramènerait aux fondamentaux de la discipline par une réappropriation de la dialectique Terre-Mer pour analyser le phénomène routes de la soie. Elle fascine toujours autant de par sa dimension symbolique et son caractère quelque peu réducteur, la rendant accessible au plus grand nombre.

Cela dit, il est vrai que depuis 2014 Russie et Chine ont opéré un rapprochement bilatéral notable7 et coopèrent de plus en plus activement au travers de la BRI : ainsi en mai 2015 fut-il décidé que l’initiative d’intégration continentale portée par la Russie, l’Union économique eurasiatique (UEE), y soit raccordée8 et en novembre 2017 la « route maritime du Nord » est devenue un des corridors de la BRI9. On relève aussi l’imbrication de l’initiative avec le développement de la coopération sino-russe au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS)10.

De facto, une certaine unification continentale dans l’espace eurasiatique semble donc s’esquisser11. Ceci pourrait alors confirmer la portée heuristique persistante de la clé de lecture Terre-Mer. Mais c’est surtout lorsque l’on entre dans une géopolitique des perceptions que cette dialectique conserve sa pertinence : Il existe en effet un paradigme géopolitique affirmant explicitement la nécessité pour la Russie de briser l’hégémonie des puissances maritimes et de reconstituer une unité politique sur la masse continentale eurasiatique, notamment en développant un partenariat stratégique avec la Chine. Cette vision est portée par les auteurs constituant le mouvement d’idée du néo-eurasisme12. C’est une doctrine très en vue en Russie mais aussi dans d’autres États d’Asie Centrale, notamment au Kazakhstan où l’(ex-)président Nursultan Nazarbaev la soutient explicitement13.

Parmi les différents faisceaux composant le mouvement néo-eurasiste, un auteur se distingue : Alexandre Douguine14. Sa pensée, bien que plus marginale aujourd’hui, a connu ses heures de gloire et continue d’inspirer une partie des élites dirigeantes russes, tout en nourrissant bien des fantasmes chez les commentateurs étrangers15. S’il est issu de la pensée eurasiste classique, il y adjoint des filiations intellectuelles peu habituelles qui singularisent ses propositions, les amenant dans un registre métapolitique, métahistorique et culturaliste : Le monde des phénomènes n’est pour lui que le reflet des puissances archétypales qui le meuvent depuis l’invisible et sa pensée s’inscrit dans la bataille gramscienne16 pour l’« hégémonie culturelle »17.

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Alexandre Douguine, le « prophète de l’Eurasisme »18

Les analyses ne manquent pas pour venir questionner les convergences et les limites des projets russes et chinois au-regard des ambitions géopolitiques eurasistes, mais elles s’inscrivent généralement sur des plans stratégique, économique, financier, juridique. Dans cette étude, nous souhaiterions sortir de l’empire des faits pour plonger plus profondément dans le monde des idées. Nous proposerons une lecture du phénomène nouvelles routes de la soie à travers le prisme de la doctrine géopolitique d’Alexandre Douguine, en essayant de nous approprier son discours original, structurant la vision-du-monde de certains acteurs impliqués dans le complexe de la BRI.

Nous nous demanderons donc si la Belt and Road Initiative participe de la constitution d’un bloc continental eurasien face à la thalassocratie atlantiste compatible avec les fondamentaux proposés par Alexandre Douguine pour la politique étrangère russe.

Nous exposerons synthétiquement les contenus de la doctrine géopolitique douguinienne et nous verrons que si les projets de la BRI s’inscrivent bien dans un renversement de la hiérarchie des puissances à l’échelle globale marqué par une revalorisation de l’« île mondiale » – donc à un balancement au profit de la Terre –, l’initiative pourrait constituer, sur un plan plus culturaliste, une submersion du continent par la Mer.

Les fondamentaux de la géopolitique d’Alexandre Douguine : la dialectique Terre-Mer revisitée par la « pensée de la Tradition »

Alexandre Douguine s’inscrit dans une filiation géopolitique a priori classique, à la suite de Ratzel (1882, 1900), Mahan (1892), Castex (1935), Mackinder (1904), Spykman (1944), puisqu’il reprend la récurrente opposition Terre-Mer : « La civilisation thalassique, anglo-saxonne […] serait irréductiblement opposée à la civilisation continentale, russe-eurasienne »19, et le cœur de leur affrontement serait le contrôle du Rimland20. Il a surtout hérité des conceptions allemandes, adoptant un prisme foncièrement culturaliste21 : Il associe comme intrinsèques à la civilisation thalassique les attributs de « protestante, d’esprit capitaliste » tandis que la civilisation continentale serait « orthodoxe et musulmane, d’esprit socialiste ». Il figure parmi les tenants d’une approche plutôt déterministe de cette dichotomie, prise non seulement comme clé de compréhension de la politique au niveau global mais aussi comme véritable « explication de l’histoire ». C’est là toute l’originalité de notre auteur, puisqu’il établit un parallélisme entre cette dichotomie, devenue classique en géopolitique, et la dialectique Tradition-Modernité.

Ce second couple conceptuel n’est pas appréhendé selon ses présentations dans la littérature anthropologique ou sociologique, mais entendu selon l’acception originale portée par une école parfois qualifiée de « pensée de la Tradition »22 qui présente des catégories de pensée très éloignées de celles que l’on rencontre habituellement dans le monde académique contemporain et déployée à la suite de l’œuvre du Français René Guénon. La Tradition renvoie chez ces auteurs « traditionistes »23 à une « Sagesse Éternelle » (Sophia Perennis), une connaissance sacrée, immuable et transcendante transmise aux hommes depuis l’origine de l’humanité. Cette Tradition connaîtrait cependant nécessairement un processus d’obscurcissement à travers les âges (afin que toutes les possibilités de l’Être se manifestent, même les plus inférieures), l’avènement du monde moderne correspondant selon eux à la dernière étape de cette dégradation, une ère chaotique précédent la résorption du monde dans l’incréé – ce que l’on retrouve dans les traditions spirituelles comme étant la « fin des temps ». Pour de tels auteurs, la politique ou l’histoire n’ont de sens qu’en tant qu’elles révèlent l’incarnation de principes métaphysiques – ou archétypes – c’est pourquoi nous évoquions en introduction les termes de métapolitique24 et de métahistoire.

Douguine reprend ces conceptions et s’inscrit parmi ces auteurs traditionistes : Chez lui, la puissance maritime « atlantiste » représenterait les forces de dissolution entraînant le monde moderne vers le chaos, tandis que l’Eurasie aurait pour vocation d’être le bastion de la Tradition, le katechon paulinien25 résistant à la venue des Temps. Ainsi dans son œuvre « l’eschatologie se mêle à la géopolitique », puisqu’il la déploie à partir de postulats visant à se positionner politiquement en fonction des fins dernières de l’homme et des entités politiques. Ce prisme métaphysique l’amène à étudier la politique, l’histoire ou la géographie seulement à travers les principes supérieurs qu’elles incarnent. La Russie et les puissances eurasiatiques deviennent l’incarnation de l’archétype structurant « Terre » (Béhémoth), représentant la Tradition, tandis que les stratégies des États-Unis et de leurs alliés sont lues comme faisant le jeu de l’archétype dissolvant « Mer » (Léviathan), associé aux idéologies modernes. Depuis ces postulats, Douguine propose de « constituer un grand bloc continental eurasien » (versant géopolitique) qui se veut « une force intégratrice, un esprit de renaissance »26 (versant eschatologique) en vue d’édifier un modèle multipolaire pour le système international.

Afin de réaliser cette ambition il propose dès les années 1990, en tant qu’« impératif stratégique majeur » pour la Russie, d’intégrer les pays de la CEI dans une Union Eurasienne fédéraliste : « une seule formation stratégique, unie par une seule volonté et par un seul but de civilisation commune »27. À partir de cette base, il appelle cette entité eurasienne à se rapprocher de ses « partenaires naturels » car en situation de « complémentarité symétrique » avec la Russie : UE, Japon, Iran, Inde. Ceux-ci pourraient devenir de véritable « sujets » des Relations internationales et de la mondialisation s’ils participaient à la sortie du système uni-polaire américano-centré (dans lequel ils n’en seraient que des « objets ») pour construire ensemble la multipolarité. Leur partenariat avec la Russie serait pour Douguine gagnant-gagnant, un renforcement mutuel, étant donné qu’ils ont chacun des éléments vitaux à échanger. D’autres formations géopolitiques intéressées par la multipolarité seraient ensuite encouragées à appuyer ce projet de ré-agencement du système international : Chine, Pakistan, pays arabes… alors que le Tiers-Monde serait plutôt partagé en zones d’influence pour des champions régionaux (le Pacifique constituerait la zone d’influence nippone, l’ Afrique la zone d’influence européenne… ici aussi on retrouve l’influence de l’école géopolitique allemande et des pan-ideen de Haushofer). La thalassocratie étasunienne serait quant à elle refoulée dans l’espace américain (sa zone d’influence naturelle). Ainsi aurait-on des entités géopolitiques puissantes avec leurs zones d’influences propres et un certain équilibre entre les pôles. Cet équilibre multipolaire permettrait alors à la puissance tellurique de laisser se redéployer la Tradition.

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Schématisation du projet eurasiste d’organisation du système international28

La question que nous poursuivons ici est de savoir si la BRI serait pour Douguine un vecteur potentiel pour ses propositions. Participe-t-elle de l’élan vers la « multipolarité traditionnelle » qu’il appelle de ses vœux ? Voyons alors quels élément dans les projets des nouvelles routes de la soie peuvent être décryptés comme participants des ambitions telluriques néo-eurasistes de réagencement du système international dont nous connaissons maintenant les fondamentaux.

La BRI, facteur d’intégration eurasiatique dans le cadre d’une redistribution globale des cartes de la puissance : quelle compatibilité avec le projet multipolaire néo-eurasiste ?

Vers la multi-polarisation

De prime abord, on peut considérer la BRI comme s’inscrivant dans une stratégie d’émancipation de l’uni-polarité américano-centrée. Comme évoqué en introduction, la BRI vise à développer des lignes de communication routières, ferroviaires et maritimes pour relier la Chine à l’Europe et à l’Afrique orientale, via l’Asie Centrale, le Caucase, la Russie, l’Iran, la Turquie… Couplée avec les initiatives menées dans l’OCS et l’UEE, l’initiative s’imbrique donc dans une stratégie générale d’intégration du Rimland avec la masse eurasiatique29, passant outre les instances multilatérales et les canaux de communications ouverts et normés par les États-Unis.

Ces ambitions pourraient donc bien conduire à la définition de normes non-américaines ou non-occidentales30. On le voit par exemple dans le système d’institutions financières élaboré pour financer les projets de la BRI : Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures, Fonds Routes de la soie, Nouvelle banque de développement des BRICS, associés à un appel aux fonds souverains des États impliqués dans le projet et aux banques commerciales, les projets se financeraient hors de l’orbite de la Banque mondiale (présidée depuis 1944 par un Américain) et du Fonds monétaire international, symboles de la domination internationale des normes américaines.

Vers la re-continentalisation

L’économie mondiale est à l’heure actuelle essentiellement dépendante des flux maritimes. Cette maritimisation des flux a conduit à une littoralisation des activités de production et donc de la démographie mondiale. En effet, puisqu’il faut exporter via les ports, les entreprises se sont rapprochées des côtes, entraînant alors des mouvements de population à la recherche d’emplois. La BRI, en faisant la part belle aux tracés terrestres, pourrait participer d’une re-continentalisation des supports logistiques de l’économie mondiale et, ce faisant, d’une re-continentalisation de ses pôles de productions.

C’est notamment le vecteur ferroviaire qui semble le plus porteur, grâce à une capacité d’emport supérieure et un coût inférieur de 80 % au transport aérien, pour des échanges deux fois plus rapide que par voie maritime31. Si 7500 conteneurs ont transité sur des trains intercontinentaux en 2012, l’objectif est de porter ce nombre à 7.500.000 pour 2020. Pour profiter de ces flux logistiques, de grandes entreprises telles Hewlett Packard ou Ford se sont déjà délocalisées depuis les côtes chinoises vers l’intérieur des terres pour se positionner sur ces lignes de trains prometteuses32.

Compatibilité de la BRI avec le projet néo-eurasiste : Multipolarité et continentalité ne suffisent pas, l’aspect culturel demeure le plus important

Ces dimensions, « terrestre » et multipolaire, semblent faire entrer la BRI en résonance avec les ambitions du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. À l’occasion du Belt and Road Forum de mai 2017, Vladimir Poutine a pu adopter la rhétorique néo-eurasiste en affirmant que grâce à des «formats d’intégration tels que la CEEA, l’OBOR, l’OCS et l’ASEAN, nous pouvons bâtir les bases d’un partenariat eurasien plus vaste» offrant une «occasion unique de créer un cadre de coopération commun qui va de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, pour la première fois dans l’histoire». Il ajoute «La Grande Eurasie n’est pas un arrangement géopolitique abstrait, mais, sans exagération, un projet à l’échelle civilisationnelle, tourné vers l’avenir.»33.

Pour autant, même si la BRI renforçait l’organisation multipolaire du système international, et à supposer que la Chine laissera une place à la Russie dans ce nouvel ordre malgré l’asymétrie de leur relation, cela ne toucherait pas l’essence du projet néo-eurasiste. Car, au vu de ce que nous avons esquissé plus haut concernant la pensée traditionnelle, dans la philosophie archétypale douguinienne ce n’est pas la forme qui importe mais le fond, l’esprit. Aussi sa critique de l’uni-polarité thalassocratique ne concerne pas tant la maritimisation de l’économie mondiale que l’esprit maritime qui uniformiserait le monde. C’est pourquoi même si on assistait au reflux de la thalassocratie américaine par la multi-polarisation du système international et à une re-continentalisation de l’économie et de la démographie, une maritimisation culturelle du continent pourrait avoir lieu (un changement du « morphotype » sans modification du « psychotype »).

Cet esprit maritime est caractérisé par Carl Schmitt, l’une des racines intellectuelles d’Alexandre Douguine, qui veut montrer (selon Alain de Benoist, préfaçant la dernière édition de Terre et Mer de Schmitt) la relation logique entre la vie maritime et le libre-échangisme, le capitalisme, le libéralisme, l’individualisme, le parlementarisme, le droit-de-l’hommisme, le constitutionnalisme34… De plus, la « société liquide » (Bauman, 2000) trans-nationaliste créée par la civilisation océanique marchande amènerait peu à peu au délitement du politique, à l’enfoncement dans le fluctuant, le mouvant, le nomade, le réticulaire, le transitoire, à la fragmentation des identités et des sociétés dans l’homogénéité des flots35. Ce sont ces caractéristiques qui sont accolées chez Douguine à la thalassocratie et à la modernité. Le combat eurasiste ne serait donc pas gagné si cette mentalité continuait de s’imposer aux esprits. La multipolarité sans le souffle de la Tradition et la verticalité de la Terre ne serait pas plus souhaitable pour le néo-eurasiste que le système actuel.

Or la BRI est imprégnée à un certain niveau par cette mentalité moderniste : esprit marchand, capitalistique, libre-échangiste et faisant une large place aux marchés financiers ; réticulation de l’espace eurasien, recherche de la vitesse, du mouvement transfrontalier plutôt que de l’ancrage (les marchandises, les capitaux, les travailleurs seront amenés à migrer) ; le tout étant porté par une Chine maoïste, et donc héritière des idées révolutionnaires de 1789, athée, technocratique, pragmatique.

Bien évidemment, les dimensions libérales et constitutionnalistes qui termineraient de caractériser l’esprit maritime sont absentes. Nous sommes essentiellement face dans l’espace eurasien à des puissances (semi-)autoritaires, des démocratures (Max Liniger-Goumaz, 1992) pour qui la souveraineté, le politique, l’Ordre et l’identité (caractéristiques telluriques) sont encore des valeurs importantes (c’est pourquoi Douguine accorde une certaine dimension « traditionnelle » à l’idéologie socialiste, pourtant moderne36). Néanmoins, si l’on suit les auteurs de tendance contre-révolutionnaire, l’esprit moderne-maritime s’est imposé en Occident parce qu’une caste marchande transnationale a pu se constituer et se renforcer jusqu’à s’imposer politiquement pour ensuite dissoudre peu à peu cet ordre politique. Aussi la BRI pourrait-elle donc être l’ouverture nécessaire à la constitution d’une telle caste dans l’espace eurasiatique qui viendrait à terme renverser les valeurs telluriques prônés par Douguine.

Conclusion

Nous avons eu pour but dans cette étude de caractériser le projet des nouvelles routes de la soie au regard de la dialectique Terre-Mer « pérennialiste » d’Alexandre Douguine, qui peut être prise comme un croisement des pensées de Carl Schmitt et de René Guénon. La question était donc de savoir si ces projets constituaient une opportunité pour l’acheminement vers un système international multipolaire accompagné d’une réaffirmation des principes telluriques traditionnels dans l’ordre international – une « domination culturelle » de Béhémoth – ou au contraire s’ils favorisaient l’ouverture vers une diffusion de la mentalité thalassique et moderniste à tout l’espace eurasiatique – le « triomphe » de Léviathan.

Nous avons vu que la coopération stratégique sino-russe autour de la BRI, dans l’hypothèse où la Chine maintiendrait un partenariat équitable envers la Russie, pourrait conduire à une multi-polarisation du système international, avec un continent eurasiatique autonome vis-à-vis de la thalassocratie étasunienne, ce qui constitue le premier versant (géopolitique) du projet néo-eurasiste d’Alexandre Douguine. Cependant, si l’on considère les choses en profondeur et d’un point de vue culturel, l’initiative pourrait porter les germes de l’esprit moderne-maritime qu’il pourfend, le versant eschatologique de son projet serait alors condamné. En vue de constituer ce front de la Tradition37 qu’il appelle de ses vœux, son combat pour l’hégémonie culturelle ne s’arrêterait pas là, il lui faudra encore proposer un modèle permettant d’intégrer les tendances marchandes modernes dans un ordre tellurique politique traditionnel à l’échelle continentale et de maintenir les ancrages identitaires des peuples eurasiatiques.

Ainsi, au regard des fondamentaux de la vision douguinienne, nous pensons que les projets de la BRI pourraient caractériser une véritable croisée des chemins pour les Relations internationales : En effet, l’initiative porte en elle l’opportunité de voir se réaffirmer un ordre du monde basé sur des principes différents de ceux de la mentalité moderne occidentale, tout en comportant le risque de voir cette mentalité se diffuser rapidement au sein du « cœur du monde ». Au-delà même de la perspective eschatologique supportée par Douguine, nous pouvons y voir un réel enjeu en matière de diversité culturelle mondiale : la tension entre différentialisme et uniformisation, représentée chez Schmitt ou Douguine par le combat entre Béhémoth et le Léviathan (la Terre et la Mer au plan non plus géographique mais presque purement mental), est bien réelle !

***

Au delà de cette étude particulière, l’influence de Douguine sur la politique mérite selon nous d’être questionnée et étudiée, cet auteur connaissant une visibilité certaine tant en Russie que dans certaines mouvances idéologiques ouest-européennes. Cependant, si son discours géopolitique rencontre un certain écho et peut emporter l’adhésion parmi les élites russes, l’aspect « gnostique » de ses théories reste bien plus marginal (car estimé irrationnel, idéaliste, hors des critères de la pensée moderne, ou incompris, de par sa difficulté d’accès pour le grand public). Aussi est-il probable que si en apparence le néo-eurasisme et la politique étrangère russe convergent, le dessein recherché soit tout autre : D’un côté nous aurions une politique étrangère réaliste, somme toute moderne bien que conservatrice mais utilisant par opportunité la rhétorique néo-eurasiste, de l’autre une vision traditionnelle métaphysique dont les ambitions ne sont portées que par une minorité restreinte. Nous pensons toutefois que des études politologiques sur l’influence de sa pensée dans le champ des idées et des mouvements politiques serait pertinentes.

Sur un plan plus théorique, une étude conceptuelle sérieuse du couple Tradition-Modernité, confronté avec la réalité empirique, pourrait également offrir selon nous une clé herméneutique intéressante pour la discipline géopolitique, cette dialectique entendue dans son sens guénonien renvoyant à des double-mouvements (différenciation-uniformisation, conservatisme-progressisme, ancrage-nomadisme…) que l’on peut retrouver au cœur de la plupart des rivalités de puissance dans l’espace mondial.

Notes:

1 En chinois, le programme s’intitule Yidai yilu, « Une ceinture, une route » (« One Belt One Road », OBOR). En anglais, l’expression officiellement utilisée par Pékin est toutefois Belt and Road Initiative (BRI).

2 Pour une présentation synthétique du projet, voir notamment : LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », Diplomatie, numéro 90, 2018/1, pp. 36-40.

3 Visible sur : « First Chinese Train Arrives in Tehran to Revive Silk Road », Strategic Demands Online, 15 février 2016. URL: https://strategicdemands.com/eurasia-newsilkroad/

4 Voir « 21e sommet Chine Union Européenne: vers plus de connectivité ! », OBOReurope, 11 avril 2019.
URL: https://www.oboreurope.com/fr/21e-sommet-chine-union-euro...,consulté le 11 avril 2019.

5 Ont déjà été signés des memorandums ou accords d’intégration entre la RPC et le Luxembourg, l’Italie, la Grèce, le Portugal, mais aussi la Lettonie, la Croatie, la Bulgarie ou Monaco. La Deutsche Bahn s’implique aussi financièrement, notamment par des investissement sur la principale ligne ferroviaire Pologne-Chine Voir « Qu’est que l’accord entre la Chine et l’Italie ? », OBOReurope, 24 mars 2019 (URL : https://www.oboreurope.com/fr/accord-chine-italie/, consulté le 11 avril 2019) et CLAIRET Sophie, « Pourquoi l’Europe risque de se perdre sur les nouvelles routes de la soie ? », GeoSophie, 6 janvier 2017 (URL : https://geosophie.eu/2017/02/05/pourquoi-leurope-risque-d..., consulté le 8 avril 2019).

6 MACKINDER Halford, « The Geographical Pivot of History », The Geographical Journal, vol. 23, 1904/4, pp. 421-437, p. 437 pour ces propos.

7 Voir BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017.

URL : https://www.diploweb.com/La-lune-de-miel-sino-russe-face-... consulté le 9 avril 2019.

8 Voir ALEXEEVA Olga, « Le partenariat stratégique Chine-Russie : une alliance durable ? », Areion 24 news, 25 janvier 2019.

URL : https://www.areion24.news/2019/01/25/le-partenariat-strat... consulté le 9 avril 2019.

9 Voir « La route polaire et l’initiative Belt and Road », OBOReurope, 7 novembre 2017 (URL: https://www.oboreurope.com/fr/route-polaire/, consulté le 10 avril 2019). Voir aussi BRUNEAU Michel, L’Eurasie. Continent, empire, idéologie ou projet, Paris, CNRS éditions, 2018, pp. 294-295.

10 Laquelle a une réalité géopolitique conséquente : elle vise à faire coopérer politiquement des pays représentants 2.758.000.000 d’habitants, 38% des approvisionnements en gaz naturel, 20% du pétrole, 40% du charbon et 50% de l’uranium disponibles sur la planète. Voir DUPUY Emmanuel, « Les nouvelles Routes de la Soie et l’Asie Centrale : l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en première ligne… », La Vigie, 16 novembre 2017 (URL : https://www.lettrevigie.com/blog/2017/11/16/les-nouvelles..., consulté le 4 avril 2019)

11 BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. URL : http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3..., consulté le 6 avril 2019.

12 L’expression néo-eurasisme distingue ces auteurs du mouvement d’idées qualifié d’eurasisme classique, héritier du mouvement slavophile du XIXème siècle et qui finira par se rapprocher de la « révolution conservatrice » allemande. Pour l’histoire intellectuelle de ces mouvements, voir notamment : MEAUX (de) Lorraine, La Russie et la tentation de l’Orient, Paris, Fayard, 2010, 436 pages ; DRESSLER Wanda (dir.), Eurasie : espace mythique ou réalité en construction ?, Bruxelles, 2009, Bruylant, 410 pages (particulièrement pp. 49-68 et 95-106) ; SEDGWICK Mark, Contre le Monde Moderne. Le traditionalisme et l’histoire intellectuelle secrète du XXème siècle, Paris, Dervy, 2008, 380 pages (particulièrement pp/ 287 et ss.).

13 LARUELLE Marlène, « Le néo-eurasisme russe. L’empire après l’empire ? », Cahiers du monde russe [En ligne], 42/1, 2001, mis en ligne le 01 janvier 2007, pp. 71-94.URL: https://journals.openedition.org/monderusse/8437#bodyftn2, consulté le 5 avril 2019.

14 Philosophe, géopoliticien, écrivain et militant politique, né le 7 janvier 1962 à Moscou.

15 Par ses théories et son apparence physique, Alexandre Douguine est régulièrement qualifié de « Raspoutine », de « conseiller occulte du Kremlin », nourrissant des analyses assez éloignées de la réalité de son influence et parfois teintées d’un esprit « complotiste ».

16 Le concept d’hégémonie culturelle a été pensé par Antonio Gramsci, qui a décrit comment une classe dominante faisait aussi reposer son pouvoir sur une domination culturelle, à travers des outils tels que l’école ou les médias. Il s’agit alors pour les forces d’opposition de conquérir les esprits en diffusant au maximum leurs idéologies avant de pouvoir renverser le rapport de domination (préalable sans lequel le nouveau pouvoir ne saurait être accepté par la population), d’où la formule utilisée de « bataille gramscienne ».

17 MOHAMMEDI Adlène, « Le « néo-eurasisme » d’Alexandre Douguine : une revanche de la géographie sur l’histoire ? », Philitt, 4 juillet 2016. URL : https://philitt.fr/2016/07/04/le-neo-eurasisme-dalexandre... , consulté le 4 avril 2019.

18 Photographie publiée en ligne sur le site Geopolitica.ru. URL : https://www.geopolitica.ru

19 Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, pp. 16.

20 Définit par Spykman comme « une région intermédiaire située […] entre le Heartland (cœur du monde) et les mers périphériques […] vaste zone tampon de conflits entre la puissance maritime et la puissance terrestre. Orientée des deux côtés, elle doit fonctionner de manière amphibie et se défendre aussi bien sur terre qu’en mer », car « Celui qui domine le Rimland domine l’Eurasie ; celui qui domine l’Eurasie tient le destin du monde entre ses mains ». Voir SPYKMAN Nicolas, The Geography of the Peace, New York, Harcourt, Brace and Co, 1944, p. 43.

21 La dialectique Terre-Mer est appréhendée dans la littérature géopolitique de façon plus ou moins pragmatique – conception surtout présente chez les Anglo-saxons – ou plus ou moins culturaliste – appréhension plutôt rencontrée chez les auteurs Allemands.

22 Formulation retenue par Christophe Boutin, voir BOUTIN Christophe, Politique et tradition. Julius Evola dans le siècle (1898-1974), Paris, Éditions Kimé, 1992, 513 pages ; Id., « Tradition et réaction : la figure de Julius Evola », In., « Les pensées réactionnaires », Mil neuf cent, n°9, 1991, pp. 81-97.

23 Néologisme proposé par le philosophe Pierre Riffard pour éviter les confusions avec le terme de « traditionalistes », utilisé aussi pour parler de courants politiques ou religieux réactionnaires. Voir : RIFFARD Pierre, L’Ésotérisme, Paris, Robert Laffont, 2003 (1990), 1032 pages. On rencontre parfois le terme « pérennialistes », bien qu’il vise plutôt la frange du mouvement développée sur le continent nord-américain. Voir HOUMAN Setareh, De la Philosophia Perennis au pérennialisme américain, Milan, Archè, 2010, 622 pages.

24 Le mot métapolitique est « à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique […] la métaphysique de la politique » (MAISTRE Joseph (de), Considérations sur la France suivi de l’Essai sur le principe générateur des constitutions, Bruxelles, 2006 (1797), Éditions Complexe, p. 227), et vise à donner à une philosophie politique un fondement d’universalité par la référence à une vérité transcendante, le but étant d’orienter l’être et la société vers cette sphère, de traduire cette transcendance dans la réalité sociale en réfléchissant à l’organisation idéale de la Cité. Sous cette acception, le concept est à distinguer tant de la théologie politique (qui est le transfert de concepts théologiques dans le processus de construction de l’État) que du conservatisme (car il ne se réfère pas au passé mais à la métaphysique immuable, éternelle, supra-temporelle) ou de l’intégrisme (car il ne se réfère pas à une tradition spirituelle particularisée, mais à une Vérité absolue devant être supérieure à ces traditions). Voir BISSON David, René Guénon. Une politique de l’esprit, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2013, 527 pages, pp. 130 et s., qui utilise le triptyque infra-politique, politique, méta-politique comme clé méthodologique pour analyser l’impact de l’œuvre de Guénon.

25 Entité évoqué par l’apôtre saint Paul, le katechon est un être dont la nature n’est pas précisée et qui a pour vocation d’empêcher la venue de l’Antéchrist. Ce dernier ne peut se manifester pleinement tant que cette entité est dans le monde Voir dans la Bible les versets : 2 Thes. 2, 6-7.

26 Le Prophète de l’Eurasisme, op. cit, p. 19.

27 Ibid., p. 29.

28 Visible sur le site du mouvement EVRAZIA : http://evrazia.org/modules.php?name=News&file=article.... La carte 1 représente le monde unipolaire actuelle, la 2 la contre-stratégie que doit déployer la Russie pour briser l’uni-polarité, la 3 révèle les futures grandes zones d’influence souhaitées par le projet néo-eurasiste et la 4 les « grands espaces » géopolitiques au sein de ces zones.

29 STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, « La Chine et ses objectifs géopolitiques à l’aube de 2049 », in « Regards géopolitiques », Bulletin du Conseil québécois d’études géopolitiques, volume 2, n°1, printemps 2016, pp. 24-28.

30 GARCIN Thierry, « Le chantier – très géopolitique – des Routes de la soie », Diploweb, 18 février 2018.

URL : https://www.diploweb.com/Le-chantier-tres-geopolitique-de..., consulté le 10 avril 2019.

31 LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », op. cit.

32 FRANKOPAN Peter, Les Routes de la Soie. L’histoire du cœur du monde, Bruxelles, Éditions Nevicata, 2017, p. 622.

33 ESCOBAR Pepe, « Vladimir Poutine s’aligne avec Xi Jinping pour élaborer un nouvel ordre mondial (commercial) », RTFrance, 17 mai 2017.

URL : https://francais.rt.com/opinions/38470-vladimir-poutine-a..., consulté le 9 avril 2019.

34 Voir SCHMITT Carl, Terre et Mer (1942), Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2017, p. 63.

35 Ibid., p. 66-67.

36 De toute manière, selon les postulats métaphysiques retenus par les auteurs comme Douguine, il n’existe aucun étant « pur » : tout ce qui est manifesté est constitué d’un dosage entre les différentes polarités. Concrètement, il ne peut exister d’entité entièrement tellurique ou entièrement thalassique.

37 En référence à l’ouvrage : DOUGUINE Alexandre, Pour le Front de la Tradition, Nantes, Ars Magna, 2017.

 

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

––, Le Prophète de l’Eurasisme. Alexandre Douguine, Paris, Avatar Éditions, 2006, 349 p.

BISSON David, René Guénon. Une politique de l’esprit, Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2013, 527 pages

BRUNEAU Michel, L’Eurasie. Continent, empire, idéologie ou projet, Paris, CNRS éditions, 2018, 352 pages.

BOUTIN Christophe, Politique et tradition. Julius Evola dans le siècle (1898-1974), Paris, Éditions Kimé, 1992, 513 pages

DRESSLER Wanda (dir.), Eurasie : espace mythique ou réalité en construction ?, Bruxelles, 2009, Bruylant, 410 pages.

FRANKOPAN Peter, Les Routes de la Soie. L’histoire du cœur du monde, Bruxelles, Éditions Nevicata, 2017, 732 pages.

HOUMAN Setareh, De la Philosophia Perennis au pérennialisme américain, Milan, Archè, 2010, 622 pages.

MAISTRE Joseph (de), Considérations sur la France suivi de l’Essai sur le principe générateur des constitutions, 2006 (1797), Éditions Complexe

MEAUX (de) Lorraine, La Russie et la tentation de l’Orient, Paris, Fayard, 2010, 436 pages.

RIFFARD Pierre, L’Ésotérisme, Paris, Robert Laffont, 2003 (1990), 1032 pages.

SCHMITT Carl, Terre et Mer (1942), Paris, Pierre Guillaume de Roux, 2017, 240 pages.

SEDGWICK Mark, Contre le Monde Moderne. Le traditionalisme et l’histoire intellectuelle secrète du XXème siècle, Paris, Dervy, 2008, 380 pages.

SPYKMAN Nicolas, The Geography of the Peace, New York, Harcourt, Brace and Co, 1944, 66 pages.

Articles

BOUTIN Christophe, « Tradition et réaction : la figure de Julius Evola », in., « Les pensées réactionnaires », Mil neuf cent, n°9, 1991, pp. 81-97.

LASSERRE Frédéric et MOTTET Eric, « L’initiative Belt and Road, stratégie chinoise du Grand Jeu ? », Diplomatie, numéro 90, 2018/1, pp. 36-40.

MACKINDER Halford, « The Geographical Pivot of History », The Geographical Journal, vol. 23, 1904/4, pp. 421-437.

STRUYE DE SWIELANDE Tanguy, « La Chine et ses objectifs géopolitiques à l’aube de 2049 », in « Regards géopolitiques », Bulletin du Conseil québécois d’études géopolitiques, volume 2, n°1, printemps 2016, pp. 24-28.

Articles en ligne

ALEXEEVA Olga, « Le partenariat stratégique Chine-Russie : une alliance durable ? », Areion 24 news, 25 janvier 2019.URL : https://www.areion24.news/2019/01/25/le-partenariat-strat...

BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016. http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...

BOULEGUE Mathieu, « La « lune de miel » sino-russe face à l’(incompatible) interaction entre l’Union Economique Eurasienne et la Belt & Road Initiative », Diploweb, 15 octobre 2017 https://www.diploweb.com/La-lune-de-miel-sino-russe-face-...

CLAIRET Sophie, « Pourquoi l’Europe risque de se perdre sur les nouvelles routes de la soie ? », GeoSophie, 6 janvier 2017.URL : https://geosophie.eu/2017/02/05/pourquoi-leurope-risque-d...

DUPUY Emmanuel, « Les nouvelles Routes de la Soie et l’Asie Centrale : l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) en première ligne… », La Vigie, 16 novembre 2017 URL : https://www.lettrevigie.com/blog/2017/11/16/les-nouvelles...

ESCOBAR Pepe, « Vladimir Poutine s’aligne avec Xi Jinping pour élaborer un nouvel ordre mondial (commercial) », RTFrance, 17 mai 2017.URL : https://francais.rt.com/opinions/38470-vladimir-poutine-a...

GARCIN Thierry, « Le chantier – très géopolitique – des Routes de la soie », Diploweb, 18 février 2018. URL : https://www.diploweb.com/Le-chantier-tres-geopolitique-de...

LARUELLE Marlène, « Le néo-eurasisme russe. L’empire après l’empire ? », Cahiers du monde russe [En ligne], 42/1, 2001, mis en ligne le 01 janvier 2007, pp. 71-94. https://journals.openedition.org/monderusse/8437#bodyftn2

MOHAMMEDI Adlène, « Le « néo-eurasisme » d’Alexandre Douguine : une revanche de la géographie sur l’histoire ? », Philitt, 4 juillet 2016.https://philitt.fr/2016/07/04/le-neo-eurasisme-dalexandre...

« 21e sommet Chine Union Européenne: vers plus de connectivité ! », OBOReurope, 11 avril 2019.
URL: https://www.oboreurope.com/fr/21e-sommet-chine-union-euro...

«  La route polaire et l’initiative Belt and Road », OBOReurope, 7 novembre 2017.URL: https://www.oboreurope.com/fr/route-polaire/

« Qu’est que l’accord entre la Chine et l’Italie ? », OBOReurope, 24 mars 2019 https://www.oboreurope.com/fr/accord-chine-italie/

Cartes

BOUCHARD Renaud et PORFIRYEV Boris, « L’économie russe et le basculement géostratégique », conférence donné dans le cadre du séminaire Franco-Russe « L’intégration eurasiatique en perspective / Евразийская интеграция в перспективе », Paris, EHESS, 14 septembre 2016 – 16 septembre 2016.http://renaudbouchard.canalblog.com/archives/2016/09/22/3...

« First Chinese Train Arrives in Tehran to Revive Silk Road », Strategic Demands Online, 15 février 2016 URL: https://strategicdemands.com/eurasia-newsilkroad/

« Les nouvelles routes de la soie : le cauchemar de Brzezinski passe par l’Asie centrale », Investig’action, 10 octobre 2018.
URL : https://www.investigaction.net/fr/les-nouvelles-routes-de...

Sitographie

Site Geopolitica.ru. URL : https://www.geopolitica.ru

Site du mouvement EVRAZIA : http://evrazia.org/modules.php?name=News&file=article....

vendredi, 24 mai 2019

La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise

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La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Nous avons souvent indiqué ici que l'initiative chinoise dite Belt and Road Initiative BRI donnera à la Chine l'occasion de nouer des relations économiques et politiques avec toutes les nations traversées, y compris récemment en Italie.

Une question restait posée : la Russie s'associerait-elle à cette démarche ou, à l'inverse, y verrait-elle une concurrence dangereuse pour les relations qu'elle a depuis longtemps établies avec ses voisins du sud au sein de l'Union économique eurasiatique.

La réponse vient d'être donnée à la seconde Conférence de la BRI qui vient de se tenir à Pékin. Elle rassemblait 37 chefs d'Etat, dont Vladimir Poutine en personne. Celui-ci vient d'annoncer son intention d'associer la Route Polaire Maritime russe à la BRI. Cette route est de plus en plus fréquentée pendant la période de fonte des glaces, période qui ne cesse de s'allonger avec le réchauffement climatique. Ceci devrait faire de l'Arctique une zone de coopération où pourraient se retrouver de nombreux intérêts refoulés vers le nord par ces changements de température. La Chine voit déjà dans la Route polaire un élément majeur de son ouverture au reste du monde.

C'est d'abord la diminution des temps de transport maritime qui l'intéresse. La route du port chinois de Dalian à Rotterdam sera raccourcie de 10 jours par rapport au passage par le détroit de Malacca et le canal de Suez. Par ailleurs, un accès aux ressources de l'Arctique sera précieuse pour un pays surpeuplé et sans grandes ressources propres tel que la Chine. 

Quelques jours auparavant, dans le cadre de l'International Arctic Forum qui se tenait à St Petersbourg début Avril, la Russie avait mis l'accent sur l'importance de ce qui est nommé un Grand Partenariat Euroasiatique non seulement pour la coopération économique mais pour celle en matière scientifique. Lors de cette conférence, Chine et Russie ont signé un accord de coopération scientifique pour l'Arctique créant un China-Russia Arctic Research Center.

Dans un premier temps, il s'agira de réaliser des constructions durables sur des plateformes flottant sur la glace et des brise-glaces plus performants. Sans attendre on y étudiera des méthodes permettant de préserver les milieux naturels fragiles de cette partie du monde.

Sur ce plan, beaucoup de scientifiques resteront dubitatifs. On peut craindre que les objectifs économiques l'emportent sur les préoccupations de préservation. D'autant plus qu'à plus long terme des dizaines de millions de personne chassées de chez elles par le réchauffement et la désertification chercheront à se reconvertir non seulement dans le nord de la Sibérie mais dans l'Arctique.

Celle-ci est sans doute trop loin  de l'Europe pour qu'elle s'intéresse, hormis quelque peu les pays scandinaves (et Total). Ce sera dommage pour elle. 

jeudi, 23 mai 2019

Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?

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Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Chine détient actuellement l'essentiel des gisements mondiaux de terres rares rapidement exploitables. Celles-ci sont indispensables dans la fabrication des appareils électroniques tels que les smart phones et les futures voitures électriques.

Il était prévisible que Pékin riposterait sur ce terrain à l'offensive américaine contre Huawei, menacé par un embargo américain sur des composants électroniques qui lui sont indispensables. Washington vise à exclure Huawei de toutes les applications de demain, telles que la 5 G, au prétexte que le géant chinois pourrait espionner les firmes américaines travaillant pour la défense.

Or le président chinois Li Jinping vient de visiter une société productrice de terres rares. Même s'il n'a fait aucune déclaration à ce sujet, il est évident que cette visite n'était pas de routine. Elle voulait faire peser la menace d'un embargo chinois sur l'exportation de terres rares. Pékin prend son temps cependant avant de déclencher la guerre. Il craint manifestement que les Américains ne trouvent des substituts aux terres rares.

Cependant cela demandera du temps et nécessitera des crédits de recherche considérables. Dans les prochains mois, l'arme des terres rares serait donc utilisable et pourrait considérablement affecter toutes les filières technologiques américaines, ainsi d'ailleurs que les Européens qui en sont totalement dépendants. On notera cep que la France pourrait extraire des terres rares dans son domaine maritime, mais avec de grands risques pour la vie océanique

La Chine produit actuellement 95¨des terres rares nécessaires à l'industrie. Les Etats-Unis en importent environ 80%. Un consultant américain, président de ThREE Consulting, a prévenu qu'un embargo chinois pourrait compromettre tous les fabricants non chinois de produits électroniques, y compris ceux utilisée dans le domaine de l'aviation commerciale et de l'industrie militaire.

En 2014 l'Organisation Mondiale du Commerce avait accusé la Chine d'enfreindre les règles de la concurrence en limitant les exportations de ces terres, au prétexte des dégâts à l'environnement provoqués par leur extraction. 

Ceci dit l'United States Geological Survey avait estimé en 2018 que la planète disposait de 120 millions de tonnes de gisements, dont 44 millions en Chine, mais aussi 22 au Brésil et 18 en Russie. Ces deux derniers pays avaient jusqu'ici préféré ne pas exploiter leurs réserves, compte tenu du fait que cette exploitation rejette des quantités considérables de produits toxiques et peut-être radioactifs. La Chine apparemment ne s'en préoccupe pas. 

Une intervention de Pékin bloquant ou rendant difficiles les exportations de terres rares sera considérée aux Etats-Unis comme une accélération de la guerre commerciale. De plus, dans le cas encore improbable de conflits militaires avec la Chine dans le Pacifique Sud, il s'agira d'une arme qui devra être prise en considération par les stratèges du Pentagone.

mercredi, 22 mai 2019

Rand Corp : comment abattre la Russie

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Rand Corp : comment abattre la Russie

Auteur : Manlio Dinucci 
Ex: http://www.zejournal.mobi

Contraindre l’adversaire à s’étendre excessivement pour le déséquilibrer et l’abattre : ce n’est pas une prise de judo mais le plan contre la Russie élaboré par la Rand Corporation, le plus influent think tank étasunien qui, avec un staff de milliers d’experts, se présente comme la plus fiable source mondiale de renseignement et d’analyse politique pour les gouvernants des États-Unis et leurs alliés. 

La Rand Corp* se vante d’avoir contribué à élaborer la stratégie à long terme qui permit aux États-Unis de sortir vainqueurs de la guerre froide, en contraignant l’Union Soviétique à consommer ses propres ressources économiques dans la confrontation stratégique. C’est de ce modèle que s’inspire le nouveau plan, “Overextending and Unbalancing Russia”, publié par la Rand. Selon ses analystes, la Russie reste un puissant adversaire des États-Unis dans certains domaines fondamentaux. Pour cela les USA doivent poursuivre, avec leurs alliés, une stratégie d’ensemble à long terme qui exploite ses vulnérabilités. Ainsi va-t-on analyser divers moyens pour obliger la Russie à se déséquilibrer, en indiquant pour chacun les probabilités de succès, les bénéfices, les coûts et les risques pour les USA. 

Les analystes de la Rand estiment que la plus grande vulnérabilité de la Russie est celle de son économie, due à sa forte dépendance par l’exportation de pétrole et de gaz, dont les recettes peuvent être réduites en alourdissant les sanctions et en augmentant l’exportation énergétique étasunienne. Il s’agit de faire e sorte que l’Europe diminue l’importation de gaz naturel russe, en le remplaçant par du gaz naturel liquéfié transporté par mer depuis d’autres pays. 

Une autre façon de nuire dans le temps à l’économie de la Russie est d’encourager l’émigration de personnel qualifié, notamment des jeunes Russes avec un niveau élevé d’instruction. Dans le domaine idéologique et informatif, il faut encourager les contestations internes et en même temps miner l’image de la Russie à l’extérieur, en l’excluant de forums internationaux et en boycottant les événements sportifs internationaux qu’elle organise. 

Dans le domaine géopolitique, armer l’Ukraine permet aux USA d’exploiter le point de plus grande vulnérabilité extérieure de la Russie, mais cela doit être calibré pour garder la Russie sous pression sans arriver à un grand conflit dans lequel elle aurait le dessus. 

Dans le domaine militaire les USA peuvent avoir des bénéfices élevés, avec des coûts et des risques bas, par l’accroissement des forces terrestres des pays européens de l’OTAN dans une fonction anti-Russie. Les USA peuvent avoir de hautes probabilités de succès et de forts bénéfices, avec des risques modérés, surtout en investissant majoritairement dans des bombardiers stratégiques et missiles d’attaque à longue portée dirigés contre la Russie.

Sortir du Traité FNI et déployer en Europe de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire pointés sur la Russie leur assure de hautes probabilités de succès, mais comporte aussi de hauts risques. 

En calibrant chaque option pour obtenir l’effet désiré -concluent les analystes de la Rand- la Russie finira par payer le prix le plus haut dans la confrontation avec les USA, mais ceux-ci aussi devront investir de grosses ressources en les soustrayant à d’autres objectifs. Ils pré-annoncent ainsi une forte augmentation ultérieure de la dépense militaire USA/OTAN aux dépens des dépenses sociales.

Voilà l’avenir que nous trace la Rand Corporation, le think tank le plus influent de l’État profond, c’est-à-dire du centre souterrain du pouvoir réel détenu par les oligarchies économiques, financières et militaires, celui qui détermine les choix stratégiques non seulement des USA mais de tout l’Occident.

Les “options” prévues par le plan ne sont en réalité que des variantes de la même stratégie de guerre, dont le prix en termes de sacrifices et de risques est payé par nous tous.

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

*La RAND Corporation : Research ANd Development (recherche et développement)

mardi, 21 mai 2019

Mésententes franco-allemandes

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Mésententes franco-allemandes

par Georges FELTIN-TRACOL

Malgré la signature d’un nouveau traité entre la France et l’Allemagne à Aix-la-Chapelle, le 22 janvier 2019, qui parodie le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, force est de constater un paradoxe, l’indéniable dégradation des relations franco-allemandes. L’élection d’Emmanuel Macron avait pourtant ravi la caste politicienne outre-Rhin. L’européisme revendiqué, le réformisme affiché dans un sens de la rigueur budgétaire et le libéralisme en même temps économique et culturel du nouveau président français séduisaient les caciques de la CDU – CSU, du SPD, des Grünen et des libéraux.

Ainsi dès les premiers mois de sa présidence, Emmanuel Macron insista-t-il sur une nécessaire « souveraineté européenne », la création d’un budget commun de la Zone euro et le renforcement des coopérations inter-européennes avancées. Or Berlin répondit à toutes ces propositions audacieuses par une fin de non-recevoir. Le vice-chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, et la nouvelle dirigeante de la CDU, Annegrett Kramp-Karrenbauer, revendiquèrent au contraire la mutualisation, sinon l’européisation, du siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU et l’installation définitive du Parlement européen à Bruxelles aux dépens de Strasbourg.

Douché par ces initiatives intempestives, le président français comprend qu’il ne peut compter sur une classe politicienne allemande arc-boutée sur un statu quo déclinant alors que la première puissance économique d’Europe entre dans son hiver démographique, refuse de rénover ses infrastructures et se voit en prochaine victime des guerres douanières mondiales déclarées par Donald Trump. Même si les différents entre Berlin et Paris sont moins médiatiques que les tensions franco-italiennes, ils ne cessent de s’accumuler.

L’Allemagne ne permet pas à la France et à la Grande-Bretagne de livrer à l’Arabie Saoudite des armements dotés de composants allemands. Les industriels français de la défense n’apprécient guère cette interdiction. Le 29 avril dernier s’est tenu à Berlin un sommet informel sur les Balkans de l’Ouest (Serbie, Monténégro, Kossovo, Macédoine du Nord, Albanie, Croatie, Slovénie et Bosnie-Herzégovine). Les divergences entre les diplomaties française et allemande n’ont jamais été aussi grandes concernant cette région stratégique du Sud-Est de notre continent.

Le gouvernement allemand a réaffirmé son désir d’intégrer à terme les États balkaniques dans l’Union dite européenne. La France défend au contraire la suspension plus ou moins longue du processus d’« élargissement ». Paris propose en outre de résoudre le conflit serbo-kossovar par des échanges de territoires, ce qui implique l’abandon exceptionnel du principe de l’intangibilité des frontières. Cette hypothèse irrite Berlin. L’Allemagne craint en effet que la susceptible Pologne y voit une remise en cause implicite de la frontière Oder – Neisse.

Il est instructif de savoir qu’à l’occasion de ce sommet, Angela Merkel en fin de parcours et Emmanuel Macron n’ont discuté qu’un petit quart d’heure ! Les politiciens allemands, Wolfgang Schäuble en tête, ne font plus confiance à Macron depuis que ce dernier a concédé quelques milliards aux Gilets jaunes. Emmanuel Macron commence à comprendre les manœuvres dilatoires allemandes, d’où son intention de briser le binôme dirigeant PPE – socialistes au Parlement européen au profit de majorités d’idées plus volatiles. Le Rhin devient un peu plus chaque jour une faille béante entre ses deux rives…

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 125, mise en ligne sur TV Libertés, le 13 mai 2019.